La confiance ne se décrète pas. Elle se construit. Dans l’intervalle, on s’observe avec prudence. L’un prend des initiatives, fait un pas, puis, diplomatiquement, se ravise laissant ainsi à l’autre l’espace nécessaire pour oser à son tour. C’est un peu le spectacle donné ce mardi 15 septembre 2009 par l’Orchestre philharmonique de Nice et son nouveau chef venu de Cannes, Philippe Bender.
Malgré un programme des plus éclectiques, ouvert aux influences multiples, la soirée fut monolithe, empreinte de retenue, coincée dans un surprenant classicisme pour des œuvres qui réclamaient pourtant de l’audace et du caractère. Mise à part « l’Ouverture de Candide », comédie musicale composée en 1956 par Leonard Bernstein jouée en introduction avec fougue, les trois autres morceaux de ce « concert exceptionnel » avaient de quoi lasser les nombreux auditeurs de la salle Apollon de l’Acropolis : la très célèbre « Rhapsody in blue », rhapsodie de concert pour piano et orchestre de George Gershwin, a donné lieu à une interprétation dénuée de tout empreinte « jazzy », rondouillarde malgré son rythme anguleux, sombrant corps et âmes dans un lyrisme larmoyant, voire ennuyeux. Si le pianiste Krystian Zimerman sauve brillamment les apparences en s’engageant dans un duel acharné -et un peu solitaire- avec sa difficile partition, le maestro Philipe Bender, lequel avait auparavant rôdé ce programme avec son ensemble de jeunes musiciens cannois, semble plutôt abandonner l’Orchestre à son sort, reprenant temporairement ici ou là son rôle de directeur. Voulait-il laisser davantage d’espace interprétatif au Philharmonique, alors que ses musiciens ont souvent critiqué son prédécesseur Marco Guidarini pour sa direction très « tenue » ? Voulait-il simplement le tester ? Toujours est-il que la formation niçoise, à laquelle s’était adjointe pour l’occasion une excellente flûtiste de l’Orchestre régional de Cannes, a plutôt bien assumé cette « vacance » inattendue de pouvoir.
Malheureusement, le même scénario s’est imposé dans « El sombrero de tres picos » (deuxième suite) de Manuel De Falla et « Daphnis et Chloé » (deuxième suite) de Maurice Ravel. Issues des deux ballets créés par les célèbres Ballets Russes, sur une commande de Sergueï Diaghilev, ces deux œuvres possèdent une marque puissante inspirée par leurs auteurs. Force est néanmoins de constater que la riche couleur ibérique de la première semble avoir été « javellisée » par une direction minimaliste et fade tandis que la seconde a forcé sur une discutable interprétation purement romantique, enchaînant de larges phrasés mélodiques qui altéraient la délicate minutie de l’écriture ravélienne.
In extremis, un « bis » dédié aux victimes américaines du 11 septembre a fait souffler dans la salle une authentique émotion qu’on aurait aimé déceler un peu plus tôt.