Quel ne fut pas notre ravissement de ce précédent spectacle de Tchaïkovsky :« Eugène Onéguine » agréable en tous point , d’une réussite musicale et visuelle totale , une intensité dramatique poignante jusqu’au paroxysme du duel entre les deux rivaux amoureux, autrefois amis , Onéguine et Lenski, le baryton , Andrei Zhihilovski ,voix éblouissante et le ténor Igor Morozov au timbre inoubliable .
Une mise en scène d’Alain Garichot. Les personnages sont profonds : les deux sœurs , Olga (Julie Robart-Gendre ) et bien entendu, Tatiana, l’amoureuse, interprétée par Marie-Adeline Henry, artiste française éclectique , dont l’écriture de la lettre enflammée ,en avant-scène , est très émouvante et que nous retrouvons quelques années plus tard en femme qui tient son rang, au bras du Prince Gremine, la basse Oleg Maslarov
Nous sommes dans un domaine de la Russie du début XIX è siècle , un pays pétri de grands sentiments. Le cadre : un jardin avec de grands arbres aux troncs imposants fera tout l’opéra , n’excluant pas des tableaux intimistes et des scènes de bal animées de belles couleurs dans les valses, les polonaises, autant d’airs extrêmement connus . Tchaïkovsky a voulu trancher un conflit de mode d’expression entre le genre lyrique et l’exigence d’une vérité de l’expression de même que Pouchkine, l’auteur de l’histoire , avait fait la synthèse entre le genre romanesque au niveau de la narration et la Poésie puisque son roman est en vers.
De la Russie , nous passerons prochainement à Séville et la montée de ses fièvres dans toute la ville pendant la semaine sainte dans le « Carmen » de Bizet mis en scène par le Directeur d’Anthéa d’Antibes, ancien Directeur du Théâtre National de Nice , Daniel Benoin , lequel a monté nombre de pièces et d’Opéras , récemment « la Bohème » , « Madame Butterfly » , « la Marquise d ‘Ô » ou encore la Comédie musicale « Dreyfus » de Michel Legrand.
Pour lui, « avec Dom Juan et Figaro, Carmen incarne les trois révoltés de Séville, contre Dieu pour Dom Juan, contre les femmes pour Figaro et contre les hommes pour Carmen » puisque cette dernière doit se soumettre à la loi des hommes quand elle veut vivre ses désirs de femme . Benoin situe l’action en 1936 , avant le début de la guerre civile d’Espagne entre franquistes et républicains , ce qui accentue chez Carmen le sentiment de liberté et de résistance . Aurore Ugolin y mettra toute sa féminité et sa sensualité pour incarner cette figure universelle de la Liberté.
par Roland Haugade