En avant-première de l’Avare de Molière, façon commedia dell’arte, au Théâtre de Verdure ce jeudi, Nice Première a rencotré Didier Dupuis, le metteur en scène et le premier rôle. Une réflexion sur la commedia dell’arte et le théâtre en général…
Nice Première : Est-ce que Molière est à sa place dans la société contemporaine?
Didier Dupuis : À mon goût, Molière n’est pas vieillot, il est sympathique. Nous avons gardé le texte original et cela n’enlève rien à la compréhension. Sur scène, on joue, on fait des grimaces, il y a de l’action. Du coup, même les enfants de cinq ans se retrouvent dans cet univers.
NP : Commedia dell’arte selon Didier Dupuis?
DD : Je privilégie l’improvisation, la participation du public. Il arrive que les gens reviennent au même spectacle pour voir ce qui a changé. On a gardé un grand esprit de théâtre de tréteaux. Notre compagnie a son cachet, nous nous inspirons de personne. Ma mise en scène n’est jamais verrouillée, les acteurs savent qu’ils peuvent faire des propositions, souvent en direct. On est dans l’amusement, la bouffonnerie, on flirte en permanence avec une ligne. Un peu comme font les clowns au cirque. Avec, toutefois, un très grand respect du public.
NP : Pourquoi avoir gardé les ingrédients du théâtre classique : les masques, les épées, les costumes..?
DD : Mes acteurs jouent plusieurs rôles dans un même spectacle. Commedia dell’arte demande une grande rigueur de composition. Le masque permet à l’acteur de changer de physique, de voix. On veut qu’il y ait une vraie performance artistique. D’ailleurs, nous avons gardé les vrais masques traditionnels.
NP : Pensez-vous que commedia dell’arte avait vieilli ?
DD : Il est vrai que Commedia est tombée dans la désuétude pendant un certain nombre d’années. Dans les Alpes-Maritimes, il n’y a que notre compagnie, la Voix du silence, qui le pratique encore. En fait, il s’agit d’un spectacle exigeant, il demande à faire des acrobaties, savoir chanter, savoir improviser aussi. Cela demande une dynamique constante et une grande palette d’acteurs. Mais ce genre est en train de revenir.
NP : Votre avis sur le théâtre contemporain ?
DD : C’est trop intello. Notre compagnie aime le théâtre populaire, dans le sens noble du terme. Le problème du théâtre contemporain, c’est qu’il se place en donneur de leçon. Il n’est pas vrai de dire : l’art ramène à la culture. Je crois que le public est intelligent. Il souhaite avant tout, un échange. Notre souhait est de rendre le public heureux, qu’il oublie ses soucis. Je pense que c’est ce qu’il recherche aussi.
NP : Quel avenir pour la scène niçoise ?
DD : Cela est plus une affaire de compagnies que de la Mairie. Entre elles, il y a trop eu d’interconnexions. Même s’il est dommage qu’il n’y ait pas de scène de 200 places à Nice.
NP : Et l’avenir du théâtre ?
DD : Aujourd’hui, c’est un peu difficile pour le spectacle. Les gens nous disent que le facteur prix est important. Mais produire un spectacle coûte cher. Du coup, c’est comme si on n’avait pas droit à l’erreur. La personne qui a trouvé un spectacle ennuyeux dira que le théâtre est ennuyeux.
NP : Le Festival d’Avignon semble aller mal…
DD : Il faut faire la part des choses. Beaucoup de compagnies se plaignent d’un ratage en accusant Avignon. C’est comme aux Galeries Lafayette, il se passe toujours quelque chose. Nous avons réussi à faire un beau spectacle en 2003, malgré la grève des intermittents. Il faut défendre son théâtre, être fort dynamique. Mais il est vrai que ce festival est devenu trop cher pour les compagnies de théâtre. Un système s’est installé. Avignon est une ville qui marche sur le festival. Les plus grosses recettes se font pendant celui-ci. Certaines compagnies payent les pots cassés. Cependant, je conseille d’aller à Avignon, il y a une ambiance unique.
NP : Le théâtre est-il devenu une industrie ?
DD : Oui, de plus en plus. Même si cela me fait mal de le dire, il est devenu un produit. Déjà, les mécènes n’existent plus. Alors, il faut galérer pour trouver un sponsor. Mais on ne peut pas se contenter de vivre en baba-cool. On est obligés d’aller faire la promo, de communiquer. Surtout ici, il y a un très grand choix de spectacles, donc il faut aller mettre l’information sous le nez des spectateurs. En même temps, avoir le choix, c’est une bonne chose. Cela évolue dans le bon sens, par rapport à il y a quelques années.
NP : Que pensez-vous des revendications des intermittents du spectacle ?
DD : Je trouve que les cachets subventions sont mal répartis. Il y a des compagnies qui touchent des centaines de millions d’euros, d’autres font avec deux bouts de ficelle. Nous avions aussi été confrontés à cela. On sait que nous avons un public, donc on arrête de nous aider. Mais, on a toujours réussi à nous sortir par nous-mêmes. Si on attend des subventions on ne fonctionne plus. Donc, les subventions, je suis pour et contre. Il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers. Si on se met à attendre des subventions pendant quatre mois, on ne met jamais en scène. Fondamentalement, c’est le public qui fait des artistes, pas les subventions.
L’Avare de Molière
Par la compagnie Voix du silence
Mise en scène Didier Dupuis
Jeudi 3 août 2006 à 21 heures
Au théâtre de Verdure de Nice
Locations : 04 93 97 88 64
www.lavoixdusilence.fr