C’est bien « son » répertoire, celui dans lequel il se sent particulièrement à l’aise et parvient sans difficulté à partager son plaisir et celui de son Ensemble Baroque avec le public. Vendredi soir, dans l’Eglise Saint-Martin – Saint-Augustin située dans le vieux Nice, Gilbert Bezzina et ses quatorze musiciens ont donné l’intégrale de « Sinfonias » de Francesco Maria Veracini, un illustre inconnu du XVIIIème siècle, pourtant l’un des plus extraordinaires violonistes de son époque. Et un infatigable voyageur : de la Basilique San Marco de Venise où il se produit en 1711, il retourne dans sa ville natale, Florence, pour la création de son Oratorio « Il trionfo della innocenza patrocinata de San Niccolo » avant de se rendre à Londres et Düsseldorf puis de s’installer à Dresde, où il sera engagé par l’Electeur Friedrich August I de Saxe. C’est probablement de cette époque que date la création de ses Sinfonias.
A même de rappeler certains morceaux de Telemann, ce sont ces six « Ouvertures », élégantes et plaisantes à défaut d’être scripturalement complexes, que les musiciens de l’Ensemble Baroque de Nice ont exécutées dans une impressionnante harmonie, probablement sous une direction bien assumée de son chef et violoniste Gilbert Bezzina. Mouvements lents et rapides se succèdent avec une interprétation privilégiant la multiplication des nuances d’une phrase mélodique à l’autre. Un moyen, selon le directeur, d’éviter d’éventuels « effets répétitifs ». Une appréhension injustifiée : le côté majestueux de la IVème, la douceur de la VIème ou l’énergie de la IIIème de ces Ouvertures offrent un large éventail d’éprouvés.
L’inspiration commune rendait les attaques et les changements de rythme presque visibles : une onde faisait mouvoir à l’unisson les corps et les têtes des musiciens, sensation qui se propageait jusque dans un public largement conquis. Qu’il soit suspendu aux signaux de Gilbert Bezzina comme le très impliqué -et très prometteur- violoncelliste Julien Hainsworth, qu’il ne le regarde jamais comme l’impressionnant bassiste François de Rudder qui confie, qu’à « force de travailler ensemble », on « ressent » la direction ou qu’il n’hésite pas à desserrer son nœud papillon pour amplifier son souffle comme le talentueux Christophe Mazaud (hautbois), chacun des instrumentistes a contribué -à sa manière- au succès de ce concert.
Cet Ensemble Baroque a su apporter l’agrément et le plaisir contenus dans cette musique : dans l’un des derniers mouvements de la première Ouverture, un duo exceptionnel a lieu entre le basson et le hautbois. Dans la deuxième et la troisième de ces Ouvertures, c’est un émouvant trio de cordes (Gilbert Bezzina, Laura Corolla et Ottavia Rausa) qui se fait entendre, le tout ponctué par de nombreux dialogues concertants lesquels alternent avec d’inattendues ruptures de tonalités. De quoi légitimer un « bis » qui n’était pas de pure forme.