Dans le cadre de la représentation de leur pièce Lily, nous avons rencontré Christophe Caissotti, cofondateur de la « Compagnie Un Poisson En Avril ». Accompagné de l’artiste Emilie Pierdas, ils ont l’envie de monter des projets qui les enthousiasmes. De la naissance du groupe, aux difficultés liées au confinement, nous avons longuement échangé sur la passion de la scène.
Comment s’est fondé votre groupe ?
C’est Emilie Pierdas qui a eu l’idée de créer cette compagnie. Elle voulait monter les projets qui enthousiasmaient. C’est vrai que quand l’on est comédien, tant que l’on n’a pas sa propre compagnie, on dépend des idées des autres. De mon côté je voulais monter des spectacles que j’écrivais. Je voulais me confronter à ça quitte à prendre des bides. Et donc on s’est rencontrés comme cela. Nous sommes partis du principe que nous allions créer nos spectacles. (Lily, un nénuphar dans ma baignoire).
Quels sont les thèmes que vous aimez écrire et jouer ?
En général, ce que j’aime dans mon écriture c’est l’humain. Les humains ont des actions qui paraissent parfois égoïstes voire étranges. J’essaye toujours de voir ce qu’il y a derrière. J’essaye aussi d’éviter de mettre les protagonistes dans des cases. Rien n’est tout blanc ou tout noir. J’aime bien donner un côté sombre aux victimes. Tout simplement car nous ne sommes pas formés d’un bloc. C’est une épaisseur qui est recherchée.
Dans quelles situations vous mettez-vous durant l’écriture et avant de monter sur scène ?
Emilie et moi on se propose mutuellement des projets que nous réalisons en harmonie en nous échangeant des idées. Quand j’écris, je le fais en premier temps dans mon coin sans trop en parler. Par la suite je le fais lire pour avoir des retours. Quand on écrit, nous sommes plongés dans notre vision de la chose. C’est pour cela qu’il faut le confronter à la réalité, et cette réalité est les gens qui vont lire. Dans la tête d’un écrivain, il y a une suite logique que l’on peut parfois l’oublier. Ce qui est le plus complexe est de se mettre à la place du lecteur. Dans un second temps il ne faut pas l’ennuyer. Une première écriture est très reconnaissable. Elle est très explicative par peur d’avoir une incompréhension du public. Il ne faut pas plonger dans la surenchère de description. La règle numéro une est de ne pas trop prendre son lectorat par la main, l’ennui peut vite arriver. Il faut donc trouver un juste milieu car la personne qui nous lit n’est pas dans notre tête.
Emilie et moi avons de la chance parce que nous pouvons partager nos écrits aux comédiens. Même en première lecture, un comédien est capable de savoir le rôle qui lui convient le mieux.
Quels sont vos influences artistiques ?
J’ai été très marqué par la littérature russe. Comme tout le monde n’était obligé de lire à l’école. Cependant c’est par la littérature russe que j’ai aimé lire. La raison est parce que l’écrivain fait très attention à la psychologie des héros. Cet aspect est mon centre d’écriture et de réflexion.
Comment s’est passé le parcours de la Compagnie Un Poisson En Avril de sa création jusqu’au confinement ?
Quand l’on commence un projet, il y a une exaltation. C’est en assistant à une pièce pour enfants que je me suis découvert une réelle envie. Emilie jouait devant eux, et c’est en voyant leurs rires que je me suis dit que je devais faire un spectacle pour enfants, parce que moi aussi je veux voir ces visages souriants.
Vous faites que des créations originales ? Aucune adaptation ?
Emilie et moi sommes partis sur le théâtre contemporain original. Il y a un côté exaltant à créer. Et cela est compliqué de le retrouver dans l’adaptation.
Quel est le plus difficile, une adaptation où il faut rester dans un cadre ou de mettre en scène une création originale ?
Je crois que c’est plutôt une question d’envie. C’est-à-dire que quand l’on fait des ateliers de théâtre, la voie empruntée est celle de l’adaptation. Parce que l’on veut offrir aux élèves le plaisir de jouer dans des pièces connues. Nous pouvons assez facilement rentrer dans la tête de l’auteur. Mais le fait de créer soi-même reste une création très personnelle.
Comment s’est déroulé votre travail à la fermeture des théâtres ?
Il y a eu un moment très difficile avec des dates annulées. La chance que j’ai pu avoir est que j’étais en train d’écrire une pièce. De son côté, Emilie a fait des vidéos quotidiennes. Lorsque l’on fait du théâtre, on a envie d’être vu, et si on ne peut plus l’être, ça devient problématique.
Dans quelles conditions écrivez-vous ?
Je n’écris pas chez moi, je vais au château ou dans des cafés. J’aime bien le faire au milieu des gens.
Le fait d’être enfermé vous a freiné dans la production ? Le fait de ne pas sortir vous a bloqué artistiquement ?
Ça m’a touché car lorsque le confinement a été mis en place, nous avons été bombardés d’informations. Je me suis dit que je ne voulais jamais parler de cette période. Dans le cinéma, la littérature ou le théâtre, vous allez voir beaucoup de choses en lien avec ces semaines de huis clos. Je ne veux pas rajouter un truc de plus, mon but est autre part.
Durant cette période, quelles ont été vos inquiétudes et quelles sont-elles actuellement ?
L’inquiétude qui est partagée par toutes les personnes qui exercent leur métier à travers le théâtre est que nous ne savons pas s’il sera possible de jouer demain. D’un jour à l’autre, tout peut être de nouveau fermé. C’est difficile de répéter en se disant que ce n’est surement pour rien. L’être humain a besoin de fondations stables et notre inquiétude est de ne pas être sur scène. D’un autre côté nous cherchons des solutions pour nous réinventer et il peut y avoir une petite exaltation dans cet exercice.
Depuis le déconfinement comment se déroule l’échange que l’on peut avoir avec le public ?
Depuis le déconfinement, nous voyons qu’il y a un vrai public. Une distance est gardée dans les gradins. Mais quand l’on est sur scène nous n’apercevons aucune différence.
Etes-vous dérangé (artistiquement) par les masques portés ?
Non car on ne voit pas le public, on le sent et rien n’a changé. Si vous voulez, il y a une atmosphère incroyable que l’on peut ressentir en étant sur scène. Les acteurs ont des projecteurs qui les empêchent de voir au-delà du premier rang. Faudrait demander à d’autres comédiens, mais pour moi, les masques ne sont pas problématiques.
Vous avez eu des retours des spectateurs sur les mesures sanitaires ?
Non, les gens s’adaptent. Ils sont assez heureux de revenir au théâtre.
Pour les comédiens que se passe-t-il en cas de Covid ?
Les règles sont les mêmes pour tout le monde. Si l’un des comédiens est positif, la représentation est annulée.
Votre compagnie est actuellement en représentation au théâtre de la cité. Pourriez-vous nous décrire votre pièce ?
C’est une pièce jeune public nommée Lilly. Nous avons voulu utiliser les standards des spectacles pour enfants. C’est une princesse dans un château qui est avec sa mère, la reine. Cette jeune fille s’ennuie et ne sait pas pourquoi. En fin de compte ce qui est intéressant est qu’elle a tout ce dont elle a envie et cela engendre l’ennuie. Sa mère lui offre tout ce qu’elle désire, mais est absente.
Dans l’écriture j’ai pensé au fait que les enfants ont beaucoup d’occupation sans les parents. Mais parfois ils ne demandent qu’à passer du temps avec eux. Souvent, les parents reviennent à la maison avec le travail dans la tête, ils se parlent entre eux des problèmes qu’ils ont dans la vie et les enfants attendent sans être dans l’échange.
J’évite absolument la morale. Je n’ai pas voulu faire passer la princesse pour une victime mais il y a un message derrière dont je ne veux pas forcer le trait. À aucun moment la réflexion du spectateur va être forcée.
Pour les spectacles pour enfants, essayez-vous ce que vous écrivez sur vos enfants ?
On a la chance d’avoir le fils d’Emilie de huit ans qui est notre premier supporter. Merci à lui c’est notre testeur suprême (rires).
Où pouvons-nous retrouver votre compagnie à Nice et ses environs ?
C’est en fonction des dates que l’on trouve. Ce mercredi 7 nous sommes à Nice et la semaine suivante à Bon Voyage. Nous jouons dans tout le département. Pour l’instant c’est un peu complexe car comme je vous l’ai dit, nous ne savons pas si le futur est assuré.
Quels sont vos projets futurs à court, moyen et long terme ?
Le grand projet de la compagnie est celui de Jack l’éventreur. Il faut que l’on trouve des partenaires pour la monter. Ensuite nous avons un spectacle pour Noël. Quelque part nous devons avoir plusieurs offres à proposer. Après on préfère ne pas parler de ce qui n’est pas concret. Il faut savoir être patient.
Si vous deviez parler à nos lecteurs, que diriez-vous ?
Venez au théâtre. On a besoin de spectateurs et de soutien. De nos jours, le stand-up est à la mode. Prenez le risque de venir au pour voir ce qui vous plait moins. Il faut tester pour être surpris. La proximité avec les comédiens peut vous apporter des émotions que vous ne retrouverez pas ailleurs.