Un homme en quête de spirituel. C’est ce qui résume le mieux Jan Kounen. Cette recherche, commencée 10 ans plus tôt, a abouti à la réalisation de plusieurs documentaires et d’un film, Blueberry, sorti sur les écrans en 2004. Après son premier film très controversé, Dobermann, qu’il décrit comme « l’expression d’une joyeuse colère », Jan Kounen a souhaité « revenir à des perceptions mystiques vécues à l’adolescence », mais peu approfondies. Il part alors en 1995 en repérage pour Blueberry au Mexique et au Pérou. Et découvre la culture chamane des indiens shipibo-conibos. Il revient sur cette expérience : « J’ai eu l’approche de l’occidental découvrant le zen. Mais je me suis vite rendu compte que je faisais fausse route, que j’avais des préjugés. Donc j’y suis retourné plusieurs fois, et j’ai commencé un travail sur moi-même. »
D’autres réalités
Les indiens chamanes utilisent « la plante visionnaire », qui permet au patient, en état de transe, de voir des choses sur lui-même qu’il n’avait pas soupçonné. « Cette pratique m’a permis d’ouvrir un nouveau questionnement. Elle donne des pistes pour se guérir soi-même, mais il faut ensuite continuer seul le travail. » On a du mal à imaginer quelles peuvent être ces perceptions vécues lors d’une session chamanique. Pour Jan Kounen, « c’est comme si on enlevait la chair de votre peau, et qu’on voyait ce qu’il y a en dessous ». Le réalisateur a justement essayé dans Blueberry de retranscrire cette pratique en images. Dans la foulée, il a réalisé un documentaire sur les indiens shipibo-conibos, « D’autres Mondes » et écrit un livre intitulé « Visions : regards sur le chamanisme ». Le livre, actuellement en rupture de stock, sera bientôt disponible à la Fnac.
Rencontre avec Amma
Parallèlement, le réalisateur est venu présenter un documentaire, « Darshan, l’étreinte », tourné en 2003 sur une indienne fascinante. Connue dans le monde entier pour ses cessions du « darshan », qui consistent à enlacer les gens un par un, Amma transmet un message de paix et d’amour qui a touché Jan Kounen et son producteur, Manuel de la Roche, un ancien moine tibétain. Par l’entremise de ce dernier, ils ont obtenu l’accord de la grande dame pour la filmer. Le réalisateur explique la démarche : « Il ne s’agissait pas de donner des informations sur Amma. On peut en trouver sur internet. Elle ne se livre pas dans le film. C’est un mystère, et je voulais qu’elle le reste. Par contre, j’ai tenté de rendre la magie et la folie de cette femme palpable. C’est un conte, l’histoire d’une petite fille qui voulait embrasser le monde. » Cette présence extraordinaire est en effet bien rendue dans le film. On n’assiste pas à des miracles à proprement parlés, et pourtant… Embrasser plus de 45000 personnes pendant 20h est un exploit en soi. « C’est un très grand maître spirituel, explique Manuel de la Roche, on perçoit à notre niveau la fluidité des émotions qui la traversent. Elle se donne entièrement, ne se contrôle pas. Nous avons voulu transmettre tout ça dans le film.» Un pari réussi. Plusieurs scènes marquent le spectateur, notamment celle où lors de son fameux Darshan, Amma lèche les plaies d’un lépreux. Un message fort, car la sainte femme se bat aussi en Inde sur le terrain social, pour abattre les castes ou ordonner des femmes prêtres.
Après ces aventures spirituelles, Jan Kounen s’est tourné vers les conditions de vie de ces peuples. Il doit commencer en juin le tournage d’un court métrage en Amazonie péruvienne sur le thème de la santé maternelle. Ce court s’inscrit dans un film « 8 », composé de huit histoires sur les objectifs fixés par les Nations Unies pour relever les défis sociaux, économiques ou de santé. Jane Campion et Gaspard Noé qui font parti du projet, devraient présenter leurs courts au prochain festival de Cannes. Jan Kounen reviendra ensuite vers la fiction pure avec l’adaptation du best-seller de Frédéric Beigbeder, 99 francs. Une toute autre aventure.
Plus d’informations sur : www.jankounen.com