« Connaître la théorie n’est pas le plus important pour s’approcher de la Voie des fleurs. L’Ikebana, c’est d’abord savoir regarder les plantes, les rencontrer pour créer de belles compositions. Pour cela il faut bien les observer et chercher leur plus beau côté. Tout au long de la pratique de composition florale, on essaiera de rentrer en contact avec les fleurs et en faisant la conversation avec elles, on savourera cette rencontre unique. Chacun est un artiste avec une branche, s’il sait l’écouter. »
Noriko Onda.
Quelle que soit l’école, les principes de base sont toujours respectés, comme les trois lignes essentielles qui se dégagent en triangle dans le bouquet, couper la fleur ou corriger son inclinaison. L’Ikebana est devenu un art, mais c’est aussi et surtout un art de vivre.
Aujourd’hui, on compte jusqu’à trois mille écoles différentes, mais trois grandes écoles dominent le paysage de l’Ikebana :
- Ikenobô, la plus ancienne, fidèle à la triade asymétrique et une certaine idée spirituelle,
- Ohara qui modernise le style Moribana et renoue avec l’aspect paysager du Rikka en s’ouvrant à l’abstraction et aux couleurs,
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Sôgetsu, la moins enracinée dans la tradition japonaise, qui fait davantage appel à la créativité de l’artiste et s’autorise plus de liberté dans le choix des formes et des matériaux.
Au Japon, la vie est étroitement liée au rythme des saisons. L’éclosion des fleurs de cerisiers, les feuilles rougissantes des érables, les camélias, les iris sont autant d’occasions de réjouissances.
L’art floral arrive de Chine au VIIe siècle par la coutume des offrandes florales aux autels bouddhiques apportée par les ambassadeurs japonais. L’un deux, Senmu, codifie cet art floral en préconisant, au lieu de l’exubérance chinoise, la rigueur classique du principe trinitaire que l’on retrouve encore aujourd’hui dans la plupart des bouquets japonais. Retiré dans une petite maison près de l’étang d’un temple à Kyôto (Ike-no-bô), Senmu enseigne l’art d’arranger les fleurs pour les offrandes selon la règle : une fleur haute et deux plus basses.
Dès le XIIe siècle, les rites bouddhiques se célèbrent également dans les maisons privées et on arrange les bouquets pour des fêtes autres que religieuses. Le Sendenshô,
texte rassemblant les règles d’origine, prévoit alors cinquante-trois arrangements pour toutes les circonstances de la vie (mariage, majorité d’un garçon, départ d’un guerrier…). Il exclut notamment les bouquets à quatre espèces et quatre couleurs parce que le mot shi (quatre) est homonyme de celui qui signifie « mort ». Ce principe est resté mais souvent justifié par la seule règle d’asymétrie.
La tradition du temple de Kyôto se poursuit jusqu’au XVe siècle et les différents styles se développent selon les époques, le style Rikka et le style Nageire, plus léger, spontané et naturel sous l’influence de la cérémonie du thé. L’art du bouquet trouve sa consécration au XVIIe siècle et, après avoir été l’enjeu des rivalités et des intrigues de cour dans les exhibitions aristocratiques, il se démocratise et s’ouvre également aux femmes. Au XVIIIe siècle, le style Shoka simplifie les règles en organisant le bouquet selon un schéma trinitaire : ciel, homme et terre.
En 1854, le Japon s’ouvre au commerce et à la culture occidentale. Les incidences politiques et artistiques sont considérables, et dans le domaine de l’Ikebana, l’apport de nouvelles fleurs inspire de nouveaux maîtres, dont Unshin Ohara qui restaure d’anciens modèles traditionnels dont le style Moribana et fonde sa propre école. Vers 1920, de jeunes révolutionnaires prennent leurs distances face aux codifications traditionnelles et aux références originelles bouddhiques ; apparaît alors, sous l’influence de l’art abstrait moderne, l’utilisation, avec les végétaux naturels, de matériaux non vivants ; ainsi Sofû Teshigahara fonde-t-il l’école Sôgetsu.