Les aveux et arrestations mèneront à ce qui est encore aujourd’hui le plus grand procès du 20e siècle en Italie. Il s’ouvre le 11 février 1986 sous haute sécurité à Palerme. Les médias du monde entier ont fait le déplacement pour voir les 475 mafieux enfermés dans des cages.
La télévision nationale italienne retransmettra en direct le jugement. Le maire de Palerme de l’époque, Leoluca Orlando (qui s’était constitué partie civile), était ébahi par l’intensité du procès :
« Quand je suis rentré pour la première fois dans le bunker, l’énorme salle du maxi procès, dans les cages, presque 500 mafieux m’ont regardé bouche bée. Voir le maire de Palerme dont ils ne connaissaient pas le nom demander leur condamnation ; le monde s’était écroulé pour eux. C’était la folie, c’était la confirmation que l’État s’était réveillé contre eux. »
Lors de l’entrée de Tommaso Buscetta, un silence de plomb régnait. Comme une forme de respect pour un homme qui avait encore une grande capacité d’intimidation. Il est un mafieux à part, et non un repenti. Revendiquant son appartenance à l’ancienne mafia, il était opposé au sanguinaire Toto Riina. Buscetta dira que les méthodes utilisées par l’organisation criminelle ont bien changé depuis la prise de pouvoir « du fauve ».
« Je ne me suis pas repenti car je n’ai aucune raison de me repentir. Ce que j’ai été je le reste. Je ne partage plus les idéaux de cette structure à laquelle j’appartenais. »
Le procès durera deux années. Le verdict est sans appel: 2 650 ans de prison cumulés. Cela a insufflé aux magistrats un immense sentiment de confiance, sentant la victoire toute proche. Malheureusement elle n’est jamais arrivée. La Mafia même écorchée ne s’avoue pas vaincue. Le Parrain des Parrains reste toujours en cavale. De retour aux États-Unis, Buscetta poursuit ses révélations. Il est extradé à New-York là où 10 ans plus tôt il avait ouvert l’une de ses pizzerias. En échange d’une protection dont il jouira toute sa vie, les autorités américaines lui demandent de collaborer. L’organisation des migrants siciliens utilisant des pizzerias comme couverture pour trafic de drogue tombe. Tout cela aurait rapporté plus d’1 milliard de dollars. Gaetano Badalamenti fait partie des accusés. Durant son procès, ce dernier devait prêter serment sur la Bible. Il finit par répondre :
« Vous ne comprenez pas, j’ai prêté serment à une autorité plus haute. »
Un silence a envahi la salle. On lui demande de jurer devant Dieu et dit l’avoir fait à une autorité supérieure à lui. La cour a eu un élément primordial pour l’enquête. Badalamenti admettait appartenir à la Mafia. Un coup majeur est porté sur le trafic d’héroïne. Les Siciliens en perdent le monopole.
Décimée par les opérations Donnie Basco et Pizza Connection, la famille Bonanno est exclue de la Commission. La famille Gambino prend alors les rênes de Cosa Nostra.
A sa tête John Gotti. Il a tué son prédécesseur Paul Castellano (l’ancien chef de la famille Gambino) en pleine journée devant un restaurant populaire du centre de Manhattan. Les gens étaient captivés par sa prestance, il était aimé de tous malgré ses actes criminels. Gotti n’hésitait pas à tuer, il ne valait pas plus de Toto Riina ou Lucky Luciano. Son arrogance lui fait même oublier la règle élémentaire de la pègre, la discrétion. Passant du temps dans son club de Little Italy, il ne se cache pas du monde extérieur. Des caméras ont été installées dans la rue par le FBI pour pouvoir identifier les membres de la famille Gambino. Les fédéraux pouvaient donc prendre les plaques d’immatriculation et faire de la reconnaissance grâce aux infiltrés.
Une autre erreur de John Gotti, qui a facilité le travail des forces de l’ordre, est qu’il ne mettait pas un son ambiant comme la télévision ou une radio pour empêcher la lisibilité des micros installés. Tout simplement parce qu’il n’en voulait pas. C’était comme offrir un livre ouvert sur ses activités.
En 1992 il est finalement condamné, laissant une famille Gambino détruite et entraînant bon nombre de ses collaborateurs avec lui à cause de son manque de discrétion. Il aura fait plus de mal à la Mafia que quiconque. Au même moment en Italie, la cour de cassation confirme le verdict du maxi procès qui débute en 1986. Sentant le danger, le fugitif Toto Riina use de la seule technique qu’il connaisse : la violence. Le 13 mai 1992, le juge Falcone est assassiné avec toute son escorte sur la route qui le ramène de l’aéroport. Ce dernier sentait la mort arriver.
« La pensée de la mort me suit partout. »
Moins de deux mois plus tard, c’est le juge Borselino qui est tué en plein centre de Palerme dans une explosion, alors qu’il rendait visite à sa mère. Lors des funérailles de Giovanni Falcone, une femme ose pour la première fois s’adresser à la pègre :
« Pour vous aussi le pardon est possible. Je vous pardonne, mais vous devrez vous mettre à genoux si vous avez le courage de changer. Mais eux ils ne changent pas. Nous vous demandons au nom de la ville de Palerme, que vous avez transformée en bain de sang, trop de sang… de faire régner la paix, la justice, l’espoir et l’amour… parce qu’il n’y a plus d’amour. »