La parution de caricatures montrant le prophète Mahomet coiffé d’une bombe sème des remous dans le monde musulman. Un Rabbin, un Vicaire et un Imam de la ville de Nice prennent la parole sur Nice Première. Entre émotion et reflexion, chacun donne son point de vue sur cet épineux sujet.
« Ce n’est pas du tout raisonnable d’attaquer des locaux et de brûler des drapeaux mais cette réaction était malheureusement prévisible ». Pour Otmane Issaoui, Imam à Nice, les caricatures du prophète Mahomet ont été un « souffle ravivant des braises ». En effet, depuis les événements du 11 septembre 2001, les musulmans sont souvent pointés du doigt par la communauté occidentale.
« On les a poussés à bout de nerfs ! » Même son de cloche chez le Grand Rabbin de Nice, David Shoushana : » Les réactions violentes au Moyen Orient sont complètement démesurées. Certains ont certainement profité de l’occasion pour soulever les masses. Mais il est vrai que le monde musulman est à fleur de peau. La situation là-bas n’est déjà pas facile… La publication de telles images a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Pour autant, ce n’est pas parce qu’un dessinateur a heurté des sensibilités, que toute l’Europe est responsable ».
Des manifestations, des débats télévisés, … L’accalmie n’est pas encore d’actualité. Le journal danois « Jyllands Posten », à l’origine de cette polémique, a présenté ses excuses à plus d’un milliard de fidèles. Des personnalités politiques et intellectuelles ont même lancé des appels au calme. Mais ce week-end encore, le monde musulman était agité.
L’islam, une religion de paix ou une religion de violence ?
Sur le plan terminologique, le mot « Islam » signifie « paix ». Une religion d’harmonie, c’est ce qu’explique Otmane Issaoui. « Il est erroné de comparer notre religion au terrorisme. Cela fait un moment que les musulmans modérés s’en prennent plein le visage. Et ces caricatures contre notre prophète ne font que nous blesser davantage ». Lamentable, médiocre, mesquin, … L’Imam ne mâche pas ses mots. Excédé, il ne comprend pas le choix d’avoir caricaturer ainsi Mahomet : « Pourquoi n’a t-on pas mis Ben Laden avec une bombe sur le turban ? Nous n’aurions rien dit. Mais s’attaquer au symbole le plus important à nos yeux est inadmissible. »
Interrogé sur le sujet, le Vicaire de Nice, Jean-Louis Balza, se dit, lui aussi, scandalisé par ce dessin. Selon lui, « Assimiler l’Islam au terrorisme ou en faire un amalgame, c’est humilier toute une population. La caricature représente leur prophète sous une apparence de terroriste. Pourquoi blesser les gens volontairement ? « .
Vers un juste milieu.
Certes, le propre de la caricature est de tourner en dérision une personne. Pour autant, n’y aurait-il aucune limite ?
David Soushana a une idée sur la question. Selon lui, il existe des domaines sensibles à ménager et une certaine moralité à avoir. « On ne peut pas se moquer de tout. Pourquoi, sous couvert de moquerie, dénigrer ce qui, pour certains, a un caractère sacré ? »
Mais pour les défenseurs de la liberté d’expression, ce droit est un élément fondamental. Obtenue après des siècles de lutte, la liberté d’expression est chère à leurs yeux. Elle est d’ailleurs proclamée dans des constitutions nationales, dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Les Etats membres du Conseil de l’Europe, en 1982, ont également tenu à la protéger. Dans un alinéa de la déclaration sur la liberté d’expression et d’information, ils se disent persuadés d’un point : Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’il n’y ait pas de violation de celle-ci.
Avec tout cet arsenal, quelle solution reste-t-il au monde musulman pour faire respecter sa foi ? Si l’Imam de Nice se montre confiant en la justice, le Vicaire voit encore plus loin. Selon lui, « la voie judiciaire est une bonne issue à ce problème. Mais il faut surtout, réaliser un travail de fond à long terme. Cela éviterait que des tels discrédits soient de nouveau jetés sur une communauté. L’idéal est d’organiser des rassemblements entre les trois principales communautés religieuses. Pour moi, il est indispensable de parler de la notion de respect aux jeunes ».
Plus de respect, d’éthique, et vers une reconnaissance des symboles, c’est donc ce que prônent ces trois chefs religieux. Solidaires, ils le sont aussi en matière de liberté. D’une même voix, ils soutiennent la liberté d’expression. « Liberté noble », selon Otmane Issaoui, « Mais limitée à des valeurs ».
A l’heure actuelle, des plaintes ont été déposées. L’urgence semble de trouver le juste équilibre entre une liberté de s’exprimer et un droit au respect de la personne et de ses opinions.
Affaire à suivre !