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22 novembre 2024

Littérature : Je tue les enfants français dans les jardins de Marie Neuser

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Paru en 2011 aux éditions L’écailler, ce premier roman de Marie Neuser est un roman coup de poing qui se lit d’une traite et comme un polar mais soulève des questions essentielles sur l’Education Nationale. Une écriture forte, parfois dérangeante, pour une histoire sans concession, parfois si réaliste qu’elle fait froid dans le dos.


je_tue_les_enfants_francais_dans_les_jardins.jpg Lisa Genovesi est une jeune prof d’italien dans « une grande ville crasseuse », jamais nommée mais rapidement identifiable. Enseignant dans un lycée en zone très sensible, Lisa a de plus en plus de mal à tenir ses élèves et c’est encore pire quand il s’agit d’essayer de leur faire un cours…

Insultes, bagarres, menaces, Lisa va travailler la peur au ventre, l’angoisse chevillée au corps. Comment peut-elle s’en sortir ? Comment peut-elle tout simplement survivre ?

Je tue les enfants français dans les jardins est un roman percutant, glaçant. On suit Lisa, prof d’une matière agréable mais qui compte encore moins que les autres pour les élèves de la 3ème 2, classe autour de laquelle est centrée le récit. Dans cette classe difficile, Lisa peine à faire un cours correct et la plupart du temps, ça ressemble davantage un grand n’importe quoi. Le chahut est incessant, les élèves sont violents entre eux et envers Lisa, la tension est perpétuelle.

Marie Neuser utilise habilement l’écriture pour faire de ce roman, une histoire brutale où les phrases tranchent et où la crasse menace à tout instant de recouvrir complètement Lisa. Ce roman est à la fois très intense tout en étant profondément dérangeant. Marie Neuser, elle-même enseignante, n’hésite pas à faire s’exprimer la haine que Lisa va finir par ressentir. Elle la laisse grandir en l’héroïne, la fait mûrir pour amener à un dénouement aussi sombre qu’amoral. Je tue les enfants français dans les jardins a la particularité d’être une fiction qui s’ancre très fortement dans le réel, le lecteur peut se perdre et mélanger les deux, pourtant ce livre n’est pas un témoignage. Certains passages sont inspirés du vécu de l’auteur, il ne faut pas perdre de vue que l’on est dans une fiction.

Ainsi l’auteur peut se permettre d’avancer le point de vue très extrême de Lisa. Poussée à bout par les élèves – et il faut reconnaître qu’ils n’y vont pas de main morte – et lâchée par le système et par sa hiérarchie, elle entre dans une spirale de haine et de désespoir où aucun élève ne trouve grâce à ses yeux. « Sous mon sourire de jolie femme qui sait se conduire en société, je masque une envie de pleurer et de jeter l’éponge aussi brûlante que tout ce qui monte en moi depuis quelques jours, le scandale de tant de mauvaises pensées qui ressemblent à une haine inconnue. » – page 108

Elle perd ses illusions, l’espoir qu’un monde peut changer, que le respect existe encore. De même, lorsqu’elle compare le métier d’enseignant de son père – c’est d’ailleurs ce qui lui a donné envie d’enseigner – avec le sien, Lisa ressent beaucoup d’amertume, elle se branche sur le couplet « c’était mieux avant ». Lisa est également blessée par le regard que la société porte sur son métier, le refrain des vacances et le coup des profs qui sont tous des malades mentaux.
Ce personnage n’arrive plus à se nuancer, elle est noyée sous la peur, proche de la rupture, et voit tout en noir ou blanc. Elle est touchante et fascinante, on entre rapidement en empathie avec elle. Son cas est extrême, brutal et dérangeant parce qu’il se comprend. On se dit que probablement, à sa place, on aurait ressenti la même chose, fait les mêmes choix. Malgré les conditions dans lesquelles elle travaille, elle ne se met pas en arrêt, montrant un certain courage que nombreux n’auraient pas eu.

Le fond du roman de Marie Neuser est qu’une fois fermé, il reste longtemps dans l’esprit du lecteur. Il soulève des questions essentielles et vitales sur l’éducation et le système scolaire – quelles solutions existent face à la violence, au détachement, à l’irrespect, au je m’en foutisme. Il n’analyse pas – on reste dans du polar – il ose un parti pris extrême et c’est en ce sens qu’il gêne. Que faire quand les élèves vont trop loin ? Que faire face aux insultes et à l’acharnement ? La réaction de Lisa ne vaut pas mieux que ceux qui ne font rien et attendent que ça passe…
Ce qui est certain, c’est qu’on en ressort pas indemne.

Très bien écrit, la véritable réflexion ne commence qu’après la dernière page tournée.

Auteur/autrice

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