N’oublier jamais, paru en mai dernier, est le huitième roman de Michel Bussi et le deuxième après Un avion sans elle, roman qui a véritablement révélé l’auteur aux yeux du public. N’oublier jamais est sans conteste un best-seller hautement efficace :«Vous croisez au bord d’une falaise une jolie fille ? Ne lui tendez pas la main ! On pourrait croire que vous l’avez poussée.»
Jamal court, vite même, malgré sa prothèse à la jambe. Parti s’entraîner à Yport et vaincre le dénivelé de la plus haute falaise d’Europe, Jamal se retrouve face à une jeune femme, robe déchirée et regard implorant. Elle est là, dans le vent, dos au vide, à quelques pas du précipice. Jamal lui tends une écharpe rouge, une bouée lancée comme un dernier espoir.
Ça ne suffira pas. Quelques secondes après, l’inconnue gît sur la plage, le corps disloqué et l’écharpe rouge autour du cou…
C’est du moins la version de Jamal. Mais qu’en est-il vraiment ?
Professeur de géographie, Michel Bussi est un des auteur en vogue de ces deux dernières années. Huitième du palmarès 2013 du Figaro des best-sellers français et porté par l’incroyable succès de Un avion sans elle – plus de 400 000 exemplaires vendus et traduit dans 26 pays – Michel Bussi mélange habillement intrigue, émotion et manipulation.
N’oublier jamais en est la parfaite illustration. Écrit de manière efficace, ce roman nous raconte l’histoire de Jamal, en vacances sur la côte normande et du suicide apparent de Magali Verron. Mais trop d’indices laissent penser qu’il pourrait s’agir d’un crime. Jamal, bien décidé à sauver sa peau, décide d’enquêter ; avec l’aide de Mona, il retrace la fatidique journée mais se retrouve bien vite confronté à l’histoire tragique de Morgane et Myrtille, toutes deux assassinées il y a dix ans…
Michel Bussi aime à nous perdre et sème tout au long de ce récit à la première personne, c’est Jamal qui nous raconte son histoire, des pièces d’un puzzle qui paraissent ne jamais vouloir s’emboîter. Mais l’auteur arrive parfaitement bien à nous amener à une conclusion stupéfiante. Le lecteur se sentira sans doute égaré et, à l’instar de cet anti-héros, un jeune beur unijambiste et originaire de la cité des 4000 à La Courneuve, aura l’impression de perdre la raison.
Justement parlons-en de ce héros si atypique qui a comme vœu secret d’être le premier handicapé à participer à l’Ultra Trail Mont Blanc, une course terrible et exigeante de 168 km pour 9600 m de dénivelé. N’oublier jamais n’aurait su être si inattendu avec un autre héros, on s’attache à Jamal, on s’interroge avec lui, et bien sûr, on finit par douter. Les autres personnages enrichissent le récit, Mona notamment, mais aussi Océane, Le Medef ou André. Quant au décor normand, il achève de compléter la distribution avec sa plage, ses falaises de calcaire, les embruns et la bruine.
La construction classique, mélangeant le récit de Jamal, les rapports d’enquête de 2004 et les rapports de l’Unité Gendarmerie d’identification des Victimes de Catastrophe, apporte sa dose de suspense. Néanmoins, on peut regretter les titres de chapitres sous forme de questions qui reprennent des phrases du chapitre précédent. Il n’y a pas besoin ces questions pour avoir envie de tourner les pages de N’oublier jamais.
Sans temps mort, l’écriture accessible mais travaillée, le lecteur s’embarque dans l’histoire avec facilité et l’émotion des dernières pages compense un peu la noirceur de l’intrigue.