L’annonce tardive d’un changement de direction musicale et artistique à l’Opéra de Nice aura eu raison des logiques de la programmation : la « Manon Lescaut » de Puccini en ouverture de la saison 2009/2010 donne finalement le sentiment d’un faux départ, d’une rentrée qui n’en est pas une. C’était en effet la dernière production pour l’Etablissement de la rue Saint-François-de-Paule, de l’ancien directeur et metteur en scène Paul-Emile Fourny. Une rentrée en demi-teinte malgré l’association pour l’occasion avec le Festival Puccini de Torre del Lago. Certes, la France a musicalement toujours boudé cette œuvre de Puccini créée à Turin en 1893, considérant qu’après la « Manon » de Jules Massenet jouée à l’Opéra Comique neuf années plus tôt, le compositeur italien n’avait pas franchement innové. Au risque de déplaire à nos amis transalpins pour lesquels « Manon Lescaut », troisième opéra de Puccini, signe le premier triomphe du maître de Lucca.
Pour cette première à l’Opéra de Nice, l’Orchestre était placé sous la baguette d’Alberto Veronesi, un spécialiste de ce répertoire : brillant élève du Conservatoire Giuseppe Verdi où il obtient ses diplômes de piano, de composition et de direction d’orchestre, il est nommé directeur artistique et musical de la Fondazione Festival Puccini de Torre del Lago en 1999. La distribution était alléchante : la soprano Amarilli Nizza, issue d’une famille qui se consacre à la musique depuis quatre générations, est une diva en Italie. Certains de ses compatriotes avaient d’ailleurs fait le déplacement pour l’entendre. Ils n’auront certes pas été déçus par sa voix qu’on annonçait fort belle. Une annonce pas usurpée. Un timbre d’une rare clarté, des aigus faciles et agréables, une technique vocale exceptionnelle qui lui permet de tenir pour une durée qui ressemble à une éternité, des notes projetées ou rentrées. Mais, malgré un patronyme qui incite à l’indulgence, Amarilli Nizza déçoit par son jeu scénique : ses mimiques sont le plus souvent à contre-emploi de la scène à interpréter (une femme qui se consume d’amour à en mourir dans le dernier acte passe-t-elle son temps à recaler une mèche blonde de cheveux derrière l’oreille comme une simple midinette ?). Elle semble par surcroît ne pas être en harmonie avec son corps au point de se mouvoir sans aisance sur le plateau. Un vrai mystère qui altère, on le regrette vivement, la crédibilité de ses émotions. Physiquement mieux dans sa peau, le ténor de Hong-Kong qui lui donne la réplique est en revanche à la peine avec sa voix : il doit déployer une énergie considérable pour atteindre les notes hautes. Le baryton niçois Jean-Luc Ballestra lui ferait presque la leçon. On notera pour l’avenir les talents prometteurs de Stanislas de Barbeyrac.
Pour sa dernière mise en scène, on attendait de Paul-Emile Fourny qu’il se retire de Nice avec panache ou même provocation : ce n’est pas le cas. Le classicisme l’emporte. Un classicisme qui consiste à planter les artistes en plein milieu de la scène, le temps de leur prestation vocale pendant laquelle tout paraît s’arrêter. Un décor unique, à peine modifié par quelques panneaux et jeux de lumière, finit par passer inaperçu devant des costumes heureusement plus recherchés, notamment ceux qui habillent -ou déshabillent- le corps de ballet de l’Opéra de Nice dont il faut ici saluer l’excellente performance artistique. Malgré les petits bonheurs, ici ou là, de cette production, ce début de saison sentait plutôt la fin d’une époque.