Interview de Michel Sajn, l’un des chefs de projets du Festival Crossover. La manifestation mêlera les cultures musicales mais aussi les disciplines artistiques, les publics et les lieux de vie du 26 mai au 3 juin 2012 à Nice.
Nice Premium : Qu’est ce que « Crossover » ?
Michel Sajn : Crossover est un festival multidisciplinaire, dédié aux musiques actuelles et aux cultures émergentes. Il en est à sa quatrième édition. Crossover c’est aussi un état d’esprit celui du métissage, ou Nice devient un carrefour des cultures, des arts, des modes opératoires : privés et publics, un croisement entre spectacles gratuits et payants, entre jeunes talents et têtes d’affiches où tout compte fait, ce qui compte c’est réunir, fédérer : aussi bien les gens, qu’ils soient créateurs, commerçants, politiques, spectateurs etc… N’est ce pas là la véritable signification du mot culture : réunir des lieux, des concepts, des événements dans un certain sens ? Ainsi Nice devient la scène d’un festival donnant un sous-titre intéressant au Crossover : la Ville est une Scène !
NP : D’édition en édition le festival mue, se transforme, pensez-vous avoir atteint cette année un bon « croisement » artistique ?
MS : Le bon et le bien ne seraient-ils pas les ennemis du mieux … Nous espérons toujours faire mieux. Il est vrai la boîte à connexion commence à prendre de l’ampleur cette année avec : plus de 30 lieux d’Art du meilleur niveau avec le réseau Botox[s] ( Musées, galeries, collectifs d’artistes) mais aussi la cinémathèque, les anciens abattoirs/ chantier Sang Neuf, le Théâtre de Verdure, la Plage, un circuit nocturne et urbain de clubs , la Place Pierre Gautier et les jardins des Arènes de Cimiez sont impliqués ; tout ceci pour découvrir de l’electro, du rock, du rap, de l’art contemporain, du cinéma, des performances, de la vidéo, de la photo …
NP : On a souvent eu des organisateurs de festival, dirent tout le mal qu’ils avaient pour organiser des événements à Nice, pensez-vous qu’aujourd’hui la municipalité mais aussi les niçois sont plus
ouverts à de tels événements ?
MS : Tout d’abord je dirais que Nice respire en ce moment un vent « coopératif », où les niçois, plutôt claniques dans un passé récent, regagnent aujourd’hui, le goût de leur latinité et de leur tradition avec le travail en réseau que le « risorgimento », cher à Garibaldi, avait institué. Nice a été par le passé un modèle d’ouverture à l’autre, à l’étranger et René Cassin avec sa rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et Giuseppe Garibaldi sont bien les exemples niçois de cette volonté de fédérer sans « dégâts collatéraux », sans violence tout en défendant des points de vue où la liberté, le droit à la différence, l’innovation priment. Aussi c’est une ville qui s’éveille qui rend le Crossover possible c’est à dire : comment vivre ensemble, comment rêver ensemble, comment construire ensemble. Bien entendu la création d’une Direction des Musiques actuelles dans le sein de la cellule événementielle de la Ville de Nice a énormément facilité la réalisation du Crossover. Plus loin encore cette année un comité de pilotage avec les trois principaux financeurs : Ville de Nice, Conseil Général et Conseil Régional s’est créé, tout compte fait dans un « esprit Crossover » donnant ainsi raison à notre analyse mettant l’accent sur l’articulation nécessaire et souhaitable entre privé et public.
NP : On a souvent qualifié Nice de « ville de vieux, ville de machos » pensez-vous que cette image est en train de se gommer ?
MS : Je ne crois pas que nous puissions donner un avis ou une analyse sur la manière de voter des gens. Nous ne sommes pas là pour cela. En ce qui concerne ce que vous appelez les « vieux » je rappelle que le guitariste des Rolling Stones a plus de 70 ans et ce groupe me semble-t-il fait bien de la musique actuelle. Aussi nous ne rentrerons pas dans aucune voie ségrégationniste ni par rapport à l’âge, ni par rapport à la religion, ni par rapport à l’origine, à l’appartenance sociale etc…
Nous ne sommes pas là pour faire taire des rumeurs. Nous ne sommes ni pour, ni contre, notre position est plutôt disons … alternative : nous proposons autre chose, la différence, sans pour autant penser que nous avons inventer le fil à couper le beurre, tant il vrai que les festivals pluridisciplinaires sont l’avenir pour de telles manifestations si l’on veut qu’elles se développent sans nuire à leur environnement naturel et socio-culturel. Il faut grandir sans abimer. Aussi notre développement est il plus compliqué et ne se chiffre pas uniquement en concentration du plus de monde possible en un lieu, mais du plus de monde possible sur la ville, avec une lecture différente de cette dernière.
NP : Pour terminer, un dernier mot pour nos lecteurs ?
MJ : Nous souhaitons qu’ils trouvent pertinent notre état d’esprit, qu’ils viennent partager la création avec nous, peut-être redécouvrir Nice sous un autre éclairage, qu’ils se détendent et s’ouvrent aux autres. Le Crossover en cela est une invitation à redécouvrir Nice : ville ouverte et moderne, capitale méditerranéenne, qui a son mot à dire dans la compétition nord-sud, si elle veut bien se rappeler qu’elle peut compter sur ses sœurs du pourtour de la Méditerranée.