Monastère de Cimiez : Philippe Bender dirige l’Orchestre de Cannes

Main droite, la baguette bat énergiquement la mesure. Celle de gauche, paume ouverte, invite et rassemble. Laquelle dirigera finalement la Philharmonie de Nice ? Alors qu’il s’apprête à prendre la direction musicale, à l’Opéra de Nice, de son Orchestre philharmonique, Philippe Bender dirigeait mardi 28 juillet l’Orchestre régional de Cannes Provence Alpes Côte d’Azur au Cloître de Cimiez. Au programme de cette « Soirée grand classique », le Concerto en ré majeur pour violon et orchestre opus 61 de Ludwig van Beethoven, l’Ouverture de « Prométhée », opus 43 et, de Wolfgang Amadeus Mozart, le Concerto n° 22 en mi bémol pour piano et orchestre K. 482.

Dans la pièce beethovénienne en trois mouvements écrite et jouée pour la première fois en 1806, le maestro confirme les deux registres évoqués avec, au tout début du premier mouvement, des attaques précises et entrecoupées de larges syncopes tandis qu’il suggère dans les deux suivants, une infinie douceur marquée par les souples ondulations de sa main gauche. Alors qu’il se penche en avant comme pour investir l’espace et enrichir davantage encore une harmonie déjà manifeste avec ses musiciens, le violoniste Patrice Fontanarosa double inlassablement les thèmes -une des caractéristiques de ce Concerto- en s’efforçant de ne pas se laisser perturber par les sonorités plutôt récalcitrantes d’une corde malmenée en raison de l’humidité ambiante. Il en fallait bien davantage pour déstabiliser ce professeur de violon au Conservatoire national supérieur de Paris dont la virtuosité reprend aisément le dessus dans son combat avec les effets indésirables sur l’instrument des aléas de la nature.

L’entracte n’aura d’ailleurs guère d’influence sur cette osmose entre le chef et sa phalange, également repérable dans les impulsions quasi électriques données par Philippe Bender pour l’Ouverture des « Créatures de Prométhée », le seul ballet écrit par le compositeur allemand. Quant au Concerto n° 22 de W. A. Mozart, le pianiste Jean-Claude Pennetier en donne une interprétation très émouvante, à peine altérée par la reconnaissance admirative du public d’un troisième mouvement rendu célèbre par le chef d’œuvre de Milos Forman « Amadeus ».

Les musiciens de la Philharmonie de Nice attendent donc Philippe Bender, chargé de faire travailler ensemble les phalanges cannoise et niçoise : comme il l’a expliqué au cours d’un entretien pour Nice Premium, « la mutualisation n’est pas la fusion » ainsi qu’on voudrait le faire croire trop souvent. Le maestro prend d’ailleurs grand soin à « séparer les aspects économiques » inhérents à cette réunion des deux orchestres du « projet artistique » sur lequel il disserte bien volontiers. Puisque la France organise « l’Année russe », la Philharmonie de Nice se mettra, si l’on ose dire, au diapason : mise à l’honneur de Serge Diaghilev mort en 1929, commémoration en souvenir de Tchaïkovski « qui vécut à Beaulieu ». Mais Philippe Bender assure vouloir « respecter l’identité de la Philharmonie niçoise » dont il souligne les « deux grands moments dans son parcours : ceux des directions assurées par Pierre Dervaux et Klaus Weiss ». « Il faut, précise-t-il, retrouver le style de la programmation » qui a fait les grands moments de cette formation. « Avec l’aide du nouveau Conseiller artistique de l’Opéra, Alain Lanceron, Nice pourra accueillir, selon lui, les plus grands noms du chant et de la musique ». Le maestro a certes « bien entendu les inquiétudes des musiciens de Nice » sur une éventuelle réduction des effectifs. « La réussite artistique de la Philharmonie devra prouver et garantir la nécessité de maintenir en l’état la phalange niçoise », assure Philippe Bender. Dans les coulisses, un des musiciens confie : « vous savez, c’est un humaniste ». Une qualité qui ne sera dans doute pas superflue pour instaurer la confiance avec les instrumentistes niçois.