Point de répit pour l’Opéra de Nice en cette période de Noël, souvent réduite aux seuls aspects festifs : sont déjà annoncées « Les voix de demain », un Master Class avec de jeunes et brillants artistes, animé par la Soprano Elisabeth Vidal le 21 décembre prochain et la production des « Contes d’Hoffmann » d’Offenbach début janvier, où la Soprano Annick Massis interprétera quatre rôles dans la partition.
Dans cette attente, les Chœurs adultes – saluons ici les résultats de son Directeur Giulo Magnanini – et enfants de l’Opéra de Nice ont proposé en soirée du vendredi 12 décembre 2008, un magnifique programme de « Motets pour le temps de Noël ». Un « Plain-chant » intitulé « Hodie Christus natus est » (Aujourd’hui le Christ est né), partition anonyme inspirée des liturgies de l’Eglise catholique suivi d’un « Ave Maria » d’Ernest Chausson, deux morceaux où les chœurs d’enfants entraînés par Philipe Négrel furent dirigés « meticoloso » par Hervé Niquet. Organiste, claveciniste, pianiste, chanteur et compositeur, cet ancien chef de chant à l’Opéra national de Paris a fondé en 1987 l’Ensemble instrumental et vocal, le « Concert spirituel » spécialisé dans le répertoire sacré et dans celui des œuvres baroques, nommé par ailleurs au Grammy Awards.
Une direction magistrale où le geste onduleux du bras et de la main – on pense immanquablement aux propos de Pierre Boulez sur la « libération de la main et des doigts » dès lors que le chef dirige sans baguette – n’empêche pas l’impressionnante précision d’une gestuelle quasi millimétrique des doigts, qui indiquent par exemple le tempo de la conclusion par une minuscule boucle qui semble se refermer sur elle-même. « Bene » lance à plusieurs reprises le maître visiblement satisfait, à des jeunes interprètes dont certains des moins âgés disparaîtraient presque derrière les larges feuillets de leur partition.
De cette production qui a permis d’entendre des compositeurs comme Emile Paladhile, Léo Delibes – dont le « Lakmé » est programmé à l’Opéra de Nice pour mars 2009 -, Charles Gounod et Camille Saint-Saëns, on retiendra en particulier le « O Salutaris » de Théodore Dubois pour voix masculines : chant d’une sublime beauté sonore, doté d’accents qui semblent s’inspirer du « Mors et Vita » de Gounod et annoncer certaines des mélodies de Fauré. Théodore Dubois, il est vrai, succèdera au premier à l’Académie des Beaux Arts en 1894 et laissera au second son poste de Maître de Chapelle à l’Eglise de la Madeleine, après en avoir été nommé Grand Organiste. On soulignera également le superbe « Ave Maris Stella » de Léo Delibes : après une délicate ouverture au piano (Sébastien Driant) à laquelle répond l’orgue (Jean-Cyrille Gaudillet), les voix de femmes chantent avec d’infinies modulations les grâces rendues à la Vierge, « Etoile de la mer ».
« L’Oratorio de Noël » de Camille Saint-Saëns a fait découvrir, en deuxième partie, une légère formation orchestrale principalement composée de cordes, accompagnées d’une harpe (Magalie Pyka de Coster) et d’une contrebasse (Jean-Marie Marillier) : elle offre en introduction une mélodie agréable, laquelle, avant d’être reprise dans le lent et majestueux final d’un « Alléluia » nourri avec force d’orgue et trémolo de cordes, donnera lieu à un bref mais intense passage plus sombre des violons et un duo inoubliable entre la harpe et les voix.
Des voix, notons-le au passage, assez inégales parmi les solistes et, pur hasard de la distribution, plus émouvantes dans les registres intermédiaires qu’extrêmes : les beaux aigus de la Soprano Yoon Jung Chang se sont souvent exprimés aux dépens de la prononciation des paroles sacrées, les accents vocaux très sensuels de la Mezzo-soprano Christina Greco ont, en revanche, chargé d’émotion chacune de ses interventions dans « l’Oratorio », le Baryton Ioan Hotensche était également très investi vocalement et affectivement – notons son solo admirable dans le « Laudate Dominum » de Théodore Dubois – alors que le Ténor Thomas You était à la peine malgré de visibles efforts. Des voix humaines aussi mystérieusement impénétrables que « celles » du Seigneur.