Les premières questions commençaient à fuser alors que Fred n’avait qu’une seule envie : Partir !
La conférence de presse ne s’éternisa pas et Fred entra dans son bureau, histoire de reprendre un peu ses esprits. Pourquoi lui, pourquoi Franck ? Une tonne de questions tournoyaient dans son cerveau en ébullition. Il était clair que le lendemain, la nouvelle ferait le tour de la presse locale et nationale. Un colistier du maire sortant assassiné par le tueur en série des chefs niçois, nul doute que l’information allait faire couler autant de litres d’encre qu’user des litres de salive. Et tout cela, à moins d’une semaine du premier tour des élections municipales, pensa-t-il… Fred imaginait déjà très bien les titres tapageurs qu’il allait découvrir, dès demain matin, dans le kiosque à journaux en face de chez lui.
« Fred, on se réunit tous dans la grande salle. » Céline avait passé la tête derrière la vitre en verre brossé du bureau de son patron, non sans oublier de frapper.
« J’arrive tout de suite, Céline », répondit Fred encore un peu groggy.
Tout le monde était installé quand Fred entra dans la salle de réunion en lançant les débats : « Je crois que notre tueur a commis sa première erreur ! Je ne pense pas que Franck était la bonne victime et je suis persuadé que cela a un rapport avec l’émission « Un dîner presque parfait » que Franck venait de remporter, il y a quelques semaines. Ce qui veut dire que notre suspect était au courant de cette émission et de la recette concoctée par Franck. Là où le bât blesse, c’est que c’est Daniel Silvetti, un chef local, qui a inventé cette recette, mais ça très peu de personnes le savaient. » Fred continua d’étayer ses propos en racontant le récit complet avec tous les détails nécessaires.
« J’ai un contact à M6, je vais la joindre au plus vite afin qu’elle nous mette en rapport avec les équipes de cette émission » expliqua Marine qui reçut un compliment de la part de Vincent et un regard noir de la part de Céline.
« Il faut installer une surveillance rapprochée sur Daniel Silvetti et monter une planque près de son restaurant. Dès que cela va se savoir, il deviendra une cible potentielle pour notre tueur qui aura à cœur de réparer son erreur » ordonna Fred sur un ton qui lui était inhabituel
« Je m’en occupe tout de suite », rétorqua Jeff qui quitta la pièce aussitôt.
Chacun en fit de même. Juste le temps pour Fred d’attraper son casque et son blouson et il se dirigea directement chez son ami Daniel. Le restaurant s’était déjà vidé de ses clients à cette heure tardive et c’est Elvira, les yeux rougeoyants, qui accueillit Fred en le serrant fort dans ses bras : « C’est horrible, Daniel a envoyé Manu chercher la femme de Franck et ses petits à Auron ». Daniel apparut dans la grande salle et les larmes coulaient à flot sur ses deux joues. « Fred, il faut que tu attrapes le fils de pute qui a fait ça… » Et il tomba dans les bras de son ami en sanglots. C’était la première fois que Fred le voyait ainsi.
« Viens, on monte au bureau », demanda Daniel en prenant la direction de l’étage.
« Daniel, il faut que tu sois très prudent. Nous allons installer une planque juste au dessus du restaurant et deux policiers en civil seront chargés de ta protection. Nous avons toutes les raisons de croire que dès que le tueur saura que tu es à l’origine de la recette du Pan Bagnat sucré, il s’en prendra à toi». Et Fred expliqua minutieusement les détails de l’opération à son ami.
« Je ferai gaffe à tout ce qui peut paraître anormal et je te préviens au moindre doute, Fred. » Daniel semblant s’être calmé et avait repris du poil de la bête.
« Je dois retourner au bureau beu’. Je passerai voir la famille dans la semaine et embrasse-les bien de ma part dès que tu les vois » termina Fred, en retournant dans sa « deuxième » maison.
« Fred, viens voir, j’ai peut-être trouvé quelque chose… » lança Marine à la vue de son co-équipier.
« J’ai eu l’équipe de M6 qui m’a envoyé la liste de l’ensemble des personnes qui étaient au courant de l’enregistrement de l’émission ainsi que toutes celles qui ont participé au tournage. Nous avons une liste d’une centaine de noms, ce qui réduit tout de même notre champ d’investigation ». Marine lui présenta le mail contenant ces informations.
« Tu as pu faire les recoupements avec les informations que nous avons déjà ? » questionna Fred.
« En partie, mais pour le moment je n’ai encore aucun résultat probant. Je continue à chercher et dès que j’ai quoi que ce soit, je te préviens » répondit Marine en arborant un sourire qui se voulait apaisant.
« Il est tard, mais si on allait manger le morceau comme nous l’avions prévu ? » fit Fred, visiblement apaisé par le sourire par celle qu’il n’appelait plus « la Miss Parisienne ». « Je n’osais te le proposer, vu les circonstances, mais je dois avouer que mon estomac commence à crier famine. Je n’ai rien avalé depuis ce matin » acquiesça Marine qui fila chercher ses affaires dans son bureau.
Pas simple de trouver un restaurant à cette heure avancée de la nuit mais, comme le savent bien tous les noctambules niçois, le « Félix Faure » pouvait répondre à toutes les fringales tardives. Le repas fut des plus agréables et les sujets de conversation, qui ne manquaient pas, tournaient autour de toutes les thématiques possibles, sauf, bien entendu, cette satanée affaire qui les avait réunis. Cursus étudiant, carrière, vie parisienne et vie niçoise… les heures passaient et ce n’est que la fermeture de l’établissement qui mit un terme à leur conversation.
« Tu me ramènes jusqu’à mon hôtel, Fred ? » Interrogea Marine. « Ben non, une petite marche te fera le plus grand bien, non ? » répondit Fred en souriant.
« On va ressembler à deux zombies demain… » plaisanta Marine.
« Surtout toi… », ironisa Fred qui passa à deux doigts de prendre un grand coup de casque sur la tête.
En quelques secondes, ils étaient arrivés à destination sur la Promenade des Anglais. Fred gara sa moto à l’arrière de l’établissement et raccompagna Marine jusqu’à la grande portée d’entrée.
« Bon, te voilà à bon port. On se voit demain au commissariat », fit Fred en récupérant le casque de sa passagère.
« Oui, si j’arrive à me lever après les trois petites heures de sommeil qu’il nous reste » rétorqua Marine.
Il était à présent temps de se quitter et leurs visages s’approchèrent, non sans que leurs yeux ne puissent arrêter de se fixer. 10 cm, 9, 8, 7… Et plus qu’une « baieta » comme on dit ici, ce fut un baiser unique, magique qui se posa sur leurs lèvres.
« Je crois qu’il vaut mieux que tout cela reste entre nous Fred » susurra Marine.
« Je le crois aussi Marine » rougit Fred, d’un air assuré, bien sûr.
Ainsi, ce dernier baiser mit un terme à cette folle journée qui se terminait d’une façon que Fred n’aurait jamais pu imaginer. Mais, c’était sans doute mieux ainsi…