Le grand magicien des mots vient de disparaître. Raymond Devos est né en Belgique, à Mouscron, en 1922. À l’âge de deux ans, ses parents s’installent à Tourcoing où il va, dès l’école, devenir le conteur de la cour de récréation et captiver ses petits copains. Sa jeunesse n’est pas heureuse. Il habite dans la banlieue parisienne, son père fait faillite. À 13 ans il recherche des petits boulots dans les Halles. Il est déporté en Allemagne pendant la guerre et montera de courts spectacles pour distraire ses compagnons de captivité.
De retour à Paris, il va suivre des cours de théâtre et de mime et, en 1947, il se produit dans les cabarets et joue la comédie dans la troupe de Jacques Fabbri.
Très rapidement Devos souhaite interpréter ses propres textes. Jongleur des mots, il va insuffler à son langage une note poétique. Accompagné de son fidèle pianiste il se produira sur les plus grandes scènes comme Bobino ou l’Olympia. Le succès est immédiat.
En 1964 il présente déjà ses plus grands succès : « La Mer démontée, Le Car pour Caen, Les sens interdits, Mon chien c’est quelqu’un » . Son humour est celui de son physique, un ogre débonnaire, toujours à la limite de l’échec.
Véritable sportif, il n’hésitera pas à faire des sauts de trampoline pour se maintenir en forme, jusqu’au jour où il se fracturera le sternum. À chaque spectacle le talent du mime et du musicien complétera ses propos d’un humour incomparable. Dans la vie Devos est également un personnage plein d’humour. Un soir, il se produit à Monaco au centre des congrès devant le Prince Rainier III. Nous l’attendions pour dîner dans un restaurant de la Principauté et Raymond Devos arrivera avec une heure et demie de retard. Le Prince de Monaco l’avait retenu pour bavarder avec lui. Raymond Devos, confus de nous avoir fait patienter si longtemps, entreprend alors, tandis que nous nous restaurions, de nous narrer sa conversation avec Rainier en jouant son propre rôle et celui de son Altesse.
Raymond Devos est avant tout un véritable magicien de la langue. Il sera de nombreuses fois récompensé pour cela et, en 2003, on créera le prix Raymond Devos de la Langue française. Le premier bénéficiaire en sera celui qui manie avec un talent incontestable le français, Mohamed Fellag. Ce dernier déclarera devant Raymond Devos et devant le Ministre de la Culture : « L’homme invente le mot, le mot invente l’homme, le mot sert à repérer le sens, il est une balise pour l’imaginaire. »
L’homme pour qui l’imaginaire était sa finalité permanente n’est plus là. Pourtant il disait dans son spectacle « Sens dessus dessous » : « Si ma femme doit être veuve un jour, j’aimerais mieux que ce soit de mon vivant. » Rassurons là, Devos est vivant car il est éternel.
Article de notre ami,
Christian Gallo.
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