Cela finit comme cela avait commencé : une contrebasse solo qui joue une « noire » et « deux croches liées », rythme à partir duquel se déploie la mélodie romantique. On prend ainsi conscience, presque par le fait d’un hasard qui n’en est évidemment pas un, de la très grande proximité entre Franz Schubert et Ludwig Van Beethoven. De 27 ans son cadet, Franz Schubert rejoindra dans l’immortalité le maître qu’il vénérait tant, et ce, à peine un an et demi après la disparition de ce dernier en 1828.
Le Maestro Marco GuidariniLe « Gesang der Geister über den Wassern » (Chant des esprits sur les eaux) de Schubert appartient au registre du poème symphonique et choral inspiré d’un chant d’amour métaphorique de Goethe de 1779 où le cours de l’eau s’apparente au cheminement initiatique de l’être humain. Cette contrebasse (excellent Jean-Marie Marillier) qui ponctue invariablement, à l’image de la chute d’une goutte d’eau, le temps inexorable qui s’écoule, se laisse progressivement submerger par la puissance évocatrice de la mélodie et des chants, union parfaite entre la musique et le texte. Les magnifiques chœurs masculins dirigés par Giulio Magnanini ajoutent ce supplément d’âme à la partition, entraînant sans effort la salle dans une profonde méditation sur la destinée humaine.
C’est cette inspiration identique délivrée par la contrebasse que l’on retrouve dans la Symphonie n°7 de Ludwig Van Beethoven, en particulier dans le deuxième mouvement où l’instrument seul lance cette austère et régulière ponctuation -toujours une noire, deux croches liées- qui, tel le triste cortège d’une marche funèbre, domine l’ensemble de cet Allegretto. Est-ce également une surprise d’apprendre que le compositeur rencontra Goethe alors qu’il préparait cette œuvre ? Le chef Marco Guidarini a semblé jeter toutes ses forces dans cette interprétation, privilégiant le classicisme méticuleux et sobre pour les deux premiers mouvements avant de laisser toute la puissance symphonique se décupler dans les deux derniers. Histoire peut-être de rappeler que lors de sa première audition le 8 décembre 1813, l’orchestre que dirigeait Ludwig Van Beethoven ne comprenait, dit-on, que 28 musiciens avec certes, forces cordes et instruments à vent. La surenchère romantique est évidemment passée par là : dans la fosse niçoise, on pouvait compter l’autre soir 8 contrebasses.
La Contralto Nathalie StutzmannEntre ces deux pièces musicales déjà choisies, une perle rare : la « Rhapsodie pour Alto et chœur d’hommes » de Johannes Brahms. Ce compositeur naît pratiquement au moment de la mort des deux précédents ce qui le désignera peut-être trop rapidement comme le successeur de Beethoven. On notera encore dans la genèse de cette œuvre l’intervention de Goethe : transi d’un amour forcément impossible pour une des filles de Robert Schumann -peut-être un transfert latéral des doux sentiments que lui inspire aussi l’épouse de ce dernier Clara-, Brahms va rechercher un texte du poète allemand « Harzreise im Winter » (Voyage en hiver dans les montagnes du Harz) afin d’exprimer son désespoir. Œuvre intense, profonde et sombre dont le début évoque le Requiem avant de céder la place à des bipolarités tonales que l’on retrouvera plus tard chez Gustav Mahler. De cet ensemble orchestral et choral en fusion émane lentement des abîmes telluriques la voix de la contralto Nathalie Stutzmann, sorte de vestale des arts lyriques et gardienne des profondeurs où résident, enfouies et à l’écart des mortels, les plus subtiles émotions de l’homme. Bouleversants jusqu’aux larmes, sa large tessiture, à l’aise aussi bien dans les très graves que dans les notes légèrement aigues, son grain de voix suave et chaleureux comme un velours, diffusent leur charme sur le public. Certains de ses fortissimo font immanquablement penser à la grande Kathleen Ferrier dans ses interprétations des Kindertotenlieder. A propos de Brahms, Robert Schumann a eu raison d’écrire : « Voilà le nouveau messie de l’art ».
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