« La barbe pour le mystère. Les cheveux long pour le côté féminin. Les lunettes noires pour le côté sophistiqué ». C’est sans compter sur son traditionnel pantalon blanc et sa chemise à carreaux mauves. Il a le look et il l’assume. Sébastien Tellier emprunte, survolté, les couloirs du palais des festivals pour se livrer à la presse. Plus qu’à l’aise, c’est lui qui donne le top départ des interviews après avoir fait un signe de croix nerveux. Le chanteur est tout à la fois accessible, loufoque dans ses réactions à chaud, impressionnant quant à sa vivacité d’esprit. « J’essaye de briser l’image du chanteur à l’ancienne, l’artiste intouchable. Les chanteurs ne sont pas des gens mieux que les autres ».
Excentrique, Sébastien Tellier l’a toujours été. Depuis sa plus « tendre » enfance dans les années 70 à Paris, il s’est focalisé sur sa musique en conservant une certaine liberté dans ses choix esthétiques. « J’ai eu la chance d’avoir Papa et Maman pour m’avoir mis le pied à l’étrier. C’était toujours un plaisir pour moi de m’enfermer pour faire de la musique à la maison. Cela m’a un peu coupé des autres et déconnecté de la réalité par moments mais je ne le regrette pas maintenant ».
« Je reste dans mon rêve »
Déconnecté c’est peu dire. Ce garçon de 33 ans vit à 300 à l’heure. Et ça ne lui laisse que peu de temps pour une vie normale. « J’essaye de ne pas faire de différence entre ma vie d’artiste et ma vie privée. Tant que je suis lié à ma musique, à mon travail, je reste dans mon rêve, mon dessin animé. Si jamais je décroche, ou que je redescend trop sur Terre, je déprime ». Sébastien transpire, meurt d’envie de s’allumer une cigarette. Des taches sur son pantalon font croire qu’il aurait bien besoin d’une pause pour faire un brin de lessive. Mais il nous rassure : « Tout va bien. Je devrais juste lever un peu le pied de temps en temps. J’ai du faire quelques malaises dernièrement à Moscou pour m’en rendre compte. Les personnes chargées de faire mon planning ne prévoit ni le sommeil ni la pause déjeuner. Mais ça me va très bien comme ça. Quand je suis inactif ça ne va pas. Quand je cours partout je sens que j’existe ».
Au goût du jour
A chaque album, Sébastien s’imprègne intégralement de sa thématique. Lorsqu’il sort Politics en 2004, il lui arrive de déclarer que tout tourne autour de la politique. Avec Sexuality, sorti en février dernier, même topo : « Maintenant je ne parle que de cul et seul le sexe m’intéresse. Avis aux amateurs ». Il met également un point d’honneur à respecter les tendances. Dans son dernier opus, le « Chabbal de la chanson » a décidé d’abandonner les sons acoustiques au profit de la patte électro des Daft Punk, avec qui il collabore. « Désormais on ne peut plus rien faire de neuf. Le rôle de l’artiste n’est plus de créer mais de faire des mélanges, essayer de nouvelles recettes. La musique électro évolue car elle reste en connexion avec la technologie. Tant que le matériel sonore fera des progrès, la musique ira de l’avant ».
Le troubadour antipathique
Parfois nonchalant, il parle de son expérience à l’eurovision de cette année comme d’un tremplin aux accents hypocrites : « J’ai jamais eu l’impression d’en faire partie. Je suis arrivé les mains dans les poches. Ça ne change pas ma vie. Néanmoins, c’est vrai que je me suis fais une bonne pub. Le monde de la pop est finalement plus simple que celui de l’underground ».
Parfois poétique et philosophe, il lui arrive d’aspirer à autre chose qu’à la scène ou la pratique de son instrument. Pour les paroles de Sexuality, Sébastien a du puiser l’inspiration dans ses pensées les plus profondes. « Je ne cherche pas la vérité. Je cherche à comprendre pourquoi on agit de telle ou telle sorte ; comment on exprime notre sexualité à travers notre apparence et nos actes ».
Sébastien Tellier a finalement droit à sa pause clope. Se sentant revivre, il n’est pas avare en grimaces devant les objectifs. Egal à lui-même sur scène il aime par-dessus tout communiquer avec son public, discuter et raconter les moindres anecdotes de sa vie fantasque. Après plusieurs verres de vin il déclare tout simplement : « Je suis un troubadour ». Grand bien lui fasse. Chapeau l’artiste !