Dès les premières pages, le destin de Jean et de sa grand-mère Madeleine emporte le lecteur dans un roman nostalgique. Dans le Limousin, loin du tumulte de Paris grandit le personnage principal, qui est également le narrateur de cette longue déclaration d’amour. Privé de parents, l’orphelin est élevé et accompagné par une douce grand-mère qu’il admire. Madame est héritière d’une descendance prestigieuse. Pourtant, cette vieille dame ne manque pas d’excentricité. Elle, qui s’est mariée contre l’autorité de papa et maman, a dû s’occuper seule ses trois enfants. C’est également dans cette solitude qu’elle a accueillie, Jean, fils unique. Entre les deux, un lien va se tisser. Le garçon s’intéresse grandement à l’Histoire : celle du pays, mais aussi celle de sa famille et plus particulièrement, les jeunes années de Madeleine. Le château aurait même hébergé l’illustre peintre Renoir ! Ce peintre occupe une place de choix dans cette intrigue où l’auteur a insufflé de nombreuses références artistiques, plus ou moins ancestrales. Le résultat est à la fois authentique, traditionnel, mais doté d’un certain modernisme. Certes, les personnages tendent du côté conservateur, mais Jean ne délaisse jamais son ancienne. Madeleine représente tout ce qu’il a de plus cher… Pour lui qui a perdu ses parents l’année de ses douze ans, son repère devient cette femme aux histoires et anecdotes croustillantes.
Lors de ses nombreuses épreuves, Madame fait preuve d’un courage indéfectible. Cela se remarque particulièrement par ses plaisanteries et sa foi tenace. Jamais cruelle et toujours dans l’espoir que les siens se portent bien, Jean partage sa mémoire. Digne héritier de cet ancêtre, ce récit suit la vie. Madeleine a déjà traversé une existence semée d’embûches et de joies, Jean n’a de cesse de se retourner, pour vérifier qu’elle lui emboîte bien le pas. Mais personne n’est éternel… Les années s’écoulent et la maladie, les fragilités liées à l’âge s’accumulent. Irrémédiablement, Madeleine s’éteint, mais ce n’est pas la fin pour Jean — qui sombre dans une spirale de dépression, d’espoir, d’introspection.
Ce livre de Xavier-Marie Garcette fait écho au roman autobiographique de Philippe Torreton publié chez l’iconoclaste en 2014. « Mémé » est un ouvrage touchant, un récit où les souvenirs d’enfance prennent une place principale. Dans cet océan de tendresse, le lecteur suit le quotidien d’une famille normande, tout en arborant les traces indélébiles des guerres du vingtième siècle. L’écrivain de « Trévizac » possède une plume fine, précise — ne laissant aucun passage à vide. Ainsi, certains extraits sont décrits avec une poignée de mots seulement. L’effet recherché est semblable à une gifle ou à une douce caresse. Avec cette plume si personnelle et universelle, Xavier-Marie Garcette parle à tous les enfants qui ont aimé jusqu’à l’overdose une grand-mère, un grand-père qui a été la figure de protection ultime… Grâce à cette figure courageuse, Jean va se trouver un modèle, un exemple à suivre. Et ce, même lorsqu’elle ne sera plus parmi les vivants.
En réalité, ce roman empreint d’une douce mélancolie ne sombre pas dans le cliché de la « vieille France ». Grâce à cette grand-mère atypique qui danse très bien le charleston et fait la fête jusqu’au bout de la nuit, le lecteur ne s’ennuie jamais… Ce récit retranscrit bien le passage de l’enfance à l’âge adulte. Finalement, ce Jean ne parvient pas à se résigner à abandonner cette figure omniprésente dans son esprit. La perte d’un être cher ne signifie pas qu’il doit l’effacer. Bien au contraire, son poids agit toujours sur la balance, même lorsqu’il disparaît. Ces moments baignant dans le luxe ne surpassent jamais la saveur d’un instant aux côtés de cette grand-mère. Jean a eu la chance de grandir, s’épanouir avec cette vieille dame ainsi que l’infirmière venue d’Ukraine, Irina. Elle non plus n’a pas eu la vie facile… Dans un tout autre registre. Puisque ce témoignage se tient dans les années de la guerre froide, le lecteur se confronte à la dure réalité de ces hommes et ces femmes qui ont fui leurs terres, pour espérer trouver la paix ailleurs.
L’ouvrage « Trévizac » ne manque pas de panache. Il propose un récit digne d’un conte, avec une fée en guise de grand-mère et une réflexion constante, pour un narrateur altruiste qui sait reconnaître ses erreurs. Un personnage aussi attachant que l’ancienne, chez qui le lecteur voudra être invité volontiers. L’auteur parvient à mêler les événements et personnages historiques à ses créations avec brio.
Le site de l’auteur : https://xaviermarie-garcette.fr/