Le passager lambda ne le sait pas, mais derrière un vol, se cache tout un mécanisme. Corrodé par manque de communication entre les divers agents qui le composent. Compagnies aériennes classiques, compagnies low cost, aéroports, tours opérateurs, organismes de sécurité et autres sous-traitants s’agitent dans un chaotique cockpit, totalement fermé sur les voyageurs. « Il y a plus d’acteurs que d’action », insiste Roger Dutoit. C’est la première conclusion de ce salon, où les agents ont tous présenté un mea culpa et une solution pour tenter d’améliorer la prise en charge du passager.
Stressé dans un univers qu’il connaît mal, entre enregistrement, fouille, malinformation, bagages égarés, décollage horaire et la peur de l’avion, il essaye de se frayer le passage. Après tout, n’est-ce pas lui qui paye le billet ? « Le stress est provoqué par une perte de contrôle », insiste Elisabeth Rosnet, psychologue spécialiste à l’Université de Reims, conviée au forum. « D’où les comportements de’ « air rage », les débordements des passagers pouvant mettre en péril la sécurité de l’avion au vol ». Les études font état de 5000 cas annuels de tels comportements qui peuvent conduire à une procédure judiciaire. Dix octobre dernier, les passagers d’un vol de Karthago Airlines attaquaient la compagnie pour « préjudice d’angoisse », suite à un décollage suivi d’un atterrissage d’urgence.
Les informations données aux passagers sont extrêmement limitées et la coordination entre les différents acteurs, insuffisante. « Le manque de communication entre tous les acteurs provoque une opacité du marché aérien», souligne Ray Webster, l’ancien président d’Easy Jet. « Les compagnies aériennes ne publient jamais le détail du prix d’un billet. Si j’achète un voyage à prix spécial, qui me garantit que je fais une bonne affaire ? ».
« Les aéroports initient la majeure partie du stress par des mesures de sécurité renforcées », constate Brian Barrow, le commissaire de l’IATA (Association Internationale du Transport Aérien). Cependant, pas question d’assumer seuls la responsabilité du stress des passagers. Beaucoup mettent les autorités en ligne de mire car la mise en place d’un dispositif de sécurité drastique relève d’une initiative régalienne.
Selon une étude de l’ADP/Sofres, datant d’avril 2006, l’appréciation du système de filtrage est majoritairement positive, avec 90% de passagers considérant que l’accueil par les agents de la sécurité est plutôt bon. Cependant, les fouilles de plus en plus poussées frustrent les voyageurs, contraints à vider leurs poches, enlever les chaussures, la ceinture, voire le soutien-gorge pour celles qui ont le malheur de porter une baleine. Enfin, laisser toutes les affaires dans la soute et éteindre tous les appareils multimédia, même s’il s’agit d’un voyage d’affaires.
Pour autant, l’ensemble des professionnels doute de l’efficacité de ce système de sécurité. La menace terroriste demeure, toujours intacte. « La superposition des couches de sécurité est une aubaine pour les terroristes », tranche Philippe Legorjus, ancien commandant GIGN propriétaire aujourd’hui d’une petite compagnie aérienne. « Une sécurité invisible est de loin préférable à une sécurité visible ». Il dénonce par ailleurs une autre dérive étatique – la privatisation des dispositifs de sécurité. « En France, la quasi-totalité de la sécurité est confiée à des acteurs privés. On a ouvert une fenêtre de tir aux prédateurs. Par ailleurs, ceci augmente les coûts sans réelle efficacité. Il faut que l’Etat en prenne conscience ».
Autre problème, l’augmentation du coût d’un vol. « Les mesures de sécurité impactent sur les taxes et donc sur les billets », confirme Michel de Blust, secrétaire général de l’ECTAA (groupement des Unions nationales des agences et organisateurs de voyages de l’Union européenne). « Pour finir, c’est toujours le voyageur qui paye ».
Roger Dutoit dénonce une hypocrisie de la part des autorités. « Il n’existe aucun système fiable à 100%. Le système actuel est plus réactif que construit. Il additionne les mesures et les technologies sans réelle efficacité ».