Candidate au Parlement Européen sur la liste UMP dans la circonscription du Sud-Est, Agnès Rampal est une élue bien connue dans la cité niçoise. Issue d’une famille de médecins, elle-même médecin (profession qu’elle exerce encore malgré son engagement politique) et femme de médecin, outre que mère de deux filles et grand-mère d’une petite-fille.
Conseillère municipale, déléguée à l’Euro Méditerranée, au CUM et aux rapatriés, elle est née à Alger et arrivée en France en 1962, puis à Nice en 1965.
Pourquoi cette candidature qui en a surpris plus d’un ? : « Je suis désireuse de combler le risque de désintérêt de nos concitoyens pour une élection si importante. Avec Christian Estrosi, nous souhaitons plus que jamais que notre territoire bénéficie de tous les financements européens auquel il peut prétendre, comme nous voulons faire entendre la voix de l’UMP pour défendre nos valeurs et notre vision de l’Europe » explique Agnès Rampal.
D’ailleurs, sa déclaration de foi est inscrite dans son histoire personnelle : « J’ai l’impression d’avoir toujours été une » européenne « . C’est ainsi que l’on nommait les Français d’Algérie puisqu’ils venaient de toute l’Europe. Les Français d’Algérie étaient en réalité des Espagnols, des Maltais , des Italiens ,des Alsaciens, des Français, et quand on parlait d’eux on disait » les Européens » !
Mais les convictions pro-européennes d’Agnès Rampal sont encore plus motivées : « Dans les délégations qui m’ont été ensuite confiées, en particulier l’Enseignement supérieur, j’ai pu mesurer l’importance d’une vision européenne au travers d’Erasmus et de tous les programmes de recherche. J’ai acquis l’intime conviction que le réseau des savoirs est une formidable ouverture vers les autres pays et, en tant que Méditerranéenne, je suis absolument convaincue que c’est le moyen de se parler, de se connaitre et de se respecter tout autour de notre Méditerranée. L’Europe du Sud est une chance pour notre continent et je suis donc particulièrement heureuse de pouvoir m’y investir ».
INTERVIEW
Nice Premium : Faut-il plus d’Europe avec des structures communes et se tourner vers un système fédéraliste ? Ou, a contrario, moins d’Europe, le retour d’une souveraineté nationale et de zones d’échanges commerciales ?
Agnés Rampal: Il faut à la fois « plus » et « moins » d’Europe. Plus d’Europe car la France, seule, ne pèse pas assez dans un monde où l’histoire ne s’écrit plus à l’échelle des pays mais des continents. Elle nous apporte la paix , la stabilité économique ; le marché intérieur européen nous permet d’être ensemble la première puissance commerciale du monde et l’Euro nous a globalement protégé pendant cette crise économique terrible qui nous a touché violemment certes mais qui aurait été bien plus terrible.
Plus aussi, car l’Europe doit à présent se réformer pour retrouver le chemin de la compétitivité en mettant la priorité sur l’emploi, en particulier chez les jeunes , en défendant ses PME avec la mise en place d’un « small business act » qui réserve une part de nos marchés publics aux entreprises qui produisent en Europe, en défendant nos intérêts dans la compétition internationale dans un esprit de réciprocité, en lançant de grands projets à l’échelle européenne qui nous permettent de voir émerger des champions industriels capables de rivaliser avec leurs concurrents mondiaux, de définir une politique énergétique commune et une politique de grandes infrastructures
Dans le même temps, il nous faut moins d’Europe car son fonctionnement est trop technocratique et il faut que l’Europe cesse de vouloir tout réglementer. Nous devons arrêter de produire des directives et des règlements qui imposent des contraintes trop couteuses et qui exaspèrent nos citoyens. La production de normes atteint une cote d’alerte ! Il faut aussi permettre la création de coopération entre plusieurs pays qui veulent et peuvent avancer plus vite, ensemble, car avancer à 28 est parfois beaucoup plus long ! Enfin, il faut redéfinir les missions de l’Europe qui ne doit agir que dans les domaines où une politique européenne sera plus efficace qu’une politique nationale.
Nice- Premium: Que risque l’Europe aujourd’hui ? La financiarisation de l’économie peut revenir à un contrôle politique, donc démocratique ?
Agnés Rampal: L’Europe doit retrouver un souffle, celui des grands Européens tels que Monnet, Schumann ou Adenauer. Cet élan, ce renouveau peuvent et doivent passer notamment par l’Europe méditerranéenne. Aujourd’hui, l’un des plus grands risques est le populisme. Les partis de cette mouvance, qui occupent déjà 160 sièges au Parlement européen, pourraient en glaner davantage. Or, la montée de telles idées est incompatible avec ce qu’est l’Europe dans son essence, c’est-à-dire le refus du totalitarisme, et même des totalitarismes. l’Europe, après la seconde guerre mondiale, avait été bâtie pour empêcher l’élection de dirigeants autoritaires. Les populistes font volontairement l’impasse sur les bienfaits de l’Europe, dont la démocratie et la formidable capacité de résistance à la crise d’une violence inouïe que nous avons subie depuis quelques années.
Ceci m’amène à la seconde partie de votre question : cette crise de la dette a vu la Banque centrale européenne prendre un rôle de plus en plus important, ce qui a pu alimenter le sentiment d’un accaparement du pouvoir par des élites non élues. Mais, il ne faut pas oublier que le Parlement européen voit ses pouvoirs renforcés de réforme en réforme de l’Europe. Le prochain Parlement exprimera davantage encore la volonté des citoyens européens, il pèsera réellement sur les textes législatifs proposés par la Commission, ainsi que sur la désignation du président de cette Commission.
Le Parlement est le seul organe d’importance de l’Union qui soit élu au suffrage universel direct. Envoyer y siéger des élus qui n’aiment pas l’Europe, qui veulent défaire au lieu d’améliorer, déconstruire plutôt que de stabiliser, n’aurait pas de sens. J’observe que tous les députés européens français, y compris ceux qui ne cessent d’attaquer l’Union, votent « comme un seul homme » pour la Politique Agricole commune. L’Europe aurait-elle du bon ? Le Parlement, notamment, est chargé de ce contrôle démocratique : c’est une raison de plus pour y envoyer siéger des femmes et des hommes qui, disposant d’une vraie légitimité, vont œuvrer pour mettre l’Europe plus près des citoyens, et réciproquement, et porteurs d’idéaux démocratiques
Nice-Premium : L’Euro est-il un « écu » protecteur ou une ambition intellectuelle ? Quoi comme politique budgétaire commune ? Quoi comme harmonisation fiscale pour éviter la surenchère entre pays « concurrents » ?
Agnés Rampal: L’Euro nous protège et la crise économique que nous venons de traverser le démontre : il n’y a eu ni éclatement de l’Europe, ni fin de sa zone monétaire grâce aux mesures qui ont été prises. Le soutien de l’euro et l’adoption du pacte budgétaire (initié par le couple Sarkosy-Merkel) ont été des mesures décisives qui ont ramené la confiance ! Il est plus facile de critiquer l’Euro fort que de faire les réformes que nous devons faire. Avec ce même Euro » fort », la France a produit un déficit commercial de 61,2 Milliards alors que l’Allemagne a fait un excèdent commercial historique de 198,9 Milliards !
Mais, il est urgent de mettre fin aux trop grandes disparités entre états pour arrêter la concurrence déloyale : Sur les 21 états pays de l’union qui ont un salaire minimum celui-ci varie entre 159 € bruts en Bulgarie et 1 874 € au Luxembourg. De même, le taux moyen de l’impôt sur les sociétés est en moyenne de 23 % en Europe mais il varie de 10% à Chypre ou en Bulgarie à 36% en France ! La convergence fiscale est une priorité et la France, avec un nombre restreint de pays qui le souhaitent, doit pouvoir aller de l’avant à travers des coopérations spécifiques.
Nice-Premium : Des réformes structurelles pour libéraliser le marché du travail et réduire son coût, diminuer durablement les dépenses publiques et restreindre le périmètre de l’état-providence ?
Agnés Rampal: Les sujets que vous évoquez ici ont trait à des domaines différents. Si on les analyse dans le cadre des compétences européennes, il faut savoir que la question de l’immigration est déterminante car elle touche à nombre de domaines, dont ceux que vous abordez dans votre question.
L’Europe doit intervenir efficacement dans la gestion des mouvements de population. Il faut d’abord lutter contre l’immigration clandestine, réguler l’immigration autorisée, et gérer de manière beaucoup plus rapide les dossiers d’instruction du droit d’asile, dont la lenteur crée des situations ingérables. Les réformes structurelles nationales doivent concerner notre système social, qui repose sur l’Etat Providence. Si nous voulons conserver cette spécificité, il faut impérativement réformer sur plusieurs plans : la durée et la dégressivité des indemnités chômage, et l’égalité de traitement de tous les citoyens, notamment dans le cadre des jours de carence.
Il nous est difficile d’être crédibles face à la Commission si nous ne nous respectons pas les règles que nous nous fixons, et il en est de même à l’égard de l’Allemagne. Les dérives de notre endettement doivent être arrêtées au plus vite et les mesures pour se faire prises avec intelligence et discernement. Ce n’est pas ce que le gouvernement français fait actuellement.
Nice-Premium : Est-il inquiétant que la France se désindustrialise ? L’économie de l’innovation est une réponse ? Quelle politique soutenir ?
Agnés Rampal : Oui il est catastrophique que la France se désindustrialise, mais globalement c’est toute l’Europe qui se désindustrialise puisque ce sont 3 millions d’emplois qui ont été perdus depuis 2008 et une baisse de production de 10%.
Il faut une politique industrielle ambitieuse qui favorise les entreprises et qui développe de grands projets indispensables à sa croissance. C’est en 1967 que le projet AIRBUS a commencé et près d’un demi siècle plus tard, Airbus est le n° 1 mondial !
Il nous faut une politique industrielle commune qui favorise l’émergence de « Champions européens » qui pourront rivaliser avec leurs concurrents (adaptation du droit à la concurrence, AO Européens qui développent des techniques innovantes et des programmes de recherche communs) ; nous devons investir ensemble dans l’innovation et les secteurs à forte valeur ajoutée pour rester dans la course économique mondiale comme il nous faut une politique énergétique commune avec une centrale d’achat du gaz pour peser sur les prix , avec un soutien au nucléaire et à Iter qui est l’énergie du futur ; enfin il nous faut une politique de grandes infrastructures pour aménager le territoire européen (transports , énergie, télécommunications , nouvelles technologies)
Il faut également que l’Europe soit le territoire de la matière grise , de l’innovation et de l’initiative et pour cela elle a lancé le programme HORIZON 2020 qui consacre 70 Milliards d’Euro à la recherche ; programme le plus important du monde en faveur de la recherche et du développement ; l’Europe veut consacrer 3% du PIB à la recherche et au développement, au lieu des 2% actuels. Si elle arrive à cet objectif, ce sont 3,7 millions d’emplois qui seront crées dans l’UE
Mais, parallèlement à cela nous devons nous protéger dans la compétition économique mondiale dans un esprit de réciprocité : Est-il acceptable que 32 % des marchés publics américains et 28 % des japonais soient ouverts aux entreprises européennes alors que dans le même temps, ce sont 85% de nos marchés qui leurs sont accessibles ?
Nice-Premium : La conception de la nation ethnique est-elle encore la réponse à la globalisation ? La France a inventé la nation civique, fondée sur des valeurs, indépendamment de toute origine : la fraternité est-elle encore d’actualité ?
Agnés Rampal: La nation civique est notre Héritage et nous y tenons fermement : être français c’est partager les mêmes valeurs « liberté, égalité, fraternité » dans le respect des Institutions, c’est partager l’amour d’un drapeau pour lequel des générations ont versé leur sang , c’est partager une culture commune, une langue , vibrer pour ses champions sportifs. ..
La fraternité est une notion essentielle et fait partie des acquis de l’Europe au travers en particulier « la solidarité financière entre les états membres » mais fraternité ne doit pas rimer immigration incontrôlée : En 2010, dans l’UE à 27 membres ce sont 810 500 personnes qui ont acquis la nationalité d’un des états membres dépassant pour la première fois le chiffre des 800 000. L’Europe ne pourra pas absorber toute la misère du monde et ne doit accepter que ce qu’elle est capable de bien traiter. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, ni la Roumanie, ni la Bulgarie ne doivent entrer dans l’espace Schengen puisque ces deux pays n’offrent pas les garanties nécessaires quant à leur capacité réelle de protéger leurs frontières extérieures. Enfin, il faut créer un droit d’asile européen commun qui en harmonise les normes.