Dans le cadre du débat pour les élections européennes du 25 mai, Nice Premium a demandé aux représentants de toutes les formations politiques candidates de bien vouloir exprimer leurs idées et leurs propositions de manière libre et indépendante. Après Agnès Rampal (UMP) et Xavier Garcia (PS), c’est au tour de Gaël Nofri (FN).
Gaël Nofri (Front National) est le directeur de campagne de Jean-Marie Le Pen, tête de liste dans la circonscription Sud-Est dont Marie-Christine Arnautu, candidate à la mairie de Nice et élu au conseil municipal, est la numéro 2.
La question que pose l’Euro est simple : La monnaie est-elle un outil au service de la politique; ou est-ce la politique qui est un jouet entre les mains de la finance ?
Le choix d’une monnaie placée entre les mains d’une banque centrale européenne indépendante remet en cause la place de la politique. Cela constitue un déni de démocratie qui ne peut s’expliquer que par un unique phénomène: la construction politique que l’on appelle « Europe de Bruxelles » est un non sens démocratique. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce que qui dit démocratie dit Peuple. Or il n’existe pas « UN » peuple européen mais des Peuples Européens ; il n’existe pas une langue, une identité, une histoire partagée, mais une diversité. La richesse de l’Europe c’est justement cette diversité, celles des Peuples et des Nations qui la compose.
La chose peut paraître très théorique. Pourtant elle est terriblement concrète: comment concevoir de faire de la politique par-dessus le réel ? Comment prétendre mettre la monnaie et la politique monétaire au service d’autre chose que du réel ?
Cette problématique se traduit de façon extrêmement concrète à travers la politique monétaire qui a été expérimentée depuis 2000. De l’aveu de tous la surévaluation de l’Euro représente un boulet terrible pour notre économie. Dans le même temps, la structure de l’Euro zone paralyse la capacité d’action de nos gouvernants, lesquels sont pourtant les premiers coupables de cette situation.
Selon Arnaud Montebourg, pourtant membre du Gouvernement, une dévaluation progressive de l’Euro de 20 % permettrait tout à la fois la création de 300.000 emplois, la réduction d’un tiers de notre déficit et l’équilibre de la balance commerciale.
Il est d’ailleurs faux, et complaisant, de parler de surévaluation de l’Euro. L’Euro n’est pas surévalué, il est évalué pour une « économie moyenne » de la Zone Euro. Mais, à côté de cette monnaie moyenne, le pays moyen n’existe pas: la réalité l’Euro est une monnaie sous-évalué pour l’économie allemande et surévalué pour nos économies.
Ce constat est à peu près universellement partagé. Il était celui de Maurice Allais, seul prix Nobel d’Economie français, avant même la sortie de l’Euro. Il est devenu notamment celui de Christopher Pissarides, prix Nobel d’Economie 2010.
L’Euro, qui hier nous a été vendu au nom de la croissance (aujourd’hui l’une des plus faibles du monde), du plein emploi (11.7 % de chômage dont 28 % en Grèce et 54.3 % dans la jeunesse espagnole) et la concurrence à jeu égal avec les Etats-Unis (battue en brèche pour l’annonce du TTIP*) ne tient plus que par la peur.
L’argument des jusqu’au-boutistes est en effet double : premièrement, en dehors de l’Euro point de salut ; secondement, peu importe de savoir si l’Euro est bénéfique ou non puisque l’on ne peut en sortir.
Le premier argument est évidement faux. Il n’y a évidemment qu’à citer l’Angleterre et ses 7 % de chômeurs. Et que dire des Danois qui ont refusé en 2000, par référendum, leur entrée dans la Zone Euro et qui sont, d’après les derniers sondages, opposés à 64 % à la monnaie unique. Cela ne semble pas avoir eu d’impact négatif sur les exportations du Danemark, lesquelles représentent à elles seules 32% de son PIB.
Enfin l’idée selon laquelle on ne peut sortir de l’Euro est une sorte de rhétorique fataliste et antidémocratique qui cache mal ses relents de totalitarisme. De même que l’Euro n’était hier pas négociable car il nous était présenté, non comme un choix politique, mais comme une vérité révélée dont la contestation seule suffisait à vous classer dans la catégorie des semi-déments ; de même, aujourd’hui, évoquer la sortie de l’Euro serait de l’ordre du blasphème.
Au delà de la peur et de la dialectique, de quoi parle-t-on ?
Techniquement la partition monétaire est un exercice des plus aisés à mettre en œuvre comme l’a prouvé l’exemple de la Tchécoslovaquie en 1992. L’impacte d’une telle mesure sur la dette de l’Etat et sur celle des ménages serait quasi-nul. En effet, en France, 97% de la dette publique et 98,5% de la dette privée sont basés sur des contrats de droits français. Ceux-ci devront donc être réglés en monnaie ayant cours légal en France, selon les dispositions du droit international connues sous le nom de Lex Monetae.
La dernière idée préconçue consiste à prédire la ruine imminente de la France, son isolement sur la scène internationale et son retrait du jeu économique européen. Celle-ci confine évidement au ridicule. Les réalités, l’histoire aussi, sont là pour le prouver: la France à un rôle central et pivot au sein du continent européen. Comment en effet concevoir une zone européenne d’échange et de circulation qui se construirait sans la France ? Un simple coup d’œil, même d’un mauvais élève de géographie, suffirait à démontrer le manque de crédibilité des apôtres de l’impuissance française. Le « NON » à la Constitution Européenne de 2005 n’a pas entrainé la construction d’une Europe parallèle excluant la France, bien au contraire, car l’Europe passe par la France. C’est cette place centrale, ce rôle décisif, qui fait aussi le poids et l’importance de notre position en Europe.
Cela ne veut pas dire qu’il faille faire n’importe quoi. Cela veut simplement dire qu’il convient de ne s’interdire aucune voie. Qu’il est nécessaire de regarder les choses telle qu’elles sont et non telle qu’on les fantasme. L’Euro tel que nous le connaissons a vécu. La seule question et de savoir si nous attendons de nous prendre les pieds dans la prochaine crise, ou, si nous prenons dés aujourd’hui une initiative concertée avec nos partenaires afin d’envisager sereinement le retour, d’une façon ou d’une autre, à notre souveraineté monétaire. Cela n’exclut pas d’autres dispositifs comme, par exemple, une monnaie commune qui ne soit pas une monnaie unique…
La seule entrave à ce raisonnement est que, voyez-vous, nos euro-phoriques ont un dogme : le fédéralisme est la solution et rien ne doit empêcher la « marche glorieuse de l’humanité » vers le marché globalisé… aucun hésitation n’est ici tolérée, pire le retour y est proscrit.
Tel est d’ailleurs l’argument qui justifie toutes les faillites de l’Union Européenne: ce n’est jamais la faute du modèle européen si les choses vont mal ; ce n’est pas parce que Bruxelles est un non-sens que nous assistons à l’échec des politiques mises en place… au contraire ! C’est parce qu’il n’y a pas assez d’intégration européenne que les choses vont mal. Ce sont les dernières miettes de démocratie, les ultimes poussières de réel qui viennent gripper la superbe machine Europa. Une machine fantasmagorisque, tout droit sortie du cerveau d’un professeur Foldingue jamais sorti de son laboratoire… Une petite rêverie dont le sauvetage a déjà couté au contribuable français 70 milliards d’Euros… en attendant l’inévitable prochaine crise !
Pour autant vous avez raison de dire que la question de l’Euro n’est pas la seule problématique qui se pose… Il y avait des difficultés avant, il y a des problèmes à côté… Nous ne sommes pas arrivés au chiffre faramineux de 2.000 milliards de dette sans quelques accumulations d’erreurs. Je rappelle que nous vivons dans un pays dans lequel aucun budget n’a été voté à l’équilibre depuis 1974, soit depuis l’entrée en vigueur de la Loi de 1973 (reprise par l’article 123 du traité de Lisbonne) interdisant à l’Etat français d’emprunter auprès de la Banque de France -ce qui nous ramène au rapport entre le pouvoir politique et la monnaie.
Pour autant il convient en effet d’entamer les réformes nécessaires au rééquilibrage des finances publiques: l’immigration, l’échec des politiques de la ville successives, le régimes des intermittents du spectacles qui plombe le régime général de l’assurance chômage, le poids de certaines charges de personnel dans les collectivités territoriales ou dans certains ministères tel Bercy, le rôle de contributeur net de la France au budget de l’Union Européen…
Je rajoute tout de même que le cercle vertueux qu’entraînerait une dévaluation compétitive et raisonnable de notre monnaie, en faisant baisser le nombre de chômeurs et en rééquilibrant notre balance commerciale, offrirait des marges supplémentaires pour financer les réformes structurelles auxquelles vous faites références.
Celles-ci sont évidemment nécessaires. Mais, ne nous y trompons pas, la question du « moins d’Etat », si je la trouve pleinement légitime en bien des domaines, pousse au débat idéologique et dogmatique. J’aurais envie de substituer à celle-ci le « mieux d’Etat ». L’Etat doit en effet se simplifier et investir massivement pour permettre l’expression des talents, la libération des initiatives. Je crois que l’Etat se doit de pousser à la recherche et à l’innovation. La part de notre PIB consacré à ce domaine est hélas ridiculement faible et doit croître de près de 50% si nous ne voulons hypothéquer notre avenir… cela exige, c’est évident, des arbitrages, mais c’est aussi le prix à payer si la France entend demeurer une Nation moderne et innovante.
Je rajoute que je crois beaucoup aussi aux vertus de l’aménagement du territoire qui, dans un pays vaste et riche comme le notre est un outil au service de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Plus que jamais je crois en l’Etat Nation. Plus que jamais je crois à l’importance de la souveraineté nationale, au rôle essentiel des Nations. Voyez-vous, si l’on considère le monde tel qu’il est, les grandes puissances sont toutes des Nations qui ont une particularité : celle de s’assumer comme tel. Le modèle qui réussit c’est celui de la Nation consciente d’elle même, désireuse de protéger ses intérêts, de défendre son indépendance, de bâtir un avenir qui lui ressemble… le mondialisme heureux c’est de la littérature pour jeune fille à marier !
La Nation, c’est le modèle qui garantit le respect des Peuples, l’essor des démocraties, la régulation de l’économie par le politique, le maintien de notre rôle d’acteur de l’Histoire. C’est aussi celui qui protège avec ses frontières, qui échange avec ses traités, qui recherche la paix et le compromis avec ses alliés.
C’est pour cela voyez vous que contrairement au PS, et à l’UMP rallié au mondialisme, je ne crois pas au marché intégré et aux peuples désintégrés. Je ne suis pas socialiste, contrairement au collaborationniste Marcel Déat qui écrivait en juin 1943 : « Il n’est plus possible à aucune nation de tenter isolément sa chance… Les États devront perdre une partie de leur souveraineté nationale… On aimera l’Europe si elle est synonyme de justice et d’ordre nouveau, si elle a la figure du socialisme, si elle est une grande communauté … Il y aura un Conseil fédéral avec un Exécutif européen, une monnaie, une police, une armée… L’ordre européen sera socialiste ou ne sera pas… ».