Dans « Ingrid BETANCOURT : Le visage de Colombie », Joseph Giudi offre un magnifique portrait de la personnalité romanesque d’Ingrid Betancourt et propose une analyse géopolitique de la Colombie. Joseph Giudi est un écrivain d’origine italienne, président du Cercle des Ecrivains de la Côte d’Azur. Il est l’auteur de romans, de poèmes, d’une biographie de Katherine Mansfield et d’un essai sur Arthur Rimbaud dont il travaille actuellement la suite.
Ingrid Betancourt est née à Bogota en 1961 et est française par son premier mariage. Fille de l’ancien ministre de l’éducation et ancienne sénatrice, elle milite pour les Droits de l’Homme et contre l’injustice, la corruption et les narcotrafiquants, jusqu’à son enlèvement par les F.A.R.C. le 23 février 2002, en compagnie de sa directrice de campagne, Clara Rojas.
Nice-Première : Comment en êtes-vous arrivé à écrire sur Ingrid Betancourt ?
Joseph Giudi : Je suis fasciné par son génie. Ingrid Betancourt est une héroïne des temps modernes. Elle démontre un courage extrême prouvé par son sacrifice, au service de son idéologie profondément humaniste. Je considère que c’est quelqu’un d’une grande beauté, à la fois physique et spirituelle.
J’ai été mis en contact avec Renaud, qui a chanté la chanson « Dans la jungle » pour elle. J’ai également travaillé avec Latin Reporter, il s’agit d’une agence de presse basée en Amérique du sud. Pour des raisons de sécurité, je n’aborderais pas la question plus en détail.
Nice-Première : Quelle est la situation aujourd’hui en Colombie ?
Joseph Giudi : La Colombie est un pays riche en matières premières. D’un côté, il y a l’oligarchie, constituée d’un certain nombre de familles ayant richesses et pouvoir. Puis, il y a les cartels de la drogue qui utilisent les parlementaires corrompus pour arriver à leurs fins, comme le dénonçait Ingrid. Ils pillent les richesses du pays. Ils rackettent l’économie. Les A.U.C. (Autodéfense Unies Colombiennes) d’extrême droite reçoivent des financements occultes. Ils s’opposent aux F.A.R.C. d’extrême gauche et d’inspiration marxiste. Ces derniers forts de 20000 hommes et armés jusqu’aux dents contrôlent un territoire très vaste, à l’intérieur duquel ils font régner leur loi.. Ajoutez à ce tableau des groupuscules développés au sein de zones de non droit. C’est un monde de corruption et de barbarie, où la vie humaine n’a pas d’importance. Malgré tout, il faut rendre hommage à un peuple, dépouillé et martyrisé mais qui garde une soif impressionnante pour la vie. Ingrid a écrit « Il faut que le noir devienne blanc, car le regard sombre des Colombiens est plus tourné vers la mort que vers la vie. » Je pense qu’elle faisait allusion au courage de ce peuple fort et généreux.
Nice-Première : Quelle est la position du gouvernement ?
Joseph Giudi : Le pouvoir a toujours été inféodé par la pression de la corruption. Dans ce contexte, Alvaro Uribe, le Président Colombien est sans conteste plus propre et intransigeant envers les F.A.R.C. que ses prédécesseurs.
Il veut reconquérir les zones de non droit. On estime que 4000 personnes sont actuellement aux mains de la milice. Pour obtenir leurs libérations, il choisit la force. Le problème, c’est que son attitude est aussi dangereuse que les ennemis qu’il combat, car à chaque tentative d’intervention de l’armée, ce sont des innocents qui risquent leurs vies.
Nice-Première : D’un point de vue idéologique, Ingrid Betancourt et les F.A.R.C. se rejoignent dans leur quête de la liberté pour la Colombie. Alors pourquoi l’enlever ?
Joseph Giudi : Je ne crois pas que les F.A.R.C., qui se réclament de Gauche soient vraiment ce qu’ils prétendent être. Je veux dire par là que les enlèvements ne respectent pas les règles démocratiques, ni les institutions parlementaires.
Nice-Première : Dans votre livre, vous écrivez : « Lorsqu’on veut lui couper les ailes, la colombe s’envole plus haut, plus majestueuse. Lorsqu’elle a peur, elle se fixe dans son propre regard, elle s’interroge. » La colombe s’est-elle éteinte après toutes ces années de détentions ?
Joseph Giudi : Ingrid vit pour libérer les autres. Dans son esprit, il fallait un coup d’éclat, au péril de sa vie, afin de marquer les esprits. On peut penser qu’elle s’était préparée. D’après certaines sources d’informations, elle est malade et diminuée. Mais c’est un symbole de l’évolution des mentalités contre le joug de l’oppresseur. Ingrid martyrisée, c’est tout un peuple que l’on martyrise. Nul doute que son combat marquera les esprits.
Nice-Première : Reste-t-il un espoir de négociation pour la libération d’Ingrid Betancourt ?
Joseph Giudi : Les F.A.R.C. exigent la libération des 520 prisonniers appartenant à la milice. Alvaro Uribe vient enfin d’accepter les pourparlers avec l’accord des F.A.R.C. Mais les conditions de cette négociation restent encore à déterminer.