À l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, Nice Premium a interrogé les candidates aux élections cantonales. L’occasion pour elles de constater les efforts fait ou encore à faire pour les femmes en politique.
Le parallèle entre la journée internationale du droit des femmes et les élections cantonales était tout trouvé. Nice Premium a soumis quatre questions à chacune des candidates. Quatre d’entre elles nous ont répondu. Roseline Grac (Parti de Gauche, 5ème canton), Dominique Boy-Mottard (Parti Radical de Gauche, 7ème canton), Juliette Chesnel-Le Roux (Europe Ecologie – Les Verts, 8ème canton) et Dominique Estrosi-Sassone (UMP, 14ème canton).
Nice Premium : Que pensez-vous de la place qu’occupe la femme dans le paysage politique ?
Roseline Grac : Elle est évidemment insuffisante. Nous sommes l’un des pays européens où la femme est la moins représentée au Parlement. Nous sommes même derrière l’Italie. La présence féminine dans les institutions politiques peut évidemment relever de la loi, et celle sur la parité est une très bonne chose. Mais elle doit surtout relever d’une pratique et d’un usage démocratique, que les partis politiques doivent mettre en place. Relevons tout de même l’existence de figures politiques et/ou syndicales notoires, telles que Martine Aubry, Marie Georges Buffet, Cécile Duflot ou de la responsable actuelle de la FSU.
La réforme des collectivités territoriales porte en germe le risque majeur, du fait du mode de scrutin, d’aggraver la situation et de porter un coup à la parité, et donc, à la représentation politique des femmes. Et de fait à la démocratie dans son ensemble. C’est une des raisons pour lesquelles le Front de Gauche y est farouchement opposé.
Dominique Boy-Mottard : On ne peut nier que des progrès ont été réalisés depuis 2000 avec les lois sur la parité. Mais leur efficacité est variable en fonction du mode de scrutin.
Lorsqu’on est en présence d’un scrutin de liste (proportionnelle avec une prime à la liste majoritaire), comme c’est le cas pour les élections municipales et les élections régionales, l’égalité hommes-femmes est forcément respectée car, à défaut, la liste ne peut être enregistrée. C’est pourquoi désormais, on arrive à une présence de 48% de femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3500 habitants et les conseils régionaux. Pour autant, 86% des maires sont toujours des hommes et il y a une seule femme sur 22 présidents de Région.
Lorsqu’on a affaire à un scrutin majoritaire uninominal (on vote pour une personne et non pour une liste), le principe de parité ne s’impose qu’au travers de sanctions financières (qui se traduisent par une diminution de l’aide publique aux partis) ce qui, manifestement, est moins dissuasif. C’est ainsi qu’on n’a toujours que 18,5% de femmes à l’Assemblée Nationale et seulement 13,1% de femmes dans les assemblées départementales ! Imaginez que, sur les quatorze cantons niçois, je suis la seule femme conseillère générale, et que sur les cinquante-deux élus des Alpes-Maritimes nous ne sommes que six ! Il est vrai que, pour une bonne part, les sortants sont très implantés (notamment dans les cantons ruraux), étant élus depuis de nombreuses années : dès lors leurs partis ne veulent pas prendre le risque de changer de candidat. Cela peut se comprendre, mais ça rend difficile l’émergence de femmes candidates mais aussi, plus généralement, des nouvelles générations.
Beaucoup reste donc à faire pour parvenir à un vrai accès des femmes – qui représentent la moitié de l’électorat – à des mandats électifs et pour assurer leur présence à des responsabilités exécutives (il y a seulement 6% de femmes à la tête des Départements…).
Juliette Chesnel-Le Roux : Les femmes sont bien présentes en politique, au niveau militant.
Elles sont aussi actives dans les appareils des partis. On compte nombre de secrétaires nationales (ou présidente) comme par exemple au PS, FN et chez Europe-Ecologie-Les Verts.
C’est au niveau de la représentation élective qu’elles n’arrivent pas à faire leur place. Elles sont nettement plus présentes dans les partis minoritaires, pour lesquels la pénalité financière est trop lourde à porter ( cf loi de juin 2000 sur la parité).
Mais dans les grands partis, probablement à cause d’un non renouvellement des mandats, les femmes, tout comme les minorités « visibles » sont plus difficilement présentées aux élections aux postes « gagnables ».
Les femmes sont représentées à hauteur de 13.1% dans les conseils généraux et la progression est très lente, à ce rythme, sans obligation légale, il faudra 70 ans avant d’atteindre la parité.
18.5% à l’assemblée nationale
21.9% des sénateurs
…qui sont des élections uninominales. La loi ne fait pas obligation de présenter des hommes et des femmes à parité (sauf pour les sénateurs).
Dans les scrutins de liste, la loi de 2000 sur la parité ayant fait obligation de présenter des listes paritaires, le taux est nettement plus normal :
48% dans les conseils régionaux (dont 38% de vice-présidentes )
35% des conseillers municipaux.
Elles représentent la moitié de la population française et leur représentativité est très, trop faible.
Dominique Estrosi-Sassone : On s’aperçoit que, même si des progrès ont été fait essentiellement grâce à la loi sur la parité, c’est un combat de tous les instants que d’être une femme en politique. Surtout dès que l’on touche à des responsabilités qui sont beaucoup plus importantes, beaucoup plus élevées dans la hiérarchie politique. Être une femme élue locale est un peu moins compliqué parce que là on a la possibilité de respecter la loi sur la parité. Il se trouve que par exemple au niveau des législatives, des députés et même au niveau des ministres et secrétaires d’Etat, bien qu’il y ait encore beaucoup à faire, et que même si on dit toujours que l’on veut apporter plus de mixité et féminiser la sphère politique, et bien on voit que cette parité n’est pas encore véritablement atteinte dans sa grande majorité. En tout cas à hauteur de ce que représente les femmes dans la société toute entière, leur représentation dans la vie politique n’est pas significative.
NP : Pensez-vous que l’électorat/les médias puissent être parfois sexiste ?
D.B-M : Je ne pense pas que l’électorat soit sexiste, ou alors il faudrait considérer que les Français sont plus sexistes que beaucoup d’autres nations qui, non seulement en Europe, mais aussi dans le monde entier, n’ont pas hésité à confier les plus hautes charges de l’Etat à des femmes.
Mais je crois qu’il y a des responsables politiques sexistes, peut-être pas fondamentalement, mais, de façon plus pragmatique, tout simplement parce qu’ils tiennent à conserver leur place et que les femmes sont pour eux autant de concurrents supplémentaires.
En ce qui concerne les médias, force est de constater qu’ils n’ont jamais fait de cadeaux aux femmes qui atteignaient les plus hautes marches de l’Etat. Cela a été le cas pour Edith Cresson, que François Mitterrand avait choisie comme 1er ministre, et aussi pour Ségolène Royal, lorsqu’elle a été en position de remporter la dernière élection présidentielle. Je ne dis pas que ces femmes étaient exemptes de défauts, loin de là, mais il me semble qu’on leur a passé beaucoup moins de choses qu’à des hommes placés dans la même situation. En plus, les attaques ont toujours eu ce petit côté un peu moqueur et méprisant qu’on se permet rarement avec un homme.
J.C-LR : Non, l’électorat n’est pas sexiste. Ce sont les appareils politiques traditionnels qui sont timorés et qui le pensent. Les médias sont de moins en moins sexistes. les commentaires entendus du temps d’Edith Cresson ne seraient plus admis et ne sont plus de mise aujourd’hui.
D.E-S : Oui. Je le pense. Alors les médias, je ne sais pas trop. Peut être pas sexiste, mais ils regardent ça encore un peu par le petit bout de la lorgnette comme on dit. Ils s’attardent plus sur l’aspect peopolisation que véritablement sur la valeur que l’on peut accorder aux femmes dans certains paramètres. Et deuxième point, dans l’électorat, je ne pense pas que l’électorat en tant que tel, lui, soit véritablement sexiste en la matière. Je pense par contre qu’au sein même du monde politique, au sein même du monde éco, il peut y avoir encore de part et d’autre des comportements qui soient sexistes et qui soient encore macho.
R.G : Certainement, les médias n’étant que le reflet de la société. Ostracisme, xénophobie, racisme, sont présents dans notre société. Certains partis politiques autrefois républicains se servant même de ces pulsions pour servir leurs intérêts électoraux. Parce qu’il n’y a peut-être pas plus de discrimination sexiste que de discrimination sociale ou ethnique. La question est donc plus globale, et la réponse porte sur la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes et entre les peuples.
NP : Qu’est ce qui devrait changer pour qu’une parité naturelle soit mise en place ?
D.E-S : Je pense que c’est une question d’évolution, de mentalité et puis aussi de circonstances. Je pense qu’à des niveaux comme ça, il faut qu’il y ait des femmes avec leurs parcours de vie, avec les responsabilités qu’elles peuvent avoir, qui se trouvent au bon endroit, au bon moment par rapport à des nominations. Que ce soit dans les grandes entreprises, que ce soit aussi, par exemple, à des postes de ministres. C’est vrai que parfois c’est aussi souvent un concours de circonstances. Mais je pense que, vu qu’aujourd’hui on a un plus gros vivier parmi les élues locales, je me laisse à penser que ce vivier, qui est encore assez jeune, permettra à ces femmes[…] d’ occuper de plus hautes fonctions et de plus hauts postes dans la hiérarchie politique.
R.G : Il n’existe pas de parité naturelle et/ou spontanée. C’est aux femmes d’aller la chercher et de la gagner, s’agissant en fait d’une lutte et du résultat d’un rapport de forces. Cette question déborde d’ailleurs le cadre de la parité en politique, elle touche à la question de l’égalité en général, tant sur le plan de l’égalité salariale, de l’égalité au droit à la libre détermination, au droit à la décision, au droit à l’éducation….Toutes ces disparités disparaîtront de la politique le jour où les luttes des femmes les auront fait disparaître de la société. Et l’implication des femmes dans le renversement des dictatures au Maghreb, où elles luttent pour l’égalité des droits pour toutes et tous, montre bien que l’émancipation de la femme est aussi indispensable à l’émancipation des peuples.
J.C-LR : Pour faire évoluer les choses, il faudrait limiter le nombre de mandats dans le temps. Pour que la place puisse être faite aux femmes, aux jeunes, aux personnalités issues de la diversité, il faut s’obliger au renouvellement.
Il faut aussi interdire le cumul de mandats en simultané (conseiller général et député), cela renouvellerait une bonne part des élus.
Il faut aussi instaurer un statut de l’élu, qui permet le retour à la vie civile.
NP : La France élira-t-elle une femme présidente un jour ?
J.C-LR : Il n’y a aucun doute là-dessus. D’autres pays ont fait le pas. Des personnalités respectées au niveau international, comme peut l’être Eva Joly sont tout à fait à même de tenir la fonction.
D.E-S : Oui. Je pense qu’aujourd’hui les Français sont prêts. Ce n’est pas parce que ce sera une femme présidente de la République, c’est parce que les Français auront trouvé, à travers la présence d’une candidate, toutes les compétences que peut porter un futur chef d’Etat. Je pense que c’est ça, ce n’est pas élire une femme en tant que telle, c’est trouver les compétences à travers un candidat, qu’il soit un homme ou une femme. Et donc dans ces conditions là, il n’y a pas de raison pour qu’un jour une femme ne devienne pas présidente de la République.
R.G : Bien entendu! Et de ce point de vue, bien que lentement, la révolution des stéréotypes est en marche. Pourquoi la France se priverait-elle encore longtemps de compétences dont d’autres pays ne se sont pas privés? Par exemple la Finlande, Israël, l’Argentine, le Brésil ou l’Angleterre?
Notons toutefois qu’aujourd’hui, ce n’est pas la désignation d’une femme Présidente qui résoudrait pour autant les problèmes économiques et sociaux que connaît notre pays, mais bien l’avènement au pouvoir de forces de transformations sociales en rupture radicale avec le système capitaliste à bout de souffle qui ruine les peuples et dévaste notre planète.
D.B-M : Je veux le croire. Il n’y a pas de raison que ce qui a pu se passer ailleurs, y compris dans des Etats de tradition démocratique moins ancienne que le nôtre, ne se produise pas chez nous. Et elle le sera parce que les électrices et les électeurs auront jugé qu’elle avait les qualités pour assumer cette lourde responsabilité, pas parce qu’elle est une femme. Cela arrivera peut-être plutôt qu’on ne le pense. Qui sait ?