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4 novembre 2024

Juliana Chichmanian-Delpy : entrevue avec le Premier Adjoint de Nice

Nice-Première : Commençons par l’actualité chaude avec l’arrivée de la première rame du tramway dans la nuit de lundi à mardi. Qu’est-ce que cela vous évoque, est-ce un « ouf » de soulagement ?

160814.jpg Juliana Chichmanian-Delpy : Pour moi, c’est un soulagement. C’est presque le couronnement de beaucoup d’années de travail, quelques années de souffrances ou quelques mois pour les Niçois mais des années de travail pour arriver à un stade où il va sortir. On a souffert mais il est là.
Je suis allée à Bordeaux pendant les travaux du tramway et après. J’ai constaté combien les gens pendant les travaux, notamment les commerçants, étaient inquiets et parfois hargneux et combien, après, ils ont porté le tramway aux nues. Maintenant Bordeaux est une toute autre ville.
C’est un soulagement mais je n’ai jamais été inquiète et je ne le suis pas. On sait que cela modernisera la ville et permettra d’avoir une circulation beaucoup plus fluide qu’elle ne l’est maintenant.

NP : Vous avez vu cette rame à son arrivée ?

J C-P : Cette rame est arrivée entre minuit et trois heures du matin. Après la journée très dure que j’ai eue avec des conseils d’administration, des représentations du Maire… A minuit, j’étais dans ma plume.

NP : Vous êtes la Première Adjointe de la Cinquième Ville de France, vous êtes vice-présidente de la Canca, conseillère régionale, présidente de l’OPAC mais pourtant on peut dire de vous que vous êtes une femme de l’ombre, besogneuse mais discrète. Considérez vous ces qualificatifs comme une critique ou un compliment ?

J C-P : Je pense que ce sont des compliments. Tout d’abord, je suis une éternelle optimiste. J’ai toujours vu la bouteille à moitié pleine, plutôt qu’à moitié vide. Il est vrai que je suis une besogneuse parce que j’ai été trente ans avocat. Un avocat, lorsqu’il veut réussir et je prétends avoir réussi, est obligé d’étudier ses dossiers, de recevoir ses clients, d’aller aux audiences et de travailler ses 35 heures tous les deux jours. J’ai donc l’habitude de beaucoup travailler. J’ai la chance de ne dormir que quatre ou cinq heures par nuit. Le reste du temps, il faut que je m’occupe peut-être parce que j’ai un peu trop de punch. Je suis beaucoup au bureau. Je fais beaucoup de choses. J’ai beaucoup de responsabilités mais pour moi c’est une qualité.

NP : Comment arrivez-vous à répartir votre emploi du temps entre toutes ces fonctions ?

J C-P : J’avoue que c’est assez difficile mais je suis hyper organisée. Je ne suis jamais en retard. Tous les rendez-vous sont pris. Je souhaite que mes excellents collaborateurs me remettent les dossiers au moins 24 ou 48 heures avant. Comme j’ai une grande mémoire, je lis les dossiers la veille et je dors dessus ! Ma mère était médecin. Elle m’a appris que c’est le lendemain que l’on se souvenait de ce que l’on avait lu la veille. J’ai toujours fait ça même quand je bachotais puisque quand je passais le bac, j’étais beaucoup plus dans les dancings qu’aux cours. Il me suffisait de lire la veille… Le lendemain, je me rendais compte que je savais tout.
Je ne lis pas les discours, je les dis. Je parle, je ne lis pas. Je prépare toujours beaucoup avant. Je suis très scrupuleuse. Pour certains, c’est probablement un peu dur mais c’est comme ça.

NP : Déléguez-vous plus qu’avant avec votre arrivée à la tête de l’OPAC ?

J C-P : Je suis arrivée à l’OPAC il y a un mois. Je viens de choisir un nouveau collaborateur qui prendra ses fonctions en janvier puisque l’OPAM a changé, est devenu OPAC donc tout a changé. En mairie, j’ai d’excellents collaborateurs.

NP : J’ai parlé tout à l’heure de femme de l’ombre. L’ombre, c’est pour deux fois celle de Jacques Peyrat. Comment se passe votre collaboration ? Est-ce que c’est parfois tendu, parfois jovial ? On aimerait faire les curieux. Comme s’il y avait une caméra, pouvez vous nous dévoiler l’envers du décor, la face immergée ?

J C-P : Cela fait douze ans que je suis adjoint de Jacques Peyrat. Dans la première mandature, j’étais huitième adjoint, dans la deuxième, second adjoint pendant quelques mois puis premier adjoint. Comme le maire de Nice et moi, nous nous sommes connus lorsque nous étions avocats il y a quarante ans. Je le connais pour avoir déjà plaidé contre lui. Il a même eu l’audace de plaider pour des Arméniens et moi pour des Français. Je ne sais plus qui a gagné. Mais il était très dur avec moi comme j’étais dur avec lui.
Actuellement, nos entrevues sont toujours sérieuses, très sérieuses et à 20% joviales. Comme lui et moi, nous sommes avocats, on est libres et indépendants. Je lui dis ce que je pense vraiment. Parfois, je ne suis pas de son avis et je le lui dis. C’est assez rare mais ça arrive. Il le prend bien. Il écoute ou il n’écoute pas. C’est lui le chef. Mais j’ai la liberté de lui dire ce que je pense. On a des échanges qui n’ont jamais été disputes ou bagarres. Ce sont des échanges plus intellectuels sur des dossiers ou des opportunités, des façons d’agir pour l’intérêt des Niçois.

NP : Comment l’appelez vous : Monsieur le Sénateur Maire, Monsieur Peyrat, Jacques ?

J C-P : La moitié du temps, je l’appelle Monsieur le Maire et l’autre moitié Jacques.

NP : A-t-il une préférence, pour que l’on sache comment l’appeler le jour où on l’interviewera ?

J C-P : Je ne le lui ai pas demandé. A mon avis, cela l’indiffère un peu. J’ai cru comprendre qu’il avait une certaine élégance et qu’il aimait bien qu’on puisse l’appeler Monsieur le Sénateur Maire.

NP : Parlons de votre « dernière actualité » : l’Opac. Quels sont vos premiers grands projets et vos priorités au sein de l’OPAC ?

J C-P : Arrivée là il y a un mois, j’ai tout d’abord fait l’état des lieux. J’ai visité toutes les agences avec la directrice Françoise Baron et tout son staff. J’ai vu toutes les agences extérieures. J’ai visité l’OPAC et j’ai vu un certain nombre de personnes qui habitent dans les logements HLM de Nice et de l’extérieur même si je n’ai pas attendu cette fonction pour les rencontrer.
Comme je suis une femme de chiffres et que dans quelques jours on va annoncer les chiffres du budget 2007 au prochain conseil d’administration du 21 décembre. Il y aurait 25 millions d’euros pour la construction de HLM neuf. Il y aurait le double, c’est-à-dire 52 millions pour la réhabilitation. Ce que je compte faire, c’est non seulement réhabiliter et construire mais également prendre mon bâton de pèlerin pour parcourir les 163 communes de cette OPAC qui est départementale pour tenter de construire dans tout le département.

NP : Avez-vous décidé des emplacements des nouvelles constructions ?

J C-P : Non. Depuis un mois nous avons déjà procédé à l’acquisition d’un terrain à Eze et nous sommes sur plusieurs « coups ». Mon ambition est de faire tout cela pour les locataires. Il faut que les locataires sachent que c’est pour leur mieux vivre que j’ai l’intention de faire tout cela.

NP : 25 millions correspondent à combien de logements ?

J C-P : Il me semble que c’est un peu plus d’un millier. Je pourrais le préciser ultérieurement.

« Quand on est premier adjoint c’est pour envisager d’être Maire »

NP : Il y a un sujet récurrent, comme une mode : les femmes en politique. Est-ce que c’est un sujet qui vous agace que de devoir sans cesse justifier la légitimité des femmes à faire de la politique ?

J C-P : Ce sujet ne m’agace pas. Je sais qu’il est très à la mode et j’accepte les modes. Pour ce qui me concerne, je suis née avant cette obligation de parité puisque je suis rentrée en politique en 1995. Je constate qu’il est vrai que sans cette loi il y aurait encore moins de femmes en politique. Je crois même qu’il y en a beaucoup plus au Sénat qu’à l’Assemblée Nationale. Cela paraît curieux mais c’est comme ça. Je vois que c’est à la mode puisque plusieurs pays dans le monde gouvernés par une femme. Ce sujet ne m’agace pas. C’est une mode, un temps. De toute façon la femme doit payer l’égalité qu’elle demande. Il y a bien des femmes qui sont pilotes de ligne. Quand on les voit aux commandes de l’avion, on ne va pas descendre.

NP : Avez-vous des ambitions précises à moyen ou long terme ?

J C-P : Quand on n’avance pas, on recule. Je suis née huitième adjoint. Je suis devenue premier, puis conseiller régional. J’ai donc les ambitions que mon parti me décidera de me donner puisque je suis très fidèle à l’UMP, au seul parti politique auquel j’appartiens. Je n’ai jamais adhéré à quelque autre parti que ce soit.

NP : Est-ce que ça vous plairait d’être Maire de Nice ? Au moins dans vos rêves lors de vos quatre ou cinq heures de sommeil…

J C-P : Cette question relativement piège me fait répondre clairement : quand on est premier adjoint c’est pour envisager d’être Maire. Je ne suis pas du tout opposée à l’être mais je ne suis pas candidate à ce jour et certainement pas contre le Maire de Nice comme quelques uns se plaisent à le laisser croire pour probablement créer une zizanie ce dont je n’en ai rien à faire.

NP : les débats et les primaires à l’UMP se déroulent en ce moment. On a vu Michèle Alliot-Marie se plaindre des changements au dernier moment de la teneur des débats. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

J C-P : Je suis évidemment l’actualité politique en particulier en fin de soirée puisque étant câblée j’ai la chance d’avoir les télévisions parlementaires. Il est normal qu’il y ait plusieurs candidats mais pour l’instant un seul s’est révélé : Nicolas Sarkozy. Pour le moment, je militerais pour Nicolas Sarkozy si j’ai l’opportunité de le faire.

NP : N’est-ce pas négatif pour l’UMP que d’avoir dans ces débats qu’un seul candidat ?

J C-P : Je ne le crois pas. S’il y en a qu’un seul c’est qu’ils ont trouvé un modus vivendi, un terrain d’entente, des points communs qui font qu’il vaut mieux un bon qui arrive au résultat plutôt que deux qui risqueraient de se télescoper.

NP : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou voire Olivier Besancenot… que pensez-vous de ce rajeunissement des leaders politiques français ?

J C-P : Je pense qu’il ne faut pas attendre le temps pour voir des gens de talent qui se manifestent. Rajeunir les cadres politiques, c’est très bien. Il peut y avoir des gens géniaux à 80 ans qui peuvent continuer à avoir une carrière comme il peut y en avoir avant. Rajeunir c’est très bien, très favorable puisqu’ils ont l’avenir devant eux pour faire beaucoup de choses. Quand on démarre une vie trop tard, on n’a pas le temps de faire ce qu’on a l’opportunité de réaliser.

NP : Donc pour vous, la politique ne doit pas avoir de sexe : c’est pareil que l’on soit un homme ou une femme et pas d’âge ?

J C-P : Ni sexe, ni âge. Mais si on peut être plutôt jeune, c’est mieux.

NP : Et plutôt une femme ?

J C-P : Non, pas obligatoirement. Je ne suis pas particulièrement féministe. J’ai l’habitude de dire que je ne suis pas MLF mais MLH (Mouvement de libération des hommes), un peu par réaction. Je pense qu’il y a des hommes et des femmes bien quelque soit leur sexe.

« Jacques Peyrat est un homme d’une intégrité notoire, d’une générosité vis-à-vis des autres et en particulier des Niçois et d’une grande intelligence. »

NP : Si je vous dis Charles Aznavour, Henri Verneuil, Robert Guédiguian, , Sarkis, Alain Prost ou Youri Djorkaeff ? C’est l’année de l’Arménie à Nice et en France, que vous évoque ce pays ?

juliana_chichmanian-delpy_2.jpg J C-P : Il m’évoque ma moitié arménienne puisque mon père était Arménien, et j’en suis fière. Je suis aussi une particularité : mon autre moitié est slave car ma mère était Croate. Même si je sais très bien compter puisque j’ai le portefeuille des finances, j’ai une troisième moitié car je suis née pendant que l’Algérie était un département Français. J’ai été marquée par la Guerre d’Algérie. A 13 ans, je suis rentrée brutalement en France dans cet exode du 30 juin 1962. Je suis donc un peu pied-noir. Et je suis depuis quarante ans Niçoise. Ma quatrième moitié est Niçoise. J’ai fait mes études au Lycée Calmette puis à la Faculté de Nice, puis avocat durant trente ans sur l’Avenue Jean Médecin.

L’Arménie, c’est, pour moi, un très beau petit pays. Cette année, « L’Arménie mon Ami » est quelque chose d’exceptionnel. J’ai assisté en direct à la télévision à l’inauguration à Erevan de la Place de France par les présidents Kotcharian et Chirac. A Nice, il y a une quantité considérable de manifestations prévues pour cette année.

Quand on connaît les Arméniens, on sait que leurs noms se terminent par -ian qui signifie « fils de ». Quand on connaît plus, on sait que Verneuil est 100% Arménien, Prost par sa mère et Djorkaeff. Il y en a d’autres. Il y a aussi : le président d’Alcatel, Patrick Devedjian. La diaspora est plus importante que les Arméniens eux-mêmes ou presque. Il y a 3,5 millions d’Arméniens en Arménie, 1,5 million au Canada et Etats-Unis car ils ont beaucoup immigré à la fois du temps du génocide mais aussi après. Tous les Arméniens d’Istanbul sont partis au Canada. Il y a 500 000 Arméniens en France et 4 000 à Nice.

NP : Avez-vous eu l’occasion de vous rendre en Arménie ?

J C-P : Non, jamais. Je n’en ai pas encore eu l’opportunité. J’irais dès que j’en aurai l’occasion. Mes occupations personnelles, professionnelles et familiales ne m’ont pas conduite à aller là-bas. Malheureusement, mon père est mort lorsque j’avais 23 ans et je n’ai pas eu à cette occasion l’opportunité d’aller en Arménie.

NP : Monsieur Edvard Nalbandian, ambassadeur de la République d’Arménie en France a invité Jacques Peyrat. Êtes-vous également invitée ?

J C-P : Absolument. J’étais là lorsque Monsieur Nalbandian est venu à Nice faire l’ouverture et l’inauguration de l’année de l’Arménie à Nice. Il a invité Monsieur le Sénateur Maire et moi-même. Si nous avons l’opportunité de faire un voyage à Erevan, j’irais avec un immense plaisir et quelque émotion.

NP : Quelles seront les principales manifestations niçoises pour l’année de l’Arménie en France ?

J C-P : Il y a à Nice deux ou trois manifestations par mois de tous ordres : vernissage, projet pédagogique, expositions, concerts et la musique arménienne est fabuleuse, conférences, projection de film avec la présence de Gérard Kurdjian.
J’ai jeté mon dévolu sur la soirée du 6 février 2007 où à l’Opéra de Nice aura lieu un concert probablement très exceptionnel puisque l’Orchestre Philharmonique d’Erevan vient spécialement. Cet orchestre est magnifique, crée par un élève de Rimski-Korsakov. Il y a dans cet orchestre presque que des premiers prix des conservatoires de Moscou et de Saint-Pétersbourg car longtemps l’Arménie, par la force des choses, a eu des liens avec la Russie. Il y a d’excellents musiciens Arméniens.

NP : Pour finir, je vous pose la même question qu’à Dominique Estrosi : quel a été le déclic de votre engagement en politique ?

J C-P : C’est la rencontre avec Jacques Peyrat que je connaissais comme avocat depuis de nombreuses années. Un jour, il m’a demandé de participer à son équipe. J’ai accepté parce que je connaissais là un homme d’une intégrité notoire, d’une générosité vis-à-vis des autres et en particulier des Niçois et d’une grande intelligence. Il faut se rappeler qu’à l’époque, en 1995, c’était un groupe d’amis, qui sans étiquette, a décidé de prendre la ville. Jacques Peyrat a gagné des élections contre les grands mammouths des partis politiques.

NP : C’était un coup de foudre politique ?

J C-P : Oui. Une sorte de coup de foudre politique. Maintenant, je suis atteinte par ce vice politique parce que j’ai appris autre chose. C’est un métier magnifique même si je l’exerce dans l’ombre pour l’intérêt des Niçois, compte tenu des charges intellectuelles que j’ai.

NP : Est-ce que tout cela ne vous prend pas trop de temps et vous empêche de profiter un peu plus d’autre chose ?

J C-P : C’est vrai. Mais je suis quelqu’un de contractuelle. J’ai pris l’engagement de terminer aux côtés de Jacques Peyrat cette mandature, ce que je ferais jusqu’au bout. J’aurais d’autres ambitions après mais je ne sais pas dans quelles conditions. Mon temps est consacré à 80% pour la vie politique. Les 20% qui restent sont consacrés à ma famille et mes amis, et puis le sport. Tout le monde sait que je traverse la rade de Villefranche tous les jours été comme hiver, pas beaucoup l’hiver car je m’arrête en route. Je fais du sport pour éviter de taper dans un punching-ball.

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