On ne peut, sur le principe, que se féliciter de la Loi portant « organisation de la nouvelle Université » présentée récemment par la Ministre Valérie Pécresse. Attendu depuis la Loi Edgar Faure de 1968 qui annonçait l’autonomie sans la mettre véritablement en acte, ce texte, fruit d’une ultime concertation qui n’aura pas été de pure forme, devrait enfin permettre l’entrée de l’Enseignement supérieur dans l’ère d’une « gouvernance » modernisée, concept phare du Titre II inséré désormais dans le Code de l’Education.
Celle-ci demeure fondamentalement une affaire de personnes. Qui ne peut donc manquer de soulever une interrogation : l’autonomie souhaitable de l’Université devait-elle fondamentalement aboutir à la concentration des pouvoirs entre les mains de son Président ? Au risque, par exemple – et l’exemple est la chose même disait Freud – d’altérer, voire de remettre en cause une indépendance déjà acquise de droit par les Instituts Universitaires de Technologie. L’article 33 de la Loi du 26 janvier 1984 sur l’Enseignement supérieur accorde en effet à ces Instituts et Ecoles faisant partie des Universités, une « autonomie financière » pour les crédits et emplois « affectés directement » par les ministres compétents et ce, explique la Loi, afin de tenir compte des « exigences de leur développement ». Qu’en adviendra-t-il demain ? L’autonomie de l’Université pourrait-elle servir de prétexte pour remettre également en cause l’Arrêté d’août 2005 qui ouvre aux étudiants sortis de l’IUT la possibilité, pour les plus motivés d’entre eux, de poursuivre des études en Faculté ? Certes, tous les Présidents d’Université, comme cela est apparu lors de leur dernière Assemblée à La Rochelle, ne tiennent pas fort heureusement les IUT pour quantité « intellectuellement négligeable ». Il pourrait néanmoins être tentant pour certains d’entre eux, plutôt enclins à la condescendance vis-à-vis de ces « études courtes », de récupérer tout ou partie d’un budget dont les montants dépassent souvent ceux de plusieurs autres filières et disciplines regroupées ! Sentiment de jalousie entretenu par l’engouement « sonnant et trébuchant » des grandes entreprises, des banques et des assurances qui manifestent une nette préférence pour ces formations dispensées au sein de ces instituts et composées, selon leurs statuts, d’un savant équilibre entre études générales et préparation professionnelle. Equilibre récemment renforcé par la mise en place à la demande du Ministère de l’Education nationale d’un « Projet Professionnel Personnalisé » qui joint souci de performance et épanouissement humain.
S’ils devaient s’avérer, ces détournements du principe d’autonomie dans sa finalité constitueraient par surcroît un cocasse pied de nez adressé à la Ministre qui a bien pris soin d’inscrire officiellement dans le Titre premier consacré aux Missions des Universités, celle de « l’orientation et de l’insertion professionnelle ». Quels seraient alors les recours des IUT menacés, les uns par une redistribution de leur budget, les autres, de manière plus déguisée, par une « délocalisation » des établissements vers des zones périphériques urbaines peu attractives pour les étudiants ? Réaffirmer l’intangibilité de l’article 33 pourrait ainsi mettre les Présidents à l’abri d’éventuelles pressions exercées par les Doyens des Facultés. Autant de « problématiques » que la mise en œuvre de la nouvelle Loi aura la charge de résoudre. En attendant, on peut à tout le moins espérer que le souffle de cet « esprit managérial d’entreprise » censé se répandre dans les couloirs des Universités, évitera aux enseignants, titulaires comme vacataires, d’être en raison de « pannes informatiques » ou par simple manque d’argent, rémunérés à plus de 90 jours !