« Ne fais rien sans le temps car il ne te pardonnerait pas de l’avoir fait sans lui ». Tibétain selon les uns, chinois selon les autres, ce proverbe résume à lui seul la problématique de Pékin : contrôler au mieux son développement économique. Une série de faits et quelques chiffres illustreront le propos.
Il y a en premier lieu celui de la croissance du PIB chinois susceptible d’atteindre 9,8 % en 2008 malgré l’engagement des autorités de le maintenir en dessous de 7,5 % afin de sauvegarder l’environnement. A l’autre « bout de la chaîne » se tient la modeste famille Wu qui refuse l’expropriation et dont la maison de Chongqing (au centre-ouest de la Chine) se dresse, isolée, au milieu d’un terrain complètement rasé par les promoteurs. Un symbole d’autant plus fort que Mr et Mme Wu sont des adeptes des arts martiaux, ce qui ne manque pas de transformer leur courage de propriétaires en acte de résistance à l’urbanisation débridée.
Entre ces deux faits révélateurs, une série de nouvelles, pour cette seule semaine, à propos de l’activisme économique chinois. L’Empire du Milieu a dépassé pour la première fois en 2006 les Etats-Unis comme principal fournisseur de l’Union Européenne. Produits informatiques, Hi-fi et Télécoms ont constitué les trois premiers secteurs d’exportations chinoises, grevant au passage le déficit commercial de l’UE qui atteint 172,1 milliards d’Euros. Pour 2007, on s’attend à une hausse de 15 % des exportations de textiles chinois vers les pays occidentaux. Le récent salon international de l’automobile d’Alger, note un grand quotidien, a été envahi par une « myriade de marques chinoises, dont la liste est presque aussi longue que celles des constructeurs occidentaux, japonais et coréens installés de longue date dans le pays ». Inutile dans ces conditions, de s’étonner du doublement chaque année du nombre des exportations de voitures chinoises dans le monde. Sur un autre continent aussi gigantesque que celui de la Chine, le journal « Asia Times » relève l’inquiétude des autorités indiennes devant le plan chinois d’investir près de 1 milliard de dollars au sud du Sri-Lanka, sphère d’influence traditionnelle de New Delhi. Le projet de Pékin ? Construire sur cette route maritime stratégique une zone d’aménagement comprenant un port pour porte-conteneurs, un complexe pour le stockage et le raffinage des hydrocarbures…et un aéroport ! Décidément à l’aise dans la cour des plus grands, la Chine vient également de signer avec la Russie plusieurs contrats pour un montant de 4 milliards de dollars, avec de surcroît un « crédit chinois » en faveur d’une banque russe de 1 milliard de dollars supplémentaire. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, les autorités chinoises ont modifié leur législation leur permettant désormais de bloquer tout accord sur des investissements étrangers en Chine susceptible de fragiliser « la sécurité économique nationale ». Ce sursaut de « patriotisme économique » ne laisse pas d’interroger les sociétés étrangères, inquiètes des remises en cause de l’Eldorado chinois.
A 500 jours du début des jeux olympiques de Pékin, l’Empire du milieu s’apprête à publier et à distribuer à trois millions d’exemplaires un « Manuel du citoyen sur le civisme et le respect » destiné à compléter une campagne « sur la politesse » déjà lancée auprès des habitants de la capitale. Comme quoi, dans son activisme économique ou à l’intérieur de ses frontières, le meilleur ennemi de la Chine, c’est encore elle-même.