Les avis divergent sur les causes et les remèdes mais tous s’accordent sur le constat. Il y a, en premier lieu, les propos controversés de Fouad Alaoui, vice-Président de l’Union des Organisations Islamiques de France lors de son rassemblement annuel au Bourget, sur le « malaise » des musulmans. Un « malaise » dû, selon lui, à « l’aliénation inconditionnelle des autorités juives de notre pays aux côtés de l’oppresseur israélien ». Propos immédiatement dénoncés par le président du Crif, Richard Prasquier. Il existe, ensuite, l’augmentation relevée par « Le Monde » du nombre de contentieux entre musulmanes voilées et leurs employeurs du secteur public. L’on note, enfin, la véhémente contestation de l’autorité du Recteur de la Mosquée de Paris par le collectif pro palestinien « Cheikh Yassine ». Autant de signaux alarmants sur des risques de fracture grandissante entre juifs et musulmans au sein de la population française. Pour une fraction minoritaire des seconds, ces événements se doublent même d’une tentation de radicalisation. Phénomène évidemment aggravé par le dernier conflit israélo-palestinien de Gaza.
Ces éléments viennent relancer l’idée -Stéphanie Le Bars du « Monde » et Henri Tincq de www.slate.fr s’en sont fait récemment l’écho- d’un « Crif musulman », ou, afin d’éviter un voisinage sémantique jugé parfois « embarrassant », d’une « Fédération » regroupant les Français musulmans ou proches de cette « sensibilité » religieuse. En fait, un organisme national qui deviendrait un interlocuteur moins « politiquement fragile » que la Mosquée de Paris tout en affichant sa « complète complémentarité » avec le Conseil Français du Culte Musulman dans son dialogue avec l’Etat. Mais également avec toutes les autres religions. Si plusieurs projets co-existent, leurs finalités semblent néanmoins identiques : assurer, hors des questions cultuelles dont le CFCM et la Mosquée de Paris ont la charge, une meilleure représentation « culturelle » -un cache-sexe pour ne pas dire politique- des 5 millions de Musulmans vivant en France. A condition de pouvoir rassembler un islam aux multiples composantes : aux côtés des musulmans non pratiquants et des religieux modérés, moins enclins à se laisser enfermer dans une laïcité souvent perçue comme un obstacle à leur foi, il faudra aussi intégrer ceux qui choisissent des orientations plus radicales : « les jeunes musulmans dans une large majorité », affirme l’un des initiateurs des divers projets en cours, musulman lui-même et qui tient à conserver l’anonymat.
Qu’ils optent concurremment pour une Association, une Fédération ou une Fondation, leurs futurs responsables partagent en outre un même souci : privilégier des actions de proximité avec une priorité absolue accordée aux questions d’éducation et de logement, deux terrains nourris de frustrations sur lesquelles prospère un « islam radical et prosélyte ». Dans l’un des projets, provisoirement intitulé « Fédération nationale représentative des Français d’origine arabe ou de sensibilité musulmane », la rédaction d’une Charte entend promouvoir un « respect scrupuleux des lois de la République », selon l’un de ses animateurs, Azzédine Zaïm Bouamama, un industriel « engagé » qui aime à se définir lui-même comme « musulman laïc ». Susceptible d’étayer le développement de ses travaux sur ceux de l’Union Pour la Méditerranée, cette « Fédération » nationale entend, en outre, s’appuyer sur des relais régionaux destinés à favoriser l’intégration des musulmans de France, encore « trop liés », selon son concepteur, à leurs pays d’origine. Et de citer le Maroc, l’Algérie, l’Arabie saoudite et la Turquie dont certains représentants confondent parfois leur représentativité dans les Conseils régionaux du Culte musulman avec une « victoire politique » de leur Etat de provenance dans l’Hexagone. Autant « d’influences étrangères » relayées par des financements importants que ce nouvel organisme devra chercher à « canaliser » et dont il aura, par surcroît, l’obligation de vérifier, avec un « contrôle associé de l’Etat », la « bonne destination ». En clair, l’épineux problème de la construction des mosquées.
Si l’Elysée, on s’en doute, suit ce dossier avec une attention particulière, les autorités politiques de la région PACA, depuis longtemps impliquées dans la promotion d’un dialogue entre confessions, réfléchissent sur la possibilité d’une « expérience pilote », à même d’être étendue en cas de succès. Reste à surmonter un obstacle de taille : trouver la personnalité idoine qui bénéficierait à la fois d’une audience incontestée dans les multiples cercles musulmans et serait reconnue pour ses convictions inébranlables dans les principes républicains.