« Bé dar migam di var Beshnavé » : « je parle aux portes pour que les murs entendent » énonce une expression très populaire utilisée quotidiennement en Iran. Le président Ahmadinejad ne semble plus, quant à lui, entendre les messages qui lui sont indirectement adressés par les plus hauts dignitaires du clergé iranien. Peut-être ne reçoit-il exclusivement que les échos du Guide suprême de la révolution islamique, Ali Khamenei, lequel affirmait tout récemment « que seuls les ennemis de l’Iran tenaient la situation pour anormale »?
C’est pourtant bien l’inverse qui se passe : une accumulation spectaculaire d’événements qui tendent à placer l’Iran au cœur d’une future crise majeure. Et dont l’arraisonnement d’une vedette britannique dans les eaux territoriales controversées du Chatt-el-Arab et la détention de ses marins ne constituent pas le moindre des développements. De l’ancien Président iranien Hachemi Rafsandjani, au Général Safavi, Commandant des Gardiens de la révolution, en passant par les plus hauts dignitaires du clergé iranien, dont l’Ayatollah Saanei, les témoignages publics d’inquiétude et les mises en garde se multiplient. Lors d’une récente « Namaz Djomeh », la cérémonie de prière du vendredi à Qom, Youssef Saanei a publiquement fustigé les « incompétences », celles du Président iranien, avouant mezzo voce les dangers implicites qu’elles faisaient courir à l’ensemble du régime. Le religieux de Qom a notamment critiqué les attaques d’Ahmadinejad contre la Shoah. « L’Holocauste c’est de l’histoire, a expliqué Saanei. « Va-t-on changer l’histoire des nations ? ». Le Président iranien lui a directement répondu lors de l’entretien réalisé le 22 mars sur France 2. A la question du journaliste sur sa volonté de « rayer Israël de la carte », Ahmadinejad a simplement expliqué : « Où est l’Union soviétique ? elle a disparu non ? ».
La nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée à l’unanimité, prévoit de renforcer les sanctions contre la République islamique. Certes, à l’accoutumée, les représentants russe et chinois ont multiplié les adoucissements afin de ne pas trop brimer un partenaire commercial privilégié. Mais l’interdiction pour l’Iran d’exporter des armes – avec les conséquences possibles pour le Hezbollah libanais – et le gel des avoirs de 28 entités et personnalités iraniennes liées au programme nucléaire augmentent singulièrement les pressions sur Téhéran…et sur ses relations commerciales avec l’étranger. Lors de son voyage en Syrie le 15 mars dernier, le Haut Représentant pour la Politique Extérieure et de Sécurité Européenne, Javier Solana, a, de surcroît, rappelé au Président Bachar El Assad que son pays appartenait au monde arabe, non à celui de la « Perse ». Allusion à peine voilée aux désagréments plus qu’aux avantages qu’entraînait selon l’émissaire de l’Union, l’alliance indéfectible de Damas avec Téhéran. Si ce n’est pas une tentative d’isolement de l’Iran, cela y ressemble fortement.
Défection mystérieuse en Turquie d’un ancien responsable des Pasdarans, attaque du convoi du Président iranien lors d’un déplacement de celui-ci en province, perte massive de soutien aux dernières élections municipales, rumeurs – démenties par Moscou – de tensions entre la Russie et l’Iran sur la coopération à la centrale nucléaire de Bousher, hausse sensible des prix et augmentation du nombre de drogués reconnues par le régime, autant de signes symptomatiques à même d’alerter le Président iranien sur ses divers faux pas. Et sur l’urgente nécessité de changer de cap. Mahmoud Ahmadinejad ne devrait pas oublier qu’il ne reste qu’un laïc au pays du « Vélayat-e faqih », de la toute puissance du religieux.