On se préparait au pire. Inquiètes, les Chancelleries redoublaient d’efforts pour mener d’intenses consultations multilatérales et éviter un échec du G8. En début de semaine, de grands quotidiens français alimentaient dramatiquement la rumeur. L’un d’entre eux nous précisait la nature des menaces proférées par Vladimir Poutine, résolument décidé à « pointer ses missiles sur l’Europe » en représailles de l’installation d’un bouclier américain en Pologne et en Tchéquie. Un autre, certes plus nuancé, évoquait l’ambiance fébrile de « paix armée et d’équilibre de la terreur » susceptible de dominer le sommet des pays les plus riches de la planète. Entre-temps, la presse américaine réaffirmait le refus intransigeant du Président des Etats-Unis à s’engager sur les émissions de gaz à effet de serre, celle de Moscou fulminait contre la tentation permanente des Occidentaux de rabaisser les ambitions légitimes de la Grande Russie. De son côté, Paris se faisait un malin plaisir de rappeler la fermeté des déclarations de campagne du nouveau Président de la République sur les manquements aux droits de l’homme à Moscou et en Tchétchénie et semblait préparer nos compatriotes à de probables « échanges vifs et francs » entre les deux hommes d’Etat.
Et le miracle eut lieu. La douceur printanière dans cette petite station balnéaire de la Baltique a pu jouer positivement si l’on veut, à court d’explications rationnelles, se référer à la théorie des climats de Charles de Montesquieu. La veste de tailleur vert pomme de la Chancelière allemande aura sans doute fait le reste. Mi-médusée, mi-satisfaite, une partie du monde découvrait ceux qui étaient supposés en découdre, se balader bras dessus, bras dessous, tout sourire et échanger, dans une atmosphère bon enfant, moult plaisanteries de gamins pour in fine s’entendre officiellement sur – presque – tout. Bon public, on ne demande qu’à y croire.
La stratégie médiatique aura été la même pour une grande part des Chefs d’Etat et de Gouvernement participant à ce sommet. Monter en épingle les difficultés, annoncer la catastrophe pour mieux s’enorgueillir d’un mince succès. Ce n’est pas vraiment la nouvelle façon de faire de la politique qu’on attendait. Le réalisme et l’authenticité se seraient retrouvés dans davantage de nuances sur les préparatifs du sommet lesquels auraient permis plus de modestie et de crédibilité dans l’annonce de ses résultats. Après tout, même s’il n’est pas contraignant, l’objectif chiffré de réduction substantielle des gaz à effet de serre et le doublement des aides au développement et à la lutte contre les grandes pandémies représentent des avancées hautement respectables. Mais il y a fort à parier que, dans quelques jours ou quelques semaines, le dénouement heureux qui renverse classiquement tout drame en comédie, ne connaisse des déconvenues. Le dossier du Kosovo, celui de l’aide à l’Afrique ou du nucléaire iranien, sans parler des crises militaires à même d’envenimer la scène internationale pourraient venir jeter un voile sur cette apparente embellie. Faisons toutefois confiance aux stratèges des images politiques pour exploiter au mieux la situation, présenter comme un triomphe ce qui n’est qu’un demi-succès et faire tenir aux vaincus, comme le disait Sénèque, des « discours de héros ».