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21 novembre 2024

L’Edito du Psy – Nicolas Sarkozy : diplomatie économique « sans tabou ».

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bobine-58.jpgCertains dans son entourage s’inquiètent, d’autres avouent même leur « trouble ». En téléphonant au Président de la Fédération de Russie pour, selon une expression non démentie depuis par l’Elysée, « féliciter chaleureusement » Vladimir Poutine le lendemain des élections législatives, Nicolas Sarkozy n’a pas manqué d’étonner. D’autant plus qu’au même moment, le Président américain et la Chancelière allemande joignaient également le puissant maître du Kremlin mais pour lui exprimer cette fois-ci leurs insatisfactions, doublées de leur inquiétude, sur les conditions peu démocratiques qui présidèrent au déroulement de ce scrutin. On peut, par surcroît, s’interroger sur la ligne choisie par le président après son voyage en Libye, au Maroc, en Chine ou en Algérie, des pays qui ne sont pas des parangons de vertu démocratique. Que penser, en outre, des contacts multiples initiés par l’Elysée, avec le président Hafez el Assad, susceptibles de réintroduire la Syrie dans un jeu international dont elle avait été à grand peine exclue, et au prétexte de trouver une issue à la crise libanaise ? Avec les résultats décevants que l’on sait.

Il est vrai qu’en comparaison, la scène mondiale offre nombre d’exemples bien plus outranciers de cynisme politique : au Gabon, le président Omar Bongo, sans trop se poser de questions sur l’avenir et la stabilité du pays, se félicite après quarante années d’un pouvoir exercé sans partage ; au Venezuela, le président Hugo Chavez tente -en vain fort heureusement- un forçage constitutionnel destiné à lui permettre de conserver son poste toute sa vie ; en Russie, le président Poutine tient benoîtement pour « légitimes » des élections qui ne le sont manifestement pas ; Au Pakistan, Pervez Musharraf exulte en déclarant que c’est « la première fois qu’un régime pleinement démocratique est mis en place » dans le pays. Il est vrai aussi que le réalisme prévaut au sein de l’Union européenne : le président de la Commission José Manuel Barroso n’a-t-il pas donné le ton au sommet UE-Afrique de Lisbonne en expliquant que s’il fallait discuter avec les seuls pays qui respectent les droits de l’homme, l’UE « n’assisterait plus à beaucoup de conférences internationales ».

Faut-il pour autant accepter sans sourciller les assauts d’amabilité du président français à l’égard de tous ses hôtes aux réputations passablement ternies ? Marques d’estime et d’amitié encore plus incompréhensibles à la lumière des déclarations du candidat Sarkozy pendant sa campagne électorale sur une « nouvelle présidence consacrée aux droits de l’homme ». Mais, entre-temps, le choc de confiance n’a pas eu lieu et la croissance n’est pas au rendez-vous. Il y avait donc urgence pour le chef de l’Etat à trouver une autre issue : celle de la diplomatie économique « sans tabou », selon le nouveau mot d’ordre élyséen.

Le cas syrien mis à part, aux interrogations les plus exigeantes formulées sur sa politique étrangère, Nicolas Sarkozy a ainsi apporté – qu’elles convainquent ou non – les réponses les plus « sonnantes et trébuchantes » : des milliards d’euros de contrat. La visite à Paris -hautement controversée- de Muammar Al-Kadhafi s’inscrit dans cette stratégie de substitution. Celle-ci ne résoudra certes en rien la question des six mandats d’arrêt internationaux qui pèsent sur de hauts responsables libyens condamnés par contumace par la justice française dans l’attentat contre le DC10 d’UTA en 1989. Mais elle intervient à point nommé : les géants mondiaux du gaz se disputent ces jours-ci les premiers blocs de prospection dans ce pays. Sans parler de la signature probable d’importants contrats dans le domaine de l’armement et du nucléaire civil.

Reste les mystérieuses « félicitations » adressées au chef du Kremlin. La réponse -purement commerciale- est venue samedi soir. Renault, en concurrence sur ce dossier avec General Motors et Fiat, va devenir le partenaire exclusif du groupe Avtovaz, producteur à 80% des automobiles russes, et bien connu pour sa marque emblématique Lada. L’accord, signé samedi 8 décembre, prévoit selon un grand quotidien, l’entrée prochaine de Renault à hauteur de 25 % dans le capital d’Avtovaz, permettant ainsi au constructeur français d’atteindre quelque 40 % de parts du marché russe de l’automobile. Avec pour ancien patron du groupe, un proche de Vladimir Poutine, nommé par ce dernier Gouverneur de la région de Samara et promu récemment tête de la liste du Parti favorable au Kremlin « Russie Unie» lors des élections, un coup de fil n’était donc pas superflu.

Cette diplomatie économique tous azimuts du président français, au mépris de grands principes dont il aurait dû, dans ce cas, faire l’économie d’annonce pendant sa campagne, vient rappeler la nécessité, dans le monde d’après 1989, du « double-track approach », un double standard de relations internationales, fonction des situations politiques et des enjeux économiques. Les Nations, comme l’on sait depuis Saint-Just dans ses « Fragments sur les institutions républicaines » de 1793, « n’ont pas d’alliées, elles n’ont que des intérêts ».

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