Stratégie de communication rime-t-elle imparfaitement avec pouvoir politique ? On pourrait le penser après l’avalanche de commentaires pas toujours amènes parus dans le prolongement du nouveau passage du président de la République sur TF1 et France 2. Pour les plus critiques d’entre eux, la thèse se résume ainsi : artefact de l’hyperprésidence instaurée par le chef de l’Etat, la « saturation » médiatique des journalistes, de surcroît savamment orchestrée par ses collaborateurs, viendrait révéler et compenser la vacuité de son action politique.
S’il est pourtant un reproche particulièrement difficile à adresser au locataire de l’Elysée, c’est bien celui de ne pas décider et de ne pas agir. Habitués peut-être depuis trop longtemps aux responsables politiques plus enclins au mode de la gestion, à une adaptation souvent passive de leur programme aux conditions dictées par l’environnement, à une pugnacité digne, lorsqu’elle ne concerne pas leur carrière, de celle d’une « violette tapie dans la mousse », les Français semblent redécouvrir que la « décision » demeure l’acte politique par excellence. Manifestation d’une volonté qui s’impose, « elle se fait pouvoir en renonçant aux hésitations du savoir » expliquent doctement les politologues. En ce sens, elle s’inscrit parfaitement dans la philosophie de « rupture », notamment celle d’une délibération qui autrement serait sans fin, énoncée régulièrement par le chef de l’Etat. Demander à ses ministres, comme l’a fait publiquement Nicolas Sarkozy devant les caméras, de rester fidèles à leurs idées et de ne pas hésiter à les exprimer – sans toutefois remettre en question son programme – procède du même esprit. Un ancien Premier ministre ne se plaisait-il pas à effectuer devant son entourage ce simple constat: « en temps ordinaire, disait-il, Matignon prend « soixante décisions stratégiques par jour ». Celles-ci engagent l’avenir du pays « bien au-delà d’un simple mandat ».
En ce sens, la minutieuse stratégie de communication imaginée par l’équipe présidentielle n’ajoute ni ne retranche, comme l’on dit, rien à l’affaire. Les outils de la mise en scène ne sauraient altérer la substance de la décision. L’ « action pure », une action pour elle-même, reviendrait au nihilisme, indifférent aux contingences du moment, voire de l’histoire. Le réalisme sarkozien se situe à l’exact opposé. Tout au plus peut-on admettre, compte tenu des domaines sensibles où la décision intervient, que le travail formel sur sa présentation tend à « adoucir » dans l’opinion les effets supposés de sa mise en œuvre.
Mais tout le monde ne s’appelle pas Nicolas Sarkozy. Il suffit d’observer le quotidien de la vie politique pour apercevoir en filigrane le danger subséquent à l’activisme du Président : la tétanisation de son entourage dépossédé en quelque sorte d’une capacité à relayer, au-delà de la visibilité du seul vote parlementaire, l’impulsion élyséenne. Au risque de freiner, voire bloquer, l’ensemble de la dynamique présidentielle.