Gouverner, dit-on, c’est prévoir. Les responsables politiques qui font mine de réaliser, avec autant d’acuité que de soudaineté, l’état lamentable de la planète, ne nous confortent pas dans un optimisme débordant sur les années à venir. Certes, Paris, la presse s’en est fait quotidiennement l’écho, peut se féliciter d’avoir accueilli la réunion du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat. Ce groupe mandaté officiellement par l’ONU et dont le rapport semble spécialement destiné aux « décideurs », prévoit un réchauffement inéluctable de la planète jusqu’à 4 degrés « en raison des activités humaines depuis…1750 »! Les dégradations infligées par une société à son environnement ne datent donc pas d’aujourd’hui. Il suffit pour s’en convaincre de lire – ou de relire pour les internautes assidus de Nice-Premium – l’ouvrage de Jared Diamond (voir www.nice-premium.com du 29 septembre 2006 : https://www.nicepremium.fr/article/-effondrement-comprendre-le-destin-des-societes.1172.html ) sur la manière dont les sociétés, par leurs attitudes culturelles et leurs orientations politiques, décident de leur disparition ou de leur survie.
La consécration, visible à partir de 1989, d’une mondialisation qui donnait le sentiment d’un affranchissement total de l’économie de sa tutelle politique aurait pu être de nature à alerter les dirigeants des nations. Dès lors que l’on a découvert – ou qu’on a feint de le faire – l’illusion de la toute puissance économique, dès lors qu’est apparue sa dépendance envers des facteurs énergétiques et des problématiques de l’environnement, l’on s‘est vivement s’inquiété des conséquences… pour la croissance. Car tel est bien l’enjeu. Qui oserait aujourd’hui contraindre – et par quels moyens de surcroît ? – la Chine ou l’Inde de limiter leur expansion pour éviter une catastrophe climatique ? Difficilement envisageable sur le plan éthique – une telle idée reviendrait à maintenir des populations entières dans l’exclusion et à s‘accommoder des inégalités existantes, le fait de l’imposer autrement par une instance internationale reviendrait à une pure utopie militariste. N’en déplaise à ceux qui veulent, à l’image de l’Unesco ou de l’OMS, regrouper toutes les agences de l’environnement dans une structure onusienne spécialisée, l’exemple édifiant des ratages de l’OMC à laquelle cette nouvelle agence serait indirectement liée par ses effets, n’augure pas forcément du bon exemple de la coopération internationale.
Dans une tribune du « Figaro », l’ancien Ministre Claude Allègre, personnage toujours controversé mais jamais à court de chiffres et d’idées, explique que la signature par les Etats-Unis du protocole de Kyoto pénaliserait « l’économie américaine de 370 milliards de dollars et d’un million de chômeurs ». A destination de ses compatriotes, il ajoute que des mesures écologiques draconiennes en France « créeraient mécaniquement 200 000 chômeurs par an ». On devine le dilemme des candidats à l’élection présidentielle. On distingue effectivement encore très mal la visibilité des emplois susceptibles d’être offerts par ces mesures favorables à la sauvegarde de la planète. Le réflexe citoyen des 3 millions de Français qui ont éteint leur lumière pendant 5 minutes le jeudi 1er février est inversement proportionnel à la complexité des enjeux. Autant dire qu’il est aussi sublime dans le symbole que dérisoire dans ses conséquences techniques. Un ingénieur du Conseil Général des Alpes-Maritimes n’expliquait-il pas récemment dans un colloque du CERCOM sur l’environnement que la région de Nice pourrait manquer d’électricité en été ? La raison ? le refus par le Conseil d’Etat, certes argumenté écologiquement, de laisser construire la ligne à très haute tension de « Boutre, le Broc, Carros ». Victoire particulièrement ambiguë de l’environnement sur les populations !
Seules les découvertes technologiques sur les énergies renouvelables, doublées d’une communication sans faille à l’échelle mondiale sur les expériences en la matière et dont les prolongements seraient susceptibles de profiter immédiatement à tous, pourraient réduire les risques d’une catastrophe. Encore conviendrait-il de s’épargner, à l’image du domaine de la construction automobile, les âpres concurrences industrielles, enjeux nationaux toujours sensibles au point de freiner ces nécessaires avancées politiques.