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22 novembre 2024

L’Edito du Psy- Travailler plus pour jouer plus !

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jpg_bobine2008-72.jpgLe chiffre fait froid dans le dos : en 2009, les Français ont, selon une étude de l’Agence France-Presse, dépensé chaque jour la somme record de 59,1 millions d’euros pour les jeux de hasard : une augmentation au quotidien de plus de 10 millions d’euros en sept ans. Qu’en penser ?

On ne saurait tout d’abord user de la morale pour blâmer ceux et celles qui se réfugient dans le rêve éveillé : tout délire, on le sait, est une tentative de guérison. Déjà si difficile à trouver, le délicat équilibre entre « principe de réalité » et « principe de plaisir » semble depuis fort longtemps dans nos sociétés rompu au bénéfice exclusif du premier. D’une indicible dureté pour certains, ce réel n’offre par surcroît que peu de moyens pour l’appréhender. En clair, l’être humain se sent, à tort ou à raison, de plus en plus désarmé pour l’affronter. Il en va certainement ainsi pour 76% des Français qui, selon le Journal du Dimanche, « craignent une retraite insuffisante » tandis qu’une large majorité d’entre eux « estime désormais nécessaire de travailler au-delà de 60 ans ». D’ordinaire salvatrice, la projection dans l’avenir ne parvient plus à rendre le présent acceptable.

La tentation d’échapper à ce triste sort dans le jeu apparaît d’autant plus compréhensible qu’elle est en outre portée par les écarts croissants de revenus : les riches deviennent plus riches et les pauvres le sont plus encore. Problématique, cette situation l’est davantage dans ses prolongements -la visibilité extrême, sinon l’étalage dans les alléchantes vitrines du consumérisme- qui attisent les jalousies et suscitent les convoitises. La crise bancaire et ses montants astronomiques illustrent plutôt qu’ils ne précèdent le phénomène: quelle différence finalement, sinon celle d’échelle, entre l’investissement financier à haut risque en milliards et un billet de loto à quelques euros ?

Alors que la satisfaction terrestre des adultes semble hors de portée, le rapport au jeu d’argent et de hasard permet, à moindre frais si l’on ose dire, de replonger dans le monde merveilleux de la pensée magique : manifestation de la toute puissance de l’enfance, l’achat du billet de la Française des jeux ou du ticket de PMU offre en guise d’unique bonheur l’intervalle qui précède l’annonce incontestable d’un résultat forcément désolant. Un délai suffisamment long pour y puiser quelques heures de répit à la désespérance humaine mais assez court pour ne pas laisser se développer un imaginaire aux conséquences violentes s’il venait à prendre racine. Tout est dans le minutage. Ce dernier invite d’ailleurs à la répétition de l’acte: à dose homéopathique, le jeu détourne le malaise mais ne le détruit pas. Une addiction bienveillante : les « accrocs » au poker sur Internet ou dans les salles aux lumières tamisées des casinos en savent quelque chose.

Le jeu ouvre un champ des possibles. Il déchire l’épais voile du temporel et fait voler en éclat le rempart de l’inaccessible. Il consacre le tout d’un corollaire inconscient : l’interdit. Il offre un marchepied compensateur à la réalisation de la jouissance : le pot de confiture est toujours rangé dans le placard du haut. Le temps de la course à bride abattue ou du tournoiement des boules dans leur sphère transparente, il fait goûter aux délices de l’exaltation, pimente l’inconnu de la passion et ranime la flamme de l’extraordinaire. Peu importe l’illusion, le mécanisme procède de la croyance : cinquante-cinq minutes de doute, quelques secondes de certitude pour plagier Bernanos. L’instant ludique interrompt l’écoulement inaltérable du cycle de la vie, il introduit une variable aléatoire dans l’algorithme de la monotonie routinière. Le rapport à l’argent complète le mécanisme : de par son origine, fruit du labeur durement acquis, l’argent se dote d’une valeur exceptionnelle, d’un pouvoir surnaturel. Celui-ci participe de cette magie en disproportionnant le montant espéré du gain et la modicité de la somme engagée. Tout peut arriver : le locataire se voit propriétaire, le salarié s’invente entrepreneur, le solitaire se fait de « nouveaux amis ». Le mortel croit accéder à l’Olympe. Les Dieux, eux aussi, vont s’amuser pour l’éternité.

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