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21 novembre 2024

L’Edito du Psy : Turquie : Atatürk contre Allah ?

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bobine-33.jpgFaut-il véritablement se réjouir de l’interruption du processus électoral qui devait mener à la présidence de la Turquie Abdullah Gül, le candidat de l’AKP, le Parti islamique de la Justice et du Développement ? Certes, les forces d’opposition laïques et nationalistes d’inspiration kémalistes ont applaudi à la décision de la Cour constitutionnelle exigeant la présence, lors du scrutin parlementaire désignant le chef de l’Etat, de deux tiers des Députés. Certes encore, les centaines de milliers de manifestants qui, d’Ankara à Istanbul, se mobilisent contre l’AKP depuis plusieurs semaines ont – apparemment – obtenu gain de cause. Enfin, l’arrêt de la Cour éloigne – provisoirement – le spectre d’un coup d’Etat militaire aux conséquences politiques régionales aussi incertaines qu’économiquement désastreuses pour le pays.

L’annonce d’élections législatives anticipées pour le 22 juillet prochain a même été saluée comme un dénouement de la crise. Il n’en est rien. Celle-ci est simplement reportée à l’été où la situation risque de se tendre davantage : les amendements constitutionnels susceptibles d’être votés d’ici là par la majorité parlementaire de l’AKP (l’abaissement à 25 ans de l’âge d’éligibilité des Députés, voire l’élection du Président au suffrage universel direct) lui permettront de s’appuyer davantage sur sa base électorale, déjà solidement établie dans le pays. Il sera donc encore plus difficile aux partisans d’Atatürk de s’opposer, après ce nouveau scrutin, aux manœuvres des « islamistes » dont la légitimité en sortira probablement renforcée. De même, l’Armée turque, dernier verrou du Kémalisme d’origine, n’aura pas d’autre choix après celui de la publication maladroite de son « mémorandum de minuit », un ultimatum à peine déguisé, de passer à l’acte si elle tient à conserver sa crédibilité.

Tout ce scénario n’est pas sans rappeler celui de l’Algérie où, au début des années 90, l’arrivée imminente au Parlement des islamistes du FIS après leurs premiers succès locaux, avait été bloquée par la haute hiérarchie militaire. Avec les conséquences que l’on sait. Dans le pays même comme à l’étranger.

Rapporté par « Le Monde « et « Arte Infos », le soutien officiel donné au Ministre turc des affaires étrangères par le Haut Représentant de l’UE, Javier Solana revêt dans ces conditions une portée politique essentielle. Plus prompt à s’inquiéter des menées de l’armée turque que de l’islamisme supposé ou réel de l’AKP, Bruxelles estime sans doute ces blocages de nature à nourrir le jeu des extrémistes et manifeste ainsi sa préférence pour laisser le parti gouvernemental accéder au pouvoir suprême: cela aura au moins le mérite de la clarté et offrira l’avantage aux Européens de juger sur pièces. L’exercice des responsabilités présidentielles, lesquelles permettent au chef de l’Etat d’opposer son veto aux lois et de nommer la haute fonction publique, serait à même, dans cette hypothèse, de renforcer la modération des « Islamistes ». A condition qu’il persiste dans ses intentions, l’actuel candidat confirmerait-t-il dans ses futures décisions des propos tenus publiquement sur « l’Islam comme mode de vie » à imposer en Turquie ou la présentation de « l’athéisme des militaires et des élites laïques comme un ennemi de la religion » ? Soutiendrait-t-il encore, au grand dam des Kémalistes, son épouse « voilée » dans le procès qu’elle avait intenté devant la Cour Européenne des droits de l’homme, contre les pratiques de la République turque qui en interdit le port dans les Universités ? On le devine, cette orientation européenne, si elle était confirmée par l’UE, demeure un pari aussi audacieux que spéculatif. Et non sans risque pour l’avenir de ses vingt-sept Etats membres.

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