L’Union pour un Mouvement Populaire tiendra-t-elle jusqu’en 2012 ? Certains des cadres, membres et sympathisants de l’UMP se posent ouvertement la question bien au-delà de la récente désignation du Député-Maire de Nice venu compléter, à la demande du Président de la république, une équipe de Secrétaires Généraux adjoints, déjà formée par le Ministre du travail Xavier Bertrand et sa collègue Secrétaire d’Etat chargé de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Une série de nominations destinées aussi bien, admet-on discrètement rue La Boétie, à encadrer le Secrétaire Général en titre Patrick Devedjian qu’à « marquer à la culotte » les ambitions à peine voilées du chef du groupe UMP à l’Assemblée Nationale Jean-François Copé, meneur de jeunes parlementaires frondeurs et jusqu’au-boutistes dans la « rupture ». « Nous ne sommes pas des gamins et nous n’avons pas non plus vocation à devenir des porte-parole de l’Elysée », rapporte d’ailleurs l’un d’entre eux au quotidien Libération.
De simples formules en petites phrases, de « prises de distance » en « rappels à la différence », il devient difficile pour l’Elysée d’ignorer la multiplication de ces inquiétants signaux. D’où probablement la volonté présidentielle de poursuivre une énergique reprise en main. Si les turbulences causées par les jeunes générations peuvent être facilement jugulées, il en va autrement pour les ténors du parti qui passent, si l’on ose dire, de la parole aux actes en réinvestissant, autre indice sérieux du malaise, d’anciennes structures susceptibles de leur fournir un tremplin et une audience dont ils s’estiment désormais privés à l’UMP.
Les déclarations du vice-Président de l’UMP Jean-Pierre Raffarin sur « la prime excessive à la critique », « la direction pléthorique » et les risques sur la « diversité » du mouvement en guise de commentaires au retour de Christian Estrosi dans les instances dirigeantes viennent ainsi singulièrement contredire ce que l’ancien Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer qualifie lui-même de « place naturelle au sein de sa famille politique ». Lorsqu’il considère qu’une « UMP monolithique est une UMP fragile », le Sénateur de la Vienne apporte par surcroît de l’eau au moulin de Michèle Alliot-Marie laquelle a décidé de relancer le « Chêne », un mouvement de réflexion politique qu’elle avait créé en 2006. Considérant que le « gaullisme n’avait jamais été une seule tête sur une seule ligne », la Ministre de l’intérieur s’apprête à rendre publique sa « Charte » sur ce thème afin que ses « valeurs » puissent « s’exprimer haut et clair ». Une manière de dire que l’UMP ne lui donne pas entière satisfaction dans ce domaine. Un « gaullisme qui n’est pas mort » non plus, selon l’ancien premier Ministre Alain Juppé, décidé pour sa part à faire entendre « ses inquiétudes » sur la politique de défense élaborée par le Président. Le Maire de Bordeaux s’appuie quant à lui sur la Fondation pour l’Innovation Politique. Fondée en 2002 par Jérôme Monot comme laboratoire d’idée de l’UMP, cette structure fut écartée en 2004 avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête du parti. Plus modestement mais dans une même logique, la Ministre du logement Christine Boutin souhaite redonner une impulsion à sa formation créée en 2002, le Forum des Républicains Sociaux, regrettant elle aussi que l’UMP soit « en train de retrouver les traits de l’ancien RPR », ruinant les espoirs de « garantir la liberté d’expression de toutes les sensibilités ». Démarche imitée par le CNI dont le Conseil national a déclaré vouloir reprendre « son entière indépendance » à l’égard du parti majoritaire.
Alors que Nicolas Sarkozy s’était efforcé, pendant sa campagne électorale, de répondre à l’aspiration de nombreux militants pour faire de l’UMP une formation politique moderne et ouverte sur la société civile, force est de constater un an après son élection que les vieux symptômes du parti conservateur français ont la vie dure. Certes, ce n’est pas encore l’hallali. Mais la persistance de la faible popularité du Président de la république ne peut que réveiller des ambitions jusqu’alors endormies. Accusé par certains au sein de l’UMP de se comporter en « César », Nicolas Sarkozy peut néanmoins demeurer confiant : il est encore prématuré de se demander qui osera jouer le rôle symbolique de Brutus.