Depuis que les habitants du 42 rue Trachel se sont opposé au projet de la municipalité, en cela supportés par l’opposition qui n’a pas manqué l’occasion de créer une difficulté à Christian Estrosi et avec le soutien de 2000 personnes environ qui ont signé une pétition, chaque partie avance ses pions dans l’espoir d’obliger l’autre à l’erreur.
La municipalité se cache derrière le résultat de l’enquête publique qui, à ce jour, n’est pas encore connue. Les protestataires, eux, se sont réunis dans un comité et ont reçu l’aide de l’association Anticor 06 qui est passé directement à l’attaque en choisissant les manières fortes : Le recours à l’autorité judiciaire.
« L’affaire » a retenu l’attention de la presse locale et nationale*.
La justice répondra en lieu et temps mais deux commentaires s’imposent :
Le premier : Que madame et monsieur Benchimol possèdent des propriétés immobilières dans cet endroit, c’est leur droit. Si la chose avait été rendue publique au cours du processus décisionnel , on éviterai de lui donner l’allure d’un secret qu’on veut cacher à d’autres fins. La transparence quand on est un sujet public est dans l’intérêt de tous et devrait être une règle que chacun applique à soi-même.
Le second : M. Benchimol a déclaré ne rien savoir des délibérations votées par procurations en son absence. Comment peut-il penser être cru ? Il reçoit et lit les documents concernant l’ordre du jour ? Où vit-il… sur la lune ?
Dans l’attente de l’évolution de la situation, une chose est certaine : Ce dossier n’est pas prêt d’être clos.
Jean-Christophe Picard représentant de l’association Anticor 06, a déposé plainte contre Daniel Benchimol, adjoint au maire, pour « prise illégale d’intérêt ».
« En étudiant ce dossier, j’ai remarqué que le futur espace vert se situerait devant les fenêtres de biens appartenant à M. Daniel Benchimol et son épouse. Ces appartements ne seront pas démolis et ils vont incontestablement prendre de la valeur. »
« C’est une plainte tout à fait fantasque qui ne repose sur rien », rétorque Daniel Benchimol avant d’annoncer avoir demandé à son conseil « de poursuivre dès aujourd’hui M. Picard pour dénonciation calomnieuse ».
Pour mémoire:
Le 21 septembre 2012, la métropole Nice Côte d’Azur a lancé un projet de rénovation urbaine qualifié d’« ubuesque » par la presse [1]. En effet, l’opération consiste à raser des immeubles pour construire un square… et à raser un square pour construire des immeubles !
Dans ce contexte, les riverains concernés, notamment ceux qui habitent au 42 bis rue Trachel, ont fait part de leur légitime mécontentement. En guise de réponse, Christian Estrosi, le président de la métropole, les a aimablement traité de « Schtroumpfs grognons ».
Dans tous les cas, s’il y a un riverain qui ne se plaint pas, c’est Daniel Benchimol ! En effet, l’adjoint au maire de Nice et son épouse possèdent plusieurs biens immobiliers ( 27 appartements) au 24 rue Dabray. Par une heureuse coïncidence, ces deux « Schtroumpfs chanceux » sont épargnés par le projet. Mieux : leurs nombreux appartements vont significativement prendre de la valeur puisque ce sont les immeubles situés juste en face qui vont être rasés pour laisser la place au nouveau square…
Seul petit problème, Daniel Benchimol, en sa qualité de conseiller métropolitain de Nice Côte d’Azur, a participé à l’adoption des trois délibérations à l’origine de cette opération puisqu’il a donné pouvoir à M. Lauriano Azinheirinha.
Or, « le fait […] par une personne investie d’un mandat électif public de prendre […], directement ou indirectement, un intérêt quelconque […] dans une opération dont elle a […] la charge d’assurer la surveillance […] est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende » [2]. Et la jurisprudence a pris soin de préciser que le délit était constitué même si l’élu intéressé « donne procuration à un autre élu afin qu’il prenne part à la délibération » [3].
C’est en partant de ces considérations que Anticor 06 a porté plainte.
[1] Cf. « Christian Estrosi et les Schtroumpfs grognons », L’Humanité, le 23 février 2013.
[2] « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende » (article 432-12 du code pénal).
[3] « Attendu que, pour déclarer François X… coupable de prise illégale d’intérêts, la cour d’appel relève, notamment, que l’intéressé, conseiller territorial de Corse, a donné procuration à un autre élu afin qu’il prenne part à la délibération du 16 mai 1994 ; Attendu qu’en l’état de ces seuls motifs, la cour d’appel a justifié sa décision ; » (Cour de cassation, chambre criminelle du 10 avril 2002, Mosconi, n° 01-84.286).