Lors du dernier Conseil Métropolitain du vendredi 13 avril dernier, le conseiller Marouane Bouloudhnine (également conseiller municipal subdélégué à la santé et à la jeunesse) a provoqué la surprise en se démarquant deux fois de la majorité à laquelle il appartient et de fait, de son chef de file, Christian Estrosi. Sa motivation ? « Un fonctionnement autocratique. Lorsque nous siégeons en commission tout est déjà bouclé. On est là juste pour lever la main. Ce fonctionnement je ne l’accepte pas ».
Pour continuer: » Je reste dans la majorité mais rien ne peut m’empêcher de dire ma part de verité et de conserver ma liberté de penser. Il n’y a rien de personnel mais je ne suis pas un homme. Je suis avant tout l’intérêt général de ma ville, de la métropole. La question est pour moi d’être en accord avec ma conscience ».
Et terminer en disant: » Je ne resterai pas seul longtemps ».
Mais « l’homme » que Marouane Bouloudhnine ne veut pas suivre comme un automate, ne l’entend évidemment pas de la même manière.
Et dans la soirée même, les actes et paroles de Marouane Bouloudhnine ont eu une suite sans concession (voir communiqué dans l’encadré ci-dessous).
La dissidence de Marouane Bouloudhnine est donc sanctionnée avec l’expulsion (« exclusion » en langage politiquement correct) de son groupe politique.
Mais pourquoi Marouane Bouloudhnine, qui n’est, à notre connaissance, certainement pas dépourvu de capacité d’analyse logique, a pris une telle initiative qui ne pouvait qu’avoir une conclusion similaire ?
Exerçant une profession libérale dans la médecine, le conseiller municipal et métropolitain (ou devrait-on déjà dire, le futur ex-conseiller ?) n’est pas dépendant plus que ça du « système » politique. D’où, peut-être, certaines libertés de langage et de comportement que tout le monde ne peut se permettre sans occulter les risques qui vont avec.
Très engagé dans la prise en compte des droits et des devoirs de la citoyenneté des français musulmans ( il est fondateur et président national de l’association Mosaïc), on le sait aussi très présent dans la situation politique de son pays d’origine, la Tunisie, avec un souvenir très marqué de son activité en soutien de la Révolution des cyclamens ici à Nice.
Pour revenir à l’actualité, une rupture avec le « système » qui lui avait permis de rentrer dans la vie politique active et d’être élu, est un acte de courage. Aller contre le pouvoir en place est par contre un acte téméraire dont il faut savoir mesurer les conséquences.
Il y a pouvoir parce qu’il y a communauté (familiale, clanique, sociale , nationale) et représentation d’un intérêt commun qui exige le maintien de l’ordre. D’ailleurs, les paroles du président du groupe Nice Ensemble évoquent ces principes de manière précise avec un langage sans concession.
On a beau parler de démocratie que, souvent et à tort, on confond avec le droit de vote qui n’est qu’une simple modalité électorale. La démocratie (demos-kratos) ne l’oublions pas, signifie le pouvoir du peuple. Mais depuis l’origine de la pensée politique , il existe toutefois une exception à la puissance du kratos.
Aristote, qui refusait l’idéalisme de son maître Platon, distinguait ainsi trois régimes politiques: démocratie, aristocratie et monarchie. Les deux premiers dérivent du kratos, le pouvoir. Mais le troisième change de suffixe, arkheim, le commandement. Le pouvoir d’un seul diffère du pouvoir collectif. Ce n’est pas une simple affaire d’étymologie .
Marouane Bouloudhnine a fait son choix : Audentes fortuna juvat (nous rappelle Virgile dans l’Eneide).
Crédit photo : www.federationmosaic.com