A deux jours d’intervalle, le médecin Jean-Luc Morlino et le Maire sortant, Député suppléant de Jean-Claude Guibal pour la circonscription, Gérard Grosgogeat ont officiellement exprimé leur souhait de se présenter aux élections municipales à Villefranche sur mer. Samedi 1er décembre, la rue de la victoire dans le centre du Villefranche historique était bloquée pour permettre l’inauguration du siège de campagne du maire sortant. Approche plus ou moins lointaine d’une campagne à l’américaine pour le candidat : arrivée en musique – et en retard- aux côtés du Député Jean-Claude Guibal sous les applaudissements suggérés par un monsieur loyal énumérant la liste des élus en provenance des communes voisines et partenaires du SIVOM : René Vestri, Maire de St Jean Cap-Ferrat et vice-Président du Conseil général, René Roux Maire de Beaulieu et André Barthes pour la ville de Nice. Dans une rapide allocution, Gérard Grosgogeat a tenu à présenter « sa nouvelle équipe » sans toutefois rendre public les noms de ses colistiers. Une liste « bouclée à 98 % », selon Jean-Christophe Storaï, son directeur de cabinet mais encore « susceptible de quelques légers aménagements, notamment en faveur des femmes ». Avec l’Association spécialement créée « Villefranche pour tous », le maire sortant sait qu’il y a encore des « choses à améliorer » mais compte sur les « jeunes de son équipe » pour y parvenir. Il demande justement à « ces jeunes de lever la main » mais l’assistance remarque que ces jeunes, à part peut-être Cédric Cérasa, nouvel arrivant sur la liste après un passage par la Mairie de Nice, ne le sont pas vraiment. « Que des vieux », commente discrètement une femme dans le public.
Qu’à cela ne tienne. Gérard Grosgogeat compte visiblement autant sur la « passion qui l’anime pour sa ville » que sur le soutien déclaré du Président du Conseil Général Christian Estrosi et sur celui d’Eric Ciotti. Prenant la parole à son tour, le Député Jean-Claude Guibal tient à décrire en la personne du candidat sortant un « homme généreux, plein d’allant et de surcroît honnête…au sens du XVIIIème siècle » avant d’élargir son propos sur « l’importance, dans les démocraties représentatives, d’avoir confiance dans les élus locaux, toujours à portée de gifle ». Difficile pour le Député-Maire de Menton d’éviter la contradiction entre le fait d’appeler les Villefranchois à « reconduire une équipe dans laquelle ils ont confiance » tout en se félicitant du « renouvellement et de l’ouverture » de cette dernière. Mais c’est sans doute René Vestri qui tient le langage le plus éminemment politique : « inaugurer une permanence, confie-t-il sur le ton d’un sage aguerri, revient à effectuer un premier sondage, permettant à vue de repérer ceux qui vous aiment bien », précisant avec une savoureuse ambiguïté « avoir quelque peu hésité avant de venir » ! 250 à 300 personnes avaient effectivement répondu présentes sur les quelque 4000 invitations lancées, soit le nombre total d’inscrits sur les listes électorales. René Vestri ne se privera d’ailleurs pas de rappeler, dans une sorte de message à « destinataire in fine », l’importance de la contribution financière du Conseil Général – 100 000 euros – pour la réfection du stade, l’autorisant ipso facto à « se faire le porte-parole » de son Président Christian Estrosi pour « saluer en son nom l’ensemble de l’assistance et les élus ». Il énumère aussi l’existence des 240 jours sur 365 d’animations dans la ville, chiffre qui laisse néanmoins dubitatives plusieurs personnes de l’assistance. Comme il se doit, la conclusion est laissée au Maire qui s’en tire par un jeu de mots : « rue de la victoire pour gagner mais place de la paix pour aller saluer tous ceux qui n’auront pas voté pour nous ! ».
Interrogé sur les projets concrets de la future équipe, un adjoint un peu embarrassé évoque la « sécurité avec l’installation d’un poste avancé de la police pour le Haut de Villefranche » et la « probable création d’un parc de stationnement de 200 places entre la vieille ville et l’Octroi », sans pouvoir mystérieusement en dire davantage. Une autre élue vient à son secours : « On n’annoncera nos projets qu’au dernier moment, afin de priver nos adversaires d’arguments ou afin d’éviter qu’ils ne nous les volent ». Ce petit monde se réjouit de l’arrivée du Directeur de Cabinet, nettement plus à l’aise, techniquement et politiquement, pour répondre aux questions : « s’agissant de la pollution, explique-t-il, 1000 foyers sont déjà raccordés et toute la ville le sera en 2010 ». Une certitude par ailleurs : « le bâtiment public du Sacré-Cœur n’est pas à vendre » et « aucun changement du POS n’interviendra » contrairement aux rumeurs sur d’éventuelles spéculations immobilières susceptibles de transformer la rue de Verdun et impliquant la société de construction Eiffage. Dont acte.
Autour d’un verre de l’amitié offert par l’équipe en campagne, les Villefranchois se laissent aller à quelques commentaires : « la priorité, dit l’un deux, c’est le problème du stationnement et celui des croisiéristes qui ne font que passer sans s’arrêter dans la ville et qu’il faut essayer de canaliser ». Un autre insiste, quant à lui, sur « le tourisme, le cœur de notre activité, ce qui rend intolérable la question de la pollution, du rejet des eaux usées » ainsi que « l’absence des petits commerces, obligeant les habitants à aller faire leurs courses dans les autres communes ou les supermarchés environnants ». « Villefranche, précise-t-il encore, risque de devenir une ville économiquement morte ». Un groupe attablé autour de pissaladières se veut nettement plus critique : « il est dommage qu’après trois mandats, ce qui ne va pas de soi pour la démocratie représentative, le maire ne puisse pas présenter un dauphin ». Et d’enchaîner : « dans cet ambiance un peu patriarcale, la question se pose de savoir comment sont votées les priorités et comment le patron passe le flambeau, sinon ce n’est pas un patron mais un dictateur ».
Le concurrent direct du maire sortant, le Dr Jean-Luc Morlino ne va jusque là. Mais il critique volontiers Gérard Grosgogeat pour son « abus d’autorité » et son « absence de dialogue ». Il regrette par ailleurs la « politisation de la campagne de l’équipe sortante » qui se fait, d’après lui, au « détriment de l’intérêt local des Villefranchois ». Plus à l’aise dans l’intimité de son cabinet médical pour évoquer ces sujets, le principal opposant de droite reconnaît qu’il est « difficile d’être dans l’opposition à Villefranche sur mer » tant les « pressions sont exercées sur des habitants et les commerçants », en particulier pour les « dissuader de faire de leur local une permanence électorale ». Jean-Luc Morlino ne souhaite pas inutilement polémiquer sur le « système Grosgogeat ». Il préfère évoquer les sujets concrets : « le gâchis de la Barmassa » avec des « promesses non tenues » de logements, le « problème de la dépollution du terrain du gaz » et la « négligence de la préemption pour la Villa César à l’Octroi grâce à laquelle on aurait pu loger une dizaine de familles et placer la Police municipale en position névralgique ». Autant de marques, selon lui, de « l’irresponsabilité de la majorité municipale ». Des « dossiers à reprendre à zéro » et qui seront « au cœur de sa campagne » même si d’autres propositions – « redynamiser la citadelle et proposer aux administrations de la mairie des bâtiments plus modernes » et « évidemment la question du stationnement » – interviendront en fin d’année, simultanément à l’annonce de son équipe dont il prédit qu’elle pourrait révéler la surprise de quelques « poids lourds ».
On le comprend, Gérard Grosgogeat et Jean-Luc Morlino devraient, sauf imprévu, à nouveau se retrouver au deuxième tour de ces échéances électorales qui décideront du futur visage de Villefranche sur mer. A suivre donc ce duel…qui n’en est qu’à ses balbutiements.
photos: Mr K. Liebmann