On annonce un contrôle de gendarmes et l’on croise une escorte de mouflons. Signe des grands espaces sauvages. Sur la route sinueuse du Mont Agel, une fois dépassé le Golf de Monaco, les visiteurs se font rares. Située à 1148 mètres d’altitude sur le versant monégasque d’une hauteur sise sur le territoire français, la Base aérienne du Mont Agel accueille ses hôtes avec parcimonie. Précaution compréhensible : cette zone militaire abrite le Centre de Détection et de Contrôle 05.943 (CDC), unité opérationnelle de l’Armée de l’Air en charge de la surveillance de l’espace aérien situé dans la partie sud-est du territoire national et de ses approches.
A ce titre, le CDC assure la détection, l’identification et la classification de tous les aéronefs présents dans sa zone de responsabilité et contrôle les intercepteurs de défense aérienne amenés à effectuer des missions de police du ciel. Avec plus de 10 000 aéronefs par jour naviguant dans le ciel français, et surtout depuis les attaques aériennes sur le World Trade Center du 11 septembre 2001, ce Centre, l’un des cinq dont dispose à ce jour l’Armée de l’Air, est capable d’étendre sa zone de responsabilité à toute la partie sud du territoire français en cas d’indisponibilités techniques des centres voisins. Intéressant lorsqu’on apprend qu’un incident aérien intervient en moyenne chaque semaine au-dessus de nos têtes. Fait qui rend impératif une permanence opérationnelle de pilotes et d’avions de chasse, à même de décoller dans un délai maximum de 7 minutes. Et ce, 365 jours par an ! Avec près de 150 personnels principalement militaires, doté d’un matériel ultra performant – radars tridimensionnel PALMIER et bidimensionnel 23 cm avec un système de traitement électronique et de visualisation Visu V- installé il y a à peine huit mois pour un coût de 7,6 millions d’euros, le CDC du Mont Agel n’en réfléchit pas moins à son avenir, plus incertain après 2012.
Comment alors mettre à profit la « Delta 54 », cette zone de plusieurs milliers de km² principalement située au-dessus de la mer, bien au-delà des côtes entre Nice et le territoire de la Corse ? Dans les cartons, le projet « Blue Flag » attend patiemment son heure : concept issu de son homonyme « Red Flag », exercice militaire américain impliquant plusieurs fois par an des forces aériennes alliées, le Centre de Détection et de Contrôle de la BA 943 pourrait servir de zone d’entraînement et de coopération avec les « nouveaux » alliés de l’Otan, voire avec les pays partenaires de l’Union Pour la Méditerranée. Les avantages ? En premier lieu, cette perspective réduirait considérablement le coût des missions d’entraînement, à la charge du contribuable, des pilotes souvent envoyés sur la base de Nellis, dans le désert américain du Nevada ou dans une autre située en Alaska. Elle conduirait, par surcroît, à adresser aux responsables de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord un signal politique fort et d’une lisibilité incontestable au moment même où le Président de la République annonce fièrement le retour de la France dans le Commandement militaire intégré.
Cette collaboration alliée ne perturberait par ailleurs en rien les exigences environnementales des populations civiles puisqu’elle se déroulerait au-dessus de la Méditerranée. Elle pourrait, en revanche, se révéler particulièrement profitable à l’économie niçoise. A condition que les responsables locaux et régionaux se donnent la peine de s’intéresser à ce projet d’une dimension politique nationale. De ce point de vue, la « guerre » est loin d’être gagnée…