Nice Première : Ségolène Royal sera la candidate socialiste aux prochaines présidentielles. Quel est votre sentiment après ces primaires ?
Nathalie Audin : Je prends acte de la victoire nette de Ségolène Royal. Celle-ci valide un besoin de renouvellement et permettra, nous l’espérons tous, de battre la droite lors des prochaines élections présidentielles et sur la même dynamique emporter le plus grand nombre de sièges lors des législatives pour lui permettre de bénéficier d’une majorité parlementaire la plus large possible.
Patrick Allemand : Une immense satisfaction. Je suis soulagé de voir Ségolène investie dès le 1er tour avec une aussi forte marge. Cela va lui donner une force et une légitimité incontestable dans le parti et dans l’opinion. C’est très important au sortir d’une campagne interne qui a été intense et rude et où elle a démontré un calme et une sérénité à toute épreuve. La netteté du score va faciliter le rassemblement des militants à la base. Les premières déclarations de Fabius et de DSK sont correctes, ils ont compris le désir d’unité des socialistes. Tout cela me parait bien s’engager. Mon sentiment, c’est qu’une page, une belle page de l’histoire des socialistes s’est tournée. Traditionnellement, depuis François.Mitterrand (et son alliance avec le CERES), le Parti se faisait séduire par la gauche. C’est ce schéma périmé qui a conduit Laurent Fabius dans l’impasse. Quant à DSK, il était trop collé à l’image de Lionel Jospin, il représente une sensibilité, une social-démocratie trop conventionnelle. La gauche a besoin de renouveau. D’un renouvellement des idées, des méthodes et des hommes qui a fait le succès de Ségolène ROYAL. Je conteste vivement à DSK le monopole de la social-démocratie.
Nous sommes beaucoup d’anciens rocardiens, d’anciens jospinistes à nous être retrouvés autour de Ségolène et à vouloir créer autour d’elle une social-démocratie moderne, à l’écoute du peuple. N’oublions pas qu’elle était issue de la même motion d’orientation que DSK au Congrès du Mans, celle de François HOLLANDE. La pratique politique d’élus comme moi plaide dans ce sens. Je récuse totalement le terme de social-populisme. Nous sommes le renouvellement de la social-démocratie. Il n’y a qu’à lire à quel point elle compte sur le développement d’un syndicalisme de masse pour développer la négociation, la contractualisation au sein des branches. Il faut développer le syndicalisme, sinon proposer le contrat n’a guère de sens en l’état de rapport de force entre patronat et syndicats. Nous sommes la social-démocratie qui ne se résigne pas au rapport de force actuel.
Patrick Mottard : Les règles du jeu étaient clairement définies. Il est donc normal d’accepter un résultat qui ne souffre d’aucune contestation formelle. Mais je reste persuadé qu’il aurait été préférable que cette consultation interne ait lieu plus tôt (en juin par exemple).
NP : Plus de 60 % des azuréens ont plébiscité Ségolène Royal. Qu’est ce qui, selon vous, a permis ce résultat ?
NA : A mon sens nous pouvons distinguer deux types de votes : des votes de personnes convaincues par ses propositions et des votes utilitaires de personnes qui ont considéré qu’elle seule était en capacité de gagner les élections présidentielles.
Concernant Nice et plus largement le département, nous sommes heureux que près d’un quart des militants se soient portés sur la candidature de DSK. Nous ne nous étions jamais comptés, au final nous constituons une force politique homogène et structurée. C’est un motif de satisfaction et d’exigence pour l’avenir. Je tiens ici d’ailleurs à remercier tous les camarades qui ont apportés leurs suffrages et leurs soutiens à cette campagne.
Voter DSK, n’était pas un choix « facile », évident, ce n’était pas celui de la légitimité de l’appareil local du Parti Socialiste. Quelque part, la campagne la plus participative, collégiale et neuve dans sa conception….ce fût la notre.
PA : Tout ce que je viens de décrire précédemment. Mais aussi les nouveaux adhérents internet, qui sont d’origines très diverses, très populaires, contrairement à une idée reçue. Ils sont été sensibles au parler vrai de quelqu’un qui a su faire sauter les tabous et tenir un langage socialiste sur des questions difficiles pour la gauche. Il n’y a pas de problème de gauche ou de droite, ce sont les réponses qui diffèrent. C’est ainsi que tant sur les 35 heures, que sur la carte scolaire ou la délinquance des « ados », ce qu’elle a dit a été compris par le peuple et par les militants.
L’époque de ces politiques qui donnent illusion d’avoir réponse à tout est révolue. Aujourd’hui les citoyens ont plus confiance en quelqu’un comme elle qu’en un « prof d’université ». C’est valable nationalement, ce sera valable localement demain aussi. Vous voyez Ségolène est candidate sans avoir écrit un livre sur la préparation aux élections. DSK, L. Jospin, F. Hollande ont tous écrit un livre, très bien écrits d’ailleurs. Avant cela « posait » un homme politique, aujourd’hui c’est « ringard ». Ce n’est plus ce que les gens attendent. Ce qu’ils attendent c’est d’écrire une histoire ensemble. C’est un autre concept de la politique.
C’est un changement radical des mentalités qui s’opère. Certains élus, trop coupés des réalités, n’ont pas tiré les conséquences des 21 avril 2002 et 29 mai 2005. Pourtant que nous avons vécu le 16 novembre n’en est que la suite logique.
PM : Le résultat à Nice est sensiblement inférieur à la moyenne française et départementale (61% dans les Alpes-Maritimes, mais 54% à Nice). Pour l’essentiel, de nombreux militants, qui veulent en finir avec la politique de régression sociale de la droite et qui ont peur du spectre Sarkozy, ont préféré donner leur voix à celle que les sondages présentaient comme la mieux placée. De nombreux amis, parfois très proches, dont le premier choix était Fabius ou Strauss-Kahn, ont finalement préféré jouer ce qu’ils pensaient être la carte de la sécurité.
NP : « Nous allons gravir ensemble cette montagne jusqu’en 2007 » Que pensez-vous de cette déclaration de Ségolène Royal et pensez-vous que l’union totale sera possible au PS avant 2007 ?
NA : Les alpinistes savent que pour gravir une montagne il faut beaucoup de courage, de l’abnégation, et surtout savoir intelligemment concentrer ses forces….aujourd’hui, il faut nous rassembler pour battre Sarkosy. Le débat interne nous renforce et au final nous unit, si le souhait de la droite était de nous voir affaibli, elle a commis une erreur. Notre détermination est d’autant plus forte maintenant.
PA : Cette expression renvoie à une notion d’effort à faire. Oui. Rien n’est joué. On aurait tort de confondre les deux élections. L’élection majeure c’est mai 2007. Je maintiens que c’est un enjeu de société. Elle est même plus importante que celle de 1981. En 1981, c’était une alternative au sein d’un pays où le consensus sur le modèle social issu de la Résistance demeurait très fort. En 2006, c’est tout l’inverse. Ségolène incarnera une vision de gauche, héritière de ce modèle social, mais devant impérativement le faire évoluer pour le sauver. C’est le renouveau.
Sarkozy, lui, incarnera la rupture avec ce modèle social, l’avènement de l’ultralibéralisme en France, sans limite, inspiré directement par les Etats-Unis. C’est en cela que cette élection est majeure. Le renouveau contre la rupture. Il va falloir faire comprendre cela à chaque français. En ce sens l’ascension risque d’être longue, mais c’est le mot « ensemble » qui est essentiel. Tout cela, cette campagne nous allons la faire ensemble, en partie par la base. Je ne vois pas quel socialiste sincère n’aurait pas envie d’en être. Donc l’unité se fera.
PM : Pour gravir la montagne, il reviendra à notre candidate de distribuer à chacun piolets et cordes de rappel. Il est évident que le premier challenge de Ségolène Royal est de donner des signes pour rassembler ceux qui n’ont pas voté pour elle en interne. La remarque est semblable en externe : je suis frappé, après trois jours de terrain, des réactions contrastées après cette investiture. Une majorité d’électeurs de gauche semble satisfaite de voir le PS en ordre de marche et accorde du crédit à la candidature de Ségolène Royal ; d’autres sont beaucoup plus circonspects, voire hostiles. Les prochains jours seront donc déterminants à cet égard.
NP : Enfin, quelles seront vos actions locales pour soutenir la candidature de Ségolène Royal ?
NA : Nos actions seront celles que le Parti Socialiste aura décidé.
PA : Ségolène ROYAL a besoin du Parti Socialiste mais elle a déjà affirmé vouloir également conserver sa liberté. Il est très important de mettre sur pied très vite un dispositif qui amplifie la dynamique. Je ferai des propositions aux différents secrétaires de section. Et puis il y a les comités « Désirs d’Avenirs » qu’elle a mandatés pour continuer leurs actions. Dans les A-M, ce sont plus de 450 adhérents dont de nombreux ne sont pas encore membres du Parti Socialiste. Je les appelle d’ailleurs à adhérer en masse en cliquant sur le site du PS, ou en contactant ma permanence au 13 rue bavastro, ou la fédération, ou les autres permanences, pour amplifier la rénovation de Parti qui est en cours.
Et le 12 décembre, Désirs d’Avenirs organise un grand débat public sur l’après pétrole et l’environnement. Comme vous le voyez, les initiatives ne vont pas manquer. Et il faudra garder au Parti Socialiste toute sa place sans cette campagne. C’est désormais ma tâche.
PM : Elle est la candidate du Parti socialiste. Ce dernier sera donc évidemment mobilisé : à Ségolène Royal de l’utiliser au mieux ce qui aura l’avantage de repositionner et de repolitiser sa candidature. A ma place, comme élu et comme militant, je ferai tout pour assurer la promotion de sa candidature, même si, en tant que responsable de l’opposition municipale (Nice Plurielle), je me dois d’avoir une attitude respectueuse vis-à-vis des autres candidatures de gauche.