Pour le Corriere della Sera, l’éditorial est sans appel : » C’est un vote choc, il n’y a pas de majorité ».
C’est le constat au lendemain du vote qui a vu la coalition de centre- gauche remporter la majorité absolue à la Chambre des députés, mais pas au Sénat, ainsi que l’affirmation du Mouvement 5 étoiles du comique Beppe Grillo.
Un troisième pôle a pourtant émergé, mais ce n’est pas celui d’un Mario Monti modéré, européen et pro-gouvernemental. C’est au contraire celui radical, contestataire et populiste de Beppe Grillo, qui a obtenu des pourcentages surprenants.
Mais à côté du comique qui est tout de même parvenu à obtenir un quart des voix, il y a un autre gagnant : Silvio Berlusconi, qui a parié sur sa propre survie. Pari tenu puisque le vieil impresario avait les poches pleines de ticket-cadeaux (Pas d’impôts sur les propriétés immobilières, 4 millions d’emplois surgit par miracle du néant) pour le monde des rêves. Un bouffon qui a si bien étudié le mécanisme de la séduction qu’il est parvenu, encore une fois à sublimer les électeurs.
C’est comme si l’Italie s’était refusée à analyser les reflets internationaux du vote. Pire : Elle a décidé de les défier, allant dans le sens des humeurs hostiles à une austérité jugée non pas pour ses effets bénéfiques sur les comptes publics, mais pour ceux négatifs sur la croissance et sur l’emploi. Monti paie le prix de ses choix controversés, de l’impopularité et de l’inexpérience (sa campagne électorale a été d’un très bas niveau d’efficacité ).
Ce qui est sûr, dans ces élections, c’est que Beppe Grillo a gagné. Et c’est peu dire. Les urnes ont produit un soulèvement de masse contre les élites. Ici, il y a du ressentiment. Il y avait un vide d’attention et Grillo l’a rempli avec un parti qui n’en est pas un, sans statut, sans siège, avec seulement un blog (www.beppegrillo.it) pour communiquer et un maître absolu, lui avec son guru informatique Carlo Casaleggio, le modérateur qui contrôle les adhésions et décide des expulsions.
Là où il y avait un mal-être, Grillo a mis à disposition un format et une technologie informatique pour vendre un produit et un visage, le sien. D’abord avec le slogan du mouvement, “Vaffanculo” [« Va te faire foutre »] adressé à tous les autres, puis, avec une série de propositions concrètes et une bonne dose d’utopie : La sortie de l’euro, un revenu pour tous d’au moins 1 000 euros par mois, et d’autres à suivre dans le même registre.
Grillo a choisi le langage du spectacle, le seul que les Italiens ont démontré comprendre, après 20 ans de vide idéologique. Parmi les supporters de Grillo on trouve de tout : Du rêveur pragmatique au protestataire chronique. Même la sélection de candidats inconnus et peu représentatifs s’est révélée être un point de force.
Les professionnels de la politique n’ont pas su ou peut-être pas pu offrir une alternative. Au contraire, ils ont débité des chiffres froids, marmonné des métaphores incompréhensibles, perdus qu’ils étaient dans leur univers.
Et maintenant ? Faute d’accord entre les partis pour mener certaines réformes, la perspective d’une législature courte, voire très courte, deviendrait dangereusement vraisemblable.