Lors d’une conférence organisée jeudi 14 février par le magazine Marianne au Centre Universitaire Méditerranéen, Fleur Pellerin et Mercedes Erra sont intervenues sur la régulation des communications numériques.
« La Communication Numérique peut-elle être éthique ? » Telle était la question posée à Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique, et Mercedes Erra, présidente d’Havas Worldwide. Du 14 au 16 février, le magazine Marianne organisait une conférence sur le rapport entre l’argent et l’éthique au Centre Universitaire Méditerranéen, sur la Promenade des Anglais.
La question a-t-elle un sens ? D’après les intervenantes, le « réseau des réseaux » n’est ni éthique, ni immoral. Cependant la combinaison d’un anonymat relatif, d’une caisse de résonnance virtuelle et d’une modération difficile des propos mène à des dérives malheureuses : d’une part à des invectives « d’une violence inédite », d’autre part à l’érosion de la vie privée par la diffusion d’anecdotes. En effet, il y a plus de paparazzis que jamais. Par conséquent, des maladresses (comme les lapsus de Rachida Dati) peuvent désormais faire le tour du monde en quelques minutes.
« L’Internet n’est pas une zone de non-droit »
Mme Pellerin distingue deux visions de l’Internet. La première est celle d’un monde à part, sans lien avec le monde physique. La deuxième est celle d’un espace de liberté, où la liberté d’expression est illimitée. Cependant, la première vision ne tient pas compte de l’effet bien réel de l’internet sur le monde physique, et inversement. La deuxième vision, elle, est potentiellement dangereuse. « L’Internet n’est pas une zone de non-droit » ajoute Mercedes Erra.
Les deux intervenantes s’accordent donc sur le fait qu’il faut trouver un système de régulation « pour défendre des principes supérieurs à la liberté d’expression ». Mme la ministre souhaite faire appliquer les lois locales sur Internet, dénonçant les propos racistes ou discriminatoires tenus sur le réseau social Twitter. Elle semble cependant négliger l’effet désastreux que cela pourrait avoir sur l’Internet au niveau mondial. Certes, la loi française n’est pas excessivement liberticide, mais comment demander à des entreprises américaines de faire appliquer la loi locale française sur le web dans notre territoire sans que d’autres pays moins démocratiques n’exigent la même chose ? Rappelons que sans internet libre, sans Twitter, le Printemps Arabe n’aurait peut être pas existé. Il y a indéniablement des lois locales que nous ne pouvons laisser appliquer sur internet au nom de la liberté d’expression. Pourquoi la France aurait-elle plus de légitimité que d’autres ? Où est la limite entre loi locale acceptable et dictatoriale, et qui va tracer cette limite ?
« Ce n’est pas parce qu’il y a des pays non-démocratiques que la France doit renoncer à appliquer ses lois » répond Mme Pellerin. Selon elle, on peut à la fois appliquer la loi locale française et se battre pour la liberté d’expression ailleurs dans le monde. Si la France avait un réseau Internet fermé, cela serait sans doute possible. Mais il ne faut pas oublier la dimension internationale de l’Internet. Le local n’existe pas sur le web. Il faut donc être conscient des répercussions mondiales que peuvent y avoir des actions locales.