Interview : Jacques Chibois, cuisiner pour le plaisir, la santé et le lien social

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À l’Institut Mozart, le chef étoilé Jacques Chibois défend une cuisine simple, saine et tournée vers le plaisir. Engagé auprès des patients atteints de cancer, il partage son savoir-faire pour lutter contre la dénutrition.

Dans le cadre de la troisième conférence organisée par l’Institut Mozart, le chef étoilé Jacques Chibois a partagé sa vision de l’alimentation comme soin et source de plaisir. Depuis plusieurs années, il anime avec la diététicienne Sophie Estran des ateliers culinaires pour les patients atteints de cancer, en partenariat avec le Centre Antoine Lacassagne et le Département des Alpes-Maritimes. Lors de cet entretien, il est revenu sur l’importance de préserver la qualité des produits, le goût et les valeurs nutritionnelles pour soutenir la santé. Avec son approche humaine et chaleureuse, le chef montre comment la cuisine peut recréer du lien social et aider à lutter contre la dénutrition liée aux traitements. Une rencontre inspirante où plaisir, simplicité et transmission seront au cœur des échanges.

Interview du Chef Jacques Chibois:

Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à une conférence comme celle-ci ?

Jacques Chibois : « Il y avait une dénutrition des malades et un gros problème de santé même après la guérison. Le gros problème c’est les 100 jours à passer. Le docteur Cluzeau m’a contacté et il m’a fait comprendre. J’ai passé une semaine avec eux, pour voir tout le monde, poser des questions pour comprendre ce qu’un cuisinier pouvait apporter à la médecine. C’est là que j’ai compris les choses, la vitalité. Et j’ai compris que, pour un malade, l’alimentation, c’était primordial, pour la guérison. C’est-à-dire que, en premier, bien sûr, c’est les médicaments, l’opération etc. Mais quand tout ça a été fait, il faut pouvoir, reprendre la vie. Et donc la nourriture est faite pour ça. C’est la nourriture qui vous donne la force de combattre votre maladie. La santé, elle est faite aussi par notre bouche.  Qu’est-ce qu’on mange ? Est-ce qu’on mange sainement ? Est-ce qu’on mange bien cuisiné ? On a le plaisir. On mange ce qu’il faut, équilibré, et ainsi de suite. C’est ce qu’on a besoin. Et c’est ces vraies valeurs qui sont importantes. C’est important de bien cuisiner, d’avoir de bons produits, de prendre le temps de faire, de participer et de prendre du plaisir à faire cela. Vous allez avoir le plaisir de vivre, vous allez oublier tous les malheurs que vous avez passé et vous allez les effacer par le bonheur. Je fais ça parce que je sais qu’un jour, ce sera moi, qui sera dans ce cas-là. Et j’aimerais trouver des gens qui seront là pour apporter du soutien. Devant la maladie, il faut être désintéressé, il faut aider, il faut faire. 

Comment s’est créé le lien entre vous et l’Institut Mozart ?

Ca c’est grâce à ce que j’ai fait avec le Dr Cluzeau à l’Archet. Depuis quatre ans on travaille là-dessus, on a fait des grands avancements. Ils ont pratiquement doublé le nombre de guérison, grâce à la nourriture. Et donc, avec l’institut Mozart, j’ai eu un lien grâce à une personne que j’admire beaucoup et qui fait beaucoup pour le département, c’est Charles-Ange Ginezy. Donc, c’est grâce à lui que je suis là. Je connaissais son papa, pas dans la politique, dans la valeur de l’homme et de la famille.

Comment votre expérience de chef étoilé a-t-elle évolué au contact des personnes pendant vos ateliers ?

Je vais vous dire, c’est une richesse. C’est une richesse d’être avec des gens comme ceux-ci, des médecins, des diététiciens, des malades. Ils vous font mettre des défis, c’est-à-dire que vous allez au-delà de votre métier. Et vous comprenez aussi qu’est-ce que l’avenir de votre métier, la progression qu’il doit y avoir. En plus que du plaisir de manger, d’être le grand chef. J’ai été trois fois chef de l’année, j’ai tout obtenu. Mais après, il faut grandir encore. Et grâce à des choses comme ça, on a à apporter nos expériences et les donner à d’autres, à la science, à la médecine, à tout ça, pour faire évoluer les choses. C’est grâce à notre détermination de la qualité de notre métier qu’on est très sensibles à l’évolution de ce métier et de la nourriture surtout.

Quel rôle la cuisine a-t-elle joué dans votre propre bien-être ou votre rapport à la santé ?

Alors, je touche du bois, je touche tout ce que vous voulez, j’ai 73 ans. Je me suis jamais arrêté de travailler, j’ai jamais été malade. Mais ça peut arriver demain. Ma mère était très bonne cuisinière et elle utilisait dans ce sens-là, des bons produits. Moi j’ai continué et j’ai toujours mangé très bien, avec le plaisir. Et on grossit pas, on reste en bonne santé! Je peux vous dire les citations de beaucoup de gens, de mon équipe, de tout le monde. Ils me disent monsieur Chibois, on ne vous suit pas. Vous avez la pêche. Et pourquoi ? C’est savoir bien manger. Vous avez une bonne voiture, mais si vous mettez la mauvaise essence, ça marchera pas, elle va tousser, elle va être toujours chez le mécano. Nous on est une machine aussi.

Et puis, ce qu’il faut transmettre au monde, la joie de vivre, aimer les gens, oublier les problèmes. Il faut suivre nos maîtres d’école. Dans un problème, il y a toujours une solution. Donc, vous devez la trouver, votre solution.

Vous ne vous apitoyez pas devant quelque chose. Capitulez pas. Il faut toujours y aller et avoir la pêche. Il faut avoir toujours l’âme du vainqueur, il faut être toujours positif. La santé, c’est le mental.

Quel conseil vous donneriez à quelqu’un qui souhaiterait mieux manger, mais qui sait pas par où commencer ?

Il faut commencer par le début. C’est d’abord, de choisir des bons produits, avoir le plaisir de manger un bon produit. Et surtout de faire simple, pas trop de sauce, pas trop de ceci. Le simple. Manger authentique et apporter après des saveurs, des goûts. Vous mangez pas ici sur la Côte d’Azur comme on mange en Alsace ou en Bretagne, ou dans le nord, ou dans le centre. Le climat joue aussi sur la qualité de l’alimentation.  Il faut manger en fonction du climat local parce qu’il fait plus froid, ou il fait plus chaud. Et puis surtout, c’est aimer faire, transformer le produit et en faire un plat, le partager avec quelqu’un. »

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