Le 4 décembre 2010, Nice Premium a visité le département de biothérapie à l’hôpital Necker de Paris. Soutenu par l’AFM, grâce aux dons du Téléthon, il est au cœur des derniers succès mondiaux de thérapie génique sur des maladies rares. Marina Cavazzana-Calvo qui dirige cette structure et Salima Hacein-Bey-Abina, responsable du laboratoire de thérapie génique, expliquent ce qu’est la thérapie génique.
Le département de biothérapie, dirigé par Marina Cavazzana-Calvo, constitue une avancée majeure dans le développement des thérapies innovantes. Inauguré en 2007, il a pu voir le jour grâce aux dons du Téléthon. Son objectif ? Favoriser les biothérapies. Elles englobent les méthodes thérapeutiques fondées sur l’emploi et la manipulation de cellules vivantes en laboratoire. D’origine grecque, le terme bio signifie vie et thérapie correspond à traitement. Marina Cavazzana-Calvo explique les compétences de ce département : « notre savoir-faire repose sur la greffe de cellules souches hématopoïétiques compatibles ou partiellement compatibles et sur la thérapie génique des cellules souches hématopoïétiques ». Fabriquées par la moelle osseuse, elles sont à l’origine des différentes cellules du sang (globules rouges, globules blancs et plaquettes). Elles peuvent être génétiquement modifiées en laboratoire.
3 stratégies thérapeutiques essentielles sont mises au point et prises en charge dans ce département : la thérapie génique qui consiste à remplacer la fonction du gène déficient ou manquant par celle d’un gène thérapeutique inséré dans la cellule. La thérapie cellulaire qui vise à greffer des cellules saines là où d’autres sont mortes ou défectueuses. Les échanges plasmatiques font aussi partie des stratégies innovantes développées. Ils permettent de prélever du plasma (liquide contenu dans le sang) chez un donneur de sang ou un malade. Cette technique est nécessaire au traitement des rejets aigus et chroniques chez les patients ayant bénéficié d’une transplantation d’organe. Dans ce laboratoire de 550 m2, les chercheurs développent des protocoles d’un bout à l’autre de la chaîne : de l’essai pré-clinique (mené sur l’animal ou les cultures cellulaires) jusqu’à l’essai clinique, au cours duquel la tolérance et l’efficacité d’un traitement sont testées. Marina Cavazzana-Calvo collabore notamment avec Salima Hacein-Bey-Abina, responsable du laboratoire de thérapie génique. Toutes les deux ont développé les protocoles de thérapie génique. « Salima et moi-même avons développé depuis une quinzaine d’années à peu près tous les protocoles de thérapie génique, notamment celui sur les bébés-bulle ». En réalité, ces enfants sont atteints d’un déficit immunitaire combiné sévère lié au chromosome X
D’ici la fin de l’année, sera mis en place le nouveau protocole sur le syndrome de Wiscott-Aldrich. Ce déficit immunitaire se caractérise par une diminution très importante du taux de plaquettes dans le sang. Il est important de mentionner que le développement d’essai clinique s’étale sur plusieurs années. Salima Hacein-Bein-Abina souligne : « ce sont des développements à la carte. Les thérapies innovantes et les biothérapies sont définies comme étant des thérapies à la carte en attendant qu’elles puissent être généralisées. C’est un peu l’objectif et l’intérêt de ce développement. Cela sert de preuve, de concept pour ensuite passer à des pathologies plus fréquentes, plus communes ».
La thérapie génique : pour qui ?
Apparue dans les années 90, elle fut d’abord proposée à des patients adultes. Marina Cavazzana-Calvo explique la raison : « nous avons convenu qu’il était éthiquement mieux de proposer la thérapie génique à des patients adultes capables de donner un consentement propre en vue des risques connus de la thérapie génique. Et dans un 2e temps de l’élargir à une population pédiatrique, une fois qu’on aurait bien compris les risques éventuellement non prédictibles liés à la thérapie génique ». Des scientifiques américains ont démontré qu’une thérapie génique peut être la cause de développement de tumeurs leucémiques. Des malades atteints d’une déficience immunitaire et traités par thérapie génique ont développé des leucémies. En 2000, l’équipe du Professeur Alain Fisher et de Marina Cavazzana-Calvo, à l’hôpital Necker, annonce le succès de la thérapie génique sur les « bébés-bulle ». 11 enfants condamnés à vivre dans un environnement stérile, pour éviter le contact avec les microbes, ont reçu un traitement par thérapie génique. 2 d’entre eux ont contracté une forme de leucémie due à une erreur d’insertion du gène-médicament, selon une étude parue dans la revue « Science » en octobre 2003. Il est important de souligner que la thérapie génique est proposée à des malades répondant à certains critères : « en gros, ils ne sont pas trop avancés dans la maladie mais ils restent quand même réduits dans leur qualité de vie à cause de la maladie », explique Marina Cavazzana-Calvo.
Ce traitement thérapeutique s’apparente à une greffe. Il contraint le patient à être hospitalisé de un à 3 mois selon le type de pathologie. Marina Cavazzana-Calvo explique le déroulement du traitement par thérapie génique : « dans les cas les plus simples, cela suppose un mois d’hospitalisation. Mais la manipulation des cellules dure quelques jours. Une fois qu’on les a manipulées, on les congèle dans le cas de la bêta-thalassémie (maladie du sang). Et on va faire un certain nombre d’examens pour être sûrs de ce qu’on a fait ». Après avoir effectué les vérifications nécessaires (contrôle sur les cellules manipulées), le malade est contacté et se voit proposer une hospitalisation. « En fait, le malade reçoit une injection, le greffon. Ensuite, il faut prouver que cette injection de cellules est efficace. Cela dure un mois, un certain temps. En attendant, le patient va recevoir d’autres thérapeutiques. Mais le traitement spécifique des cellules génétiquement modifiées se fait en une seule fois », ajoute Salima Hacein-Bey-Abina.
Une incertitude
Le mot incertitude est associé à la thérapie génique. « On ne sait pas combien de temps elle va marcher. On est dans une incertitude qui nous pousse à être prudents », confie Marina Cavazzana-Calvo. 2 patients atteints de bêta-thalassémie (maladie du sang) ont été traités par thérapie génique. Pour l’un d’entre eux, ce fut un échec. Pourquoi ? Le nombre de cellules génétiquement modifiées réinjecté était insuffisant. Aucune aggravation, ni bénéfice de sa maladie n’ont été découverts. Le 2e patient a reçu un nombre suffisant de cellules génétiquement corrigées. Petit à petit, son besoin en transfusions sanguines s’est espacé. « On a pu les arrêter environ un an après la thérapie génique », explique Marina Cavazzana-Calvo.
Des doutes demeurent encore face à la thérapie génique mais des résultats positifs prouvent qu’on a raison(s) d’y croire : « aujourd’hui, sur les essais qu’on a fait à Necker, on a des résultats bénéfiques tels qui nous permettent de continuer à proposer ces protocoles dans les années qui viennent, voire de les augmenter. On n’a pas de déception sur la thérapie génique qui bloque notre envie de développer cette stratégie ». Mais dans le cas de certaines maladies, le traitement du gène n’a donné aucun résultat. C’est le cas de la thérapie génique in vivo adoptée pour certaines pathologies. Le gène-médicament est directement apporté par injection intraveineuse ou locale pour qu’il atteigne les cellules cibles. Cette thérapie génique implique des contraintes plus importantes liées notamment au type de vecteur. « À ce jour, les essais qui donnent les meilleurs résultats, sont les essais de thérapie génique ex vivo », énonce Salima Hacein-Bey-Abina. Cette technique consiste à prélever les cellules de la moelle osseuse, du sang, chez le patient. Elles sont ensuite transformées en laboratoire et réinjectées chez le malade. Cependant, certains types de thérapie génique in vivo fonctionnent aujourd’hui, en particulier dans le cerveau.
Aujourd’hui, une dizaine de pathologies bénéficient de la thérapie génique. Le financement d’un essai clinique constitue un « casse-tête », confie Marina Cavazzana-Calvo. Il se chiffre en millions d’euros. L’AFM, l’Assistance Publique ou encore la Fondation pour la Recherche Médicale constituent des aides financières précieuses. Ce week-end, à l’occasion du 24e Téléthon, vous pourrez soutenir l’AFM et contribuer ainsi à l’élaboration d’essais thérapeutiques.