Nice Premium : Bonjour docteur…
Claude Genna : Ah non, je ne suis pas médecin ! Comme beaucoup de mes confrères, je suis psychothérapeute, c’est la base de ce métier. Pour obtenir le statut de sexologue, il existe un diplôme universitaire et nous sommes bien fédérés dans les pays francophones.
NP: Comment définissez-vous la sexologie ?
CG : Je la divise en trois catégories. Tout d’abord les problèmes biologiques, que j’essaie de régler par des exercice à faire chez soi. Si mes conseils sont insuffisants, j’oriente mes patients vers un spécialiste. Il y a ensuite les troubles psychologiques, qu’il faut résoudre par le dialogue et l’écoute. Enfin, les blocages d’ordre fonctionnel comme l’impuissance, qui peuvent combiner les deux précédents.
NP: Quels sont les problèmes les plus fréquents que vous rencontrez ?
CG: Ce sont souvent des blocages, des pertes de confiance. Face à l’étalage de sexe que nous voyons à la télévision, dans les magasines, sur le net, de nombreux patients se sentent désemparés. Les personnes âgées notamment, qui ont beaucoup de mal à s’adapter aux nouvelles pratiques et aux préservatifs.
NP: Quelle est la place d’Internet dans la sexualité aujourd’hui ?
CG: Internet joue un rôle ambivalent. C’est un formidable outil d’ouverture sur le monde. La pornographie peut être pédagogique, les rencontres des opportunités d’atteindre l’épanouissement sexuel. Tout cela peut aider certaines personnes inexpérimentées ou trop timides dans le monde réel. Mais un décalage important peut se créer et certaines personnes ne vont plus sortir de cette sexualité virtuelle. De plus, les rencontres sont souvent uniquement motivées par la séduction et donc source de frustration.
NP: Les Niçois sont-ils des victimes d’Internet ?
CG: Internet doit rester à sa place. A Nice, il manque des lieux de rencontre. Il faudrait une sorte de forum public où l’on se rapprocherait selon ses centres d’intérêt. Aujourd’hui, les Niçois n’ont le choix qu’entre des lieux où seul l’alcool fait office de lien, les bars et les clubs, ou alors des sites Internet plus proches de la prostitution que de rencontres sentimentales.
NP: Que pensez-vous des sexshops de Nice ?
CG: Il faut d’abord savoir qu’ils sont principalement homosexuels, tout comme Nice qui est une des villes françaises les plus homos. Ce sont plutôt de petites boutiques en comparaison avec Paris ou Londres, et l’hygiène laisse souvent à désirer. Mais je ne suis pas contre les sexshops, au contraire. Ils sont un bon moyen de démystifier le sexe sous toutes ses formes. L’avantage par rapport à Internet est la dimension réelle, l’acte d’achat est conscient et empêche certains abus.
NP: Les sextoys, un moyen d’explorer sa sexualité ?
CG: Un bon coup commercial avant tout ! C’est sûrement un bon moyen de pallier l’absence d’activité sexuelle, mais ça ne doit pas la remplacer. Faire l’amour avec un objet, ce n’est pas concevable pour moi. Je n’en ai en tout cas jamais conseillé à mes patients.
NP: La pornographie est-elle en train de tuer l’amour ?
CG: Au contraire, c’est le sexe qu’elle tue ! Je suis attéré quand des hommes de 50 ans viennent désespérés car ils n’arrivent plus à faire l’amour que pendant 20 minutes. C’est déjà beaucoup, mais le culte de l’image et de la performance du porno créé des sentiments de dysfonctionnement chez beaucoup d’hommes. Dans les films, les scènes sont préparées à l’avance et donc complètement irréalistes.
NP: Votre avis sur les pratiques dîtes extrêmes?
CG: Certaines peuvent être un bon moyen de réveiller sa sexualité, comme le SM par exemple. C’est une pratique qui se démocratise, mais qui doit partir d’une volonté commune de la pratiquer. Les problèmes viennent aujourd’hui de la pédophilie ou de la zoophilie. N’importe qui peut voir des images très facilement. Ces pratiques ont toujours existé et le danger est qu’elles soient considérées comme normales par les esprits déviants. Or pour moi elles relèvent de la paraphilie : elles sortent du champ de la conscience et ne sont pas naturelles.
NP: Y a-t-il un relâchement de la prévention autour du sida et des M.S.T. ?
CG: Oui, on le constate depuis un certain temps. Mais il ne faut pas jeter la pierre à ceux qui s’occupent de la prévention. C’est à chacun de faire attention. Je suis pour les publicités qui créent un électrochoc efficace. Mais ce qu’il faudrait, ce sont des initiatives plus larges, comme une fête du préservatif, des distributeurs dans les lycées ou encore en offrir dans les bars ou avec les bouteilles d’alcools.
NP: Les politiques français se soucient-ils assez du sexe ?
CG: Sur un plan personnel, sûrement ! Mais la situation française est hypocrite. La prostitution, par exemple, n’est pas autorisée. Elle n’est pas interdite non plus. Il faudrait faire un choix, bénéfique pour l’hygiène et la sécurité de ces travailleurs de l’ombre, comme les maisons closes. Dernier exemple de ces positions politiques douteuses : l’interdiction prochaine de certains poppers (ndlr : un vasodilatateur) dans les sexshops est une aberration. Cela pousse les gens à acheter sur Internet des produits sans aucune information ni garantie.
NP: Quelques conseils pour bien vivre sa sexualité ?
CG: Penser au plaisir avant toute chose, sans oublier sa santé. Prendre son temps également : la majorité des problèmes que je doit résoudre sont dûs à l’absence de préliminaires. Il faut une relation sincère et un partenaire ouvert et à l’écoute. Enfin, il ne faut surtout pas se fier à ce que l’on voit ou à ce que l’on entend dans les médias et autour de soi : la normalité, surtout dans le sexe, ça n’existe pas !