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22 novembre 2024

Gilles Simon : « J’ose plus aller vers l’avant »

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Le jeune niçois est inconnu du grand public mais cela ne le dérange pas. Il se dit que ça viendra avec le temps et les résultats. Gilles Simon est désormais un habitué du circuit ATP puisqu’à 22 ans, cela fait déjà cinq années qu’il parcourt la planète pour frapper la balle jaune. Son début de saison, le dopage, les joueurs français, sa collaboration avec Thierry Tulasne, tout y passe. Sans tabou.
Rendez-vous est pris en ce dimanche matin à l’hôtel L’Hermitage où les plus grands noms du tennis se pressent. De Marat Safin à Juan Carlos Ferrerro en passant par Tim Henman, tous veulent être présents pour ce rendez-vous si important.


Présentation du tournoi : Qui arrêtera Rafaël Nadal?

Nice Premium : Qu’as-tu ressenti en remportant le titre à Marseille, ton premier sur le circuit ATP ?

SIMONpub.jpg Gilles Simon : Dans ma carrière, c’est le plus beau moment que j’ai vécu car ça m’est arrivé dans une période où je n’étais pas vraiment en confiance. C’était même au moment où j’étais le plus bas. J’étais très content d’arriver à jouer mon meilleur tennis sur toute une semaine. En plus, arriver à remporter le tournoi après avoir joué contre d’aussi bons joueurs, c’est assez incroyable pour moi.

N-P : Le fait que ce tournoi soit près de chez toi, est-ce encore plus important ?

G.S. : Oui, car c’est en France, dans ma région où j’ai beaucoup de famille que je ne vois pas souvent. Toutes les personnes que j’aime étaient là donc c’était vraiment un grand moment.

N-P : Tu as joué contre un ami, Marcos Baghdatis en finale, c’est difficile ce genre de rencontre ?

G.S. : Pas forcément car je pense que j’avais moins de pression que si c’était contre un autre joueur. Même si on n’a jamais envie de perdre une finale, le fait de jouer Marcos désinhibe un petit peu car c’est un bon joueur et je n’avais rien à perdre contre lui.

N-P : Cette saison, à part Marseille, tu n’as pas réussi à passer beaucoup de tours.

G.S. : J’ai commencé avec quatre premiers tours avant l’Open 13. Depuis, ça a été un peu mieux. Aux Etats-Unis j’ai atteint deux fois le troisième tour, une fois sur Roddick, une fois sur Chela. J’ai réussi à battre Robredo, un Top 10 à Indian Wells. Je jouais bien, j’avais retrouvé de la confiance. Je n’ai pas regagné de tournois mais la plupart des joueurs n’en gagnent pas beaucoup dans une carrière, la confiance est là, je suis 23ème à la Race ( sur la saison, au contraire du classement technique qui se fait dans la continuité des saisons NDLR ) donc je veux rester dans ces eaux-là.

N-P : Qu’attends tu du Tournoi de Monte Carlo ?

G.S. : Pour le moment, pas grand chose. Le tableau est sorti, je joue David Ferrer ( 16ème du classement technique NDLR ), un tour qui n’est pas facile. Mais je n’ai rien à perdre sur ce genre de matches. C’est lui qui est favori, qui est tête de série. Je vais faire ce que j’ai à faire, je pense que j’ai des chances de gagner donc il va falloir être solide et ne pas se mettre de pression sur ce match là.

N-P : Ton objectif sur le tournoi ?

G.S. : Il n’y en a pas vraiment. C’est tellement long. On regarde souvent les trois premiers tours pour se faire une idée. On verra ensuite si je passe les dex premiers tours.

N-P : Tu disais que tu étais dans une période de moins bien avant Marseille. Est-ce dû à ton changement d’entraineur puisque tu es passé avec Thierry Tulasne ?

G.S. : J’étais dans une période un peu de doute et mon ancien entraineur, Jérome Pottier, n’arrivait plus vraiment à trouver les mots pour me mettre en confiance, pour me motiver. J’arrivais à bien jouer en entrainement mais dès que j’arrivais en match, c’était beaucoup plus dur. Je retenais mes coups, je n’arrivais pas à me libérer et Jérome ne parvenait pas à m’aider. J’avais déjà travaillé avec Thierry Tulasne, deux ans auparavant et ça s’était bien passé. Il arrive à particulièrement me mettre en confiance et le hasard a fait que j’ai gagné dès le premier tournoi.

N-P : A quel niveau Thierry Tulasne t’a t-il le plus apporté ?

G.S. : C’est plus au plan mental car ça faisait deux ans que je m’entrainais avec quelqu’un d’autre donc tout ce que j’était capable de faire sur une semaine comme ça, je le dois plus à Jérome Pottier mais arriver à le jouer aussi bien, en confiance toute la semaine, je le dois à Thierry.

N-P : Qu’est-ce qui a évolué depuis que tu es avec Thierry Tulasne sur le plan du jeu ?

G.Simon.jpg G.S. : J’ose plus aller vers l’avant, il a insisté sur la notion de plaisir, d’arriver à jouer son jeu même si je me sens mal.

N-P : On a appris il y a quelques jours que le Master Series de Monte-Carlo risquait d’être déclassé. Qu’est-ce-que tu en penses ?

G.S : Je ne sais pas trop. C’est bizarre de se dire qu’un tournoi n’allait plus avoir le même classement. On a l’habitude de certaines villes pour certaines catégories, c’est indissociable pour nous. C’est comme si on nous disait que l’un des quatre tournois du Grand Chelem se déroulait ailleurs. Il y a neuf Masters Series ( Indian Wells, Miami, Monte Carlo, Rome, Hambourg, Montreal, Cincinnati, Madrid, Paris Bercy NDLR ), je trouve dommage qu’on les fasse se dérouler ailleurs. Bien sûr, les Espagnols vont mettre leur veto au contraire des américains ou des asiatiques qui vont préférer Shangaï mais au final, notre voix, en tant que joueurs, ne compte pas.

N-P : En ce qui concerne le tennis en général, on assiste à un phénomène que l’on avait pas vécu depuis un moment, la suprématie de deux joueurs. Quel regard portes-tu sur cette hégémonie de Roger Federer et Rafael Nadal ?

G.S. : On avait eu cette situation il y a quelques temps avec Andre Agassi et Pete Sampras mais depuis, ça s’était calmé. Tout le monde pouvait battre tout le monde. Aujourd’hui, il y a deux joueurs qui, certes peuvent être battus, mais sont très forts. Roger Federer est doué sur toutes les surfaces et se met même à bien jouer sur terre battue. C’est très difficile pour les autres joueurs de se dire que tu vas te retrouver inévitablement face à un mec qui est quasiment imbattable. De l’autre, il y a Rafael Nadal qui est phénoménal. Il ne fait plus peur sur dur comme autrefois mais il est exceptionnel sur terre.
Contre l’un ou l’autre, on ne peut pas faire grand chose même si certains y arrivent parfois.

N-P : Le parallèle va être facile avec un autre sujet qui touche le tennis, le dopage puisque guillermo Cañas qui revient de suspension vient de battre deux fois d’affilée Federer. Est-ce un sujet tabou dans les vestiaires ou vous en discutez entre joueurs ?

G.S. : Ce n’est pas un sujet tabou mais on n’en discute pas forcément. Dans ce sport, au contraire de d’autres, tout ne se joue pas sur le physique. Par exemple, pour battre Federer, il faut faire mieux que courrir partout. Bien sûr, quand tu joues un match sur terre, pendant cinq heures, ça encourage certains joueurs à se doper pour tenir cinq heures mais à un moment, au tennis, courrir partout, ça ne fait pas tout.

N-P : Un joueur a fait parler au niveau dopage, Rafael Nadal. Quel est ton avis là dessus ?

G.S. : C’est un joueur qui est très physique naturellement, c’est une belle bête. Quand j’ai envie de me faire une opinion, je me base sur la durée. Un joueur qui joue bien sur un ou deux ans et qui se blesse ou disparait, il n’est pas forcément positif à quoi que ce soit. Ceux qui courent toute l’année sans se fatiguer, là on peut avoir des doutes. Je sais comment jouer un match, c’est dur. J’ai joué des joueurs très physiques comme Robredo à Indian Wells mais comme il faisait 40°, il s’est effondré physiquement. Il y avait 7-6 3-3 pour lui, et ça a fait 6-3 6-0 ensuite. Il ne pouvait plus courir. Cela prouve que ces joueurs là malgré leur dimension physique, je ne pense pas qu’il y ait des doutes à avoir. Dès qu’on voit un joueur physique courir partout, on se dit : « Lui, il doit être positif « . Il y en a qui sont un peu physiques mais qui marquent aussi un peu le coup, être moins bien, peut être se blesser de temps en temps. Je pense que c’est trop tôt pour parler du cas de Nadal car il fait beaucoup d’efforts sur le court mais s’accorde du temps de récupération, il a des blessures et il a de plus en plus de mal à tenir son niveau de jeu et sa place. Je crois qu’il n’y a pas de doutes à avoir sur ce genre de joueurs, il est très jeune. Si à 28 ans, il court comme ça, on se dira qu’il y a peut être un problème.

« La Coupe Davis est un sujet délicat »

N-P : Comment se passent les relations entre joueurs français ?

G.S. : On passe toute l’année ensemble et on s’entend bien. Quand vous vivez toute l’année avec ces personnes là autant faire en sorte que ce soit agréable. Les relations varient un peu, ça passe de la bonne concurrence parce que c’est sympa d’avoir pleins de joueurs français à des choses un peu moins belles quand il est question de sélections ou d’invitations dans des tournois. Je pense qu’il faut être assez détaché. Comme le dit Paul Quétin, entraineur physique à Roland Garros :  » Le relations sont bizarres car on se voit toute l’année et on s’entend très bien mais quand il faut jouer le mec en face, c’est un peu étrange « . Ce sont des relations un peu à deux temps suivant qu’on soit au fin fond de la Croatie ou qu’on se joue au troisième tour à Roland Garros. Il faut se concentrer sur soi. Quelque soit notre adversaire, il faut oublier qui c’est et gagner.

N-P : Vous êtes trois jeunes dans les meilleurs français. Comment l’expliques-tu ?

Simon.jpg G.S. : C’est dans l’ordre des choses. Il y a des générations qui partent, qui arrivent. Sébastien Grosjean et Arnaud Clément sont d’excellents joueurs, mais l’avenir nous appartient plus qu’à eux donc à nous d’essayer de faire en sorte de jouer le mieux possible.

N-P : La Coupe Davis a eu lieu la semaine dernière avec la défaite contre la Russie. Espère-tu rejoindre cette équipe un jour ?

G.S. : Sujet délicat ( rires ). Evidemment, j’espère jouer un jour. J’aurais même aimé jouer là car sur cette rencontre, j’avais tout pour prétendre à une place de cinquième homme. C’est pas une question de mérite car le sélectionneur fait l’équipe qu’il pense avoir le plus de chances de gagner. Je suis simplement déçu de ne pas être dedans. Dans ma tête, je me disais que s’il voulait me donner ma chance, c’était le bon moment. Je suis numéro deux au classement français, je suis jeune et je joues bien. Maintenant, ça va s’arrêter là car c’est une sélection, c’est un match dans l’année. Je n’ai pas été retenu cette fois-ci mais j’ai d’autres objectifs individuels. Guy forget m’a appelé, il m’a expliqué sess choix. Je n’étais pas d’accord avec la décision de prendre Paulo ( Paul-Henri Mathieu NDLR ) en numéro deux mais je le comprends. En revanche, je ne comprends pas le choix de Sébastien Grosjean en numéro cinq alors qu’il n’a pas de résultats depuis quelques temps. Beaucoup de joueurs attendent d’avoir leur chance en Coupe Davis, c’est dommage de ne pas leur avoir donné. Il a été sélectionné sur le seul critère de l’expérience car il ne peut pas l’être sur d’autres critères. Mais en ce moment, il y a des joueurs qui sont meilleurs que lui et avaient plus leur place au sein de l’équipe selon moi. Il y a deux rencontres complètement différentes entre la Roumanie où on te dit qu’il ne faut pas prendre de risque pour être sûr de se qualifier et la Russie où on te dit qu’il faut des joueurs d’expèrience parce que c’est un match important. On peut se demander alors quand est-ce qu’on donne leur chance aux jeunes.

N-P : Le tennis est l’un des sports les plus médiatisés. Or, qui dit médiatisation, dit gros gains. Est-ce que ça change quelque chose dans la vision du milieu ?

G.S. : Non car on joue au tennis depuis l’âge de six ans et à ce moment là, tu n’as pas de notion de gains. Tu joues au tennis par plaisir et parce que tu aimerais jouer à Roland Garros comme ceux qu’on va voir aux mois de mai-juin. C’est quelque chose qui vient en plus, et qui est forcément une très bonne chose pour nous, mais ça vient en plus, c’est un bonus. Il y a des sportifs qui font autant d’efforts que nous mais qui ne sont pas médiatisés et ne gagnent quasiment rien, c’est simplement une passion. J’aimerais que leur sport soit plus reconnu et qu’ils en vivent mais ce n’est malheureusement pas le cas. Il y a l’exemple, avec le foot notamment, pour une majorité de personnes, de gens qui viennent du même quartier qu’eux et qui ont réussi à s’en sortir. En tennis, ça se fait dans l’ordre des choses. C’est différent, on ne se dit pas : « On se met au tennis pour gagner de l’argent ». On joue pour espérer affronter un jour ceux qu’on voit à la télé. C’est hyper dur d’arriver au haut niveau.

N-P : Est-ce que tu considères le sport comme un facteur social ? Est-ce que les parents ne mettent pas trop de pression sur leurs enfants pour améliorer leurs conditions de vie ?

G.S. : Le sport a de très belles valeurs : se dépasser, se battre, faire ce qu’on aime, prendre du plaisir. On le voit à tous les niveaux, des gens pratiquent le sport seulement pour le plaisir. Le sport lutte contre les inégalités sociales, puisqu’il y a vraiment un métissage, on ne regarde pas d’où l’on vient. On est là pour être le meilleur, tout le monde est au même niveau. C’est quelque chose qu’on retrouve moins dans la vie, c’est pour ça que le sport plaît.

N-P : Comment tu vis pour être tout le temps entre les avions, dans les hôtels, à travers le monde. N’est-ce pas difficile d’avoir une vie sociale ?

G.S. : Je ne sais pas, il faut demander à ma copine ( rires ). C’est jamais quelque chose d’évident mais ça fait partie du métier. Autant en profiter un maximum qu’on aime ou pas. C’est quelque chose de très sympa, tout le monde aime le faire au début, un peu moins à la fin de la carrière. C’est vrai qu’être dans les grands hôtels, sur les plus beaux tournois, dans des stades magnifiques, c’est agréable et plaisant. Il y a un moment où on se rend compte qu’on est très bien chez soi aussi quand on n’y est pas souvent. C’est sympa d’être auprès des personnes qu’on aime, c’est un bonheur particulier et on préfère souvent ça aux grands hôtels de luxe, on va dire. Mais on ne va pas se plaindre, on vit dans de bonnes conditions. Il ne faut pas oublier que ça dure qu’un temps, que dès qu’on commence à avoir trente ans, on arrête de jouer donc on aura tout le temps d’être chez soi après.

NP : Enfin si je te dis :

Nice : Mes origines
Premier ou première : Première victoire
Côte d’azur : Soleil
Sport en général : Les belles valeurs
Le tennis : Ma passion
Un sportif : un passionné
La suite de la saison : Qu’elle soit aussi bonne que le début

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