Tous les stades de L1 connaissent le même phénomène et le stade du Ray, samedi, ne va pas déroger à cette coutume : une marée bleue et blanche envahit inexorablement les tribunes. Pour beaucoup un tel engouement autour d’un club est formidable. Pas faux mais ce qui est vrai et c’est mathématique : les autres clubs perdent les supporters que l’OM leur vole.
Téléfoot transforme Marseille-Metz, duel de fin de tableau, comme match phare de la neuvième journée. Etonnant… Mais vendeur. Les téléspectateurs restent jusqu’à la fin de l’émission et les tarifs publicitaires s’en ressentent. Le même scénario se répète à chaque émission : il y a toujours une bonne raison de parler de l’OM : « Fernandez menacé ? », « Enfin une victoire pour Marseille ? »…
« Depuis que Marseille est surmédiatisée, notre club ne cesse de perdre des supporters. C’est un cercle vicieux et rien ne pourra l’enrayer. Les médias ont compris qu’en abreuvant leurs lecteurs, téléspectateurs, auditeurs de reportages sur l’OM, c’était une audience assurée. Nous, par contre, notre club meurt et tout le monde s’en fout. Notre quotidien régional, Midi-Libre, consacre deux fois plus d’articles sur Marseille que sur nous ». Ce chagrin d’amour qui se transforme en cri d’alarme pour le foot français émane d’un supporter montpelliérain. Comme il le dit, son club n’intéresse plus personne. Le Montpellier Hérault Sport Club est la première victime du phénomène de « surmédiatisation » de Marseille.
Plusieurs raisons. La première : la proximité avec Marseille. Les mauvais résultats également. Les supporters pas encore fidélisés s’éloignent peu à peu. Amateurs de ballon rond, ils adorent leur petit canapé et associé à une bière se placent devant leur petite lucarne pour regarder du foot. Matches de L1 sur Canal+, téléfoot sur TF1 le dimanche matin et « On refait le match » sur RTL le lundi soir. Trois jours, trois émissions et trois fois l’OM au programme. Un harcèlement psychologique s’opère et semaine après semaine, ils deviennent sans s’en rendre compte supporters de l’OM.
C’est un véritable danger pour les modestes clubs de l’élite : Sochaux, Toulouse, Ajaccio, Metz,…. Peu de matches diffusés, peu de reportages, bref une couverture médiatique minimale. Des difficultés à trouver des sponsors comme première conséquence et les budgets s’en ressentent. Les effectifs et les résultats aussi. Le cercle vicieux s’installe. Des résultats moyens et encore moins de médiatisation (seul les matches contre l’OM diffusés, un résumé de trente secondes à Téléfoot, et trente secondes sur RTL !). Au pire des cas, comme l’équipe de Louis Nicollin (Montpellier), le club se retrouve à jamais dans les joutes infernales de la L2.
Le football français va en souffrir. A plus ou moins moyen terme, les « petits » clubs risquent d’en pâtir financièrement. Que faudra-t-il faire ? Un championnat à six clubs avec seulement les équipes qui font gagner de l’argent aux chaînes radios et télés? Comme en politique où on répartit équitablement le temps de parole, il faudra peut-être songer à ce que les 20 équipes de L1 aient le même temps de diffusion durant la saison. Autre solution partager en vingt parts égales le butin que récolte l’OM avec le merchandising…
La ferveur autour de ce club suscite de la jalousie et de l’envie. Pourquoi l’OM ? La réponse rituelle est logique et ne se conteste pas : seul club français à avoir remporté la ligue des champions. C’était en 1993. Depuis la vacuité du palmarès n’a rien changé : la bonne fée télévisuelle s’est penchée sur le berceau olympien et pour longtemps. Cruelle fatalité pour les autres clubs.
Peu de clubs en France sont à l’abri du phénomène montpelliérain : Saint Etienne, Lens et Paris bien sur. Nice, avec son renouveau et le regain de l’identité nissarde, paraît à l’abri. Les maillots de l’OGC se vendent. Les tribunes populaires sont toujours remplies. Mais, il faut que les résultats suivent. Pour cela il faut que les supporters restent fidèles, même s’ils sortent parfois déçus du Ray. Continuez à supporter le gym pour Nice et pour le football français…
Vincent Trinquat